L’arrêt de la fourniture d’électricité de Côte d’Ivoire entraine un déficit de production à EDM et des délestages tournants
La société Energie du Mali (EDM) traverse une période difficile suscitant la colère des usagers en raison des récurrentes coupures d’électricité qu’elle engendre. Les explications fournies par les responsables ne parviennent pas à convaincre les consommateurs qui reprochent à la société d’être défaillante dans sa mission de service public.
« Nous avons toujours expliqué à nos clients les causes des incidents qui surviennent sur nos réseaux. Mais depuis un certain temps, nous faisons face à des contingences indépendantes de notre volonté, ce qui fait que nous n’arrivons plus à assurer correctement la fourniture d’électricité. Cette situation nous affecte en premier lieu », s’échine à expliquer le conseiller à la communication d’EDM, Tiona Mathieu Koné.
En se fiant aux raisons fournies dans un passé proche, le grand public pourrait penser à une persistance des difficultés de trésorerie de l’entreprise et par ricochet à un défaut d’approvisionnement en combustible. Mais à EDM, on dément tout problème de combustible. L’aspect financier a été résolu grâce au concours de l’Etat, révèle Tiona Mathieu Koné. Aujourd’hui, poursuit-il, les créances en souffrance ont été épongées et la compagnie Ben and Co qui est l’un des fournisseurs majeurs, a repris sa collaboration avec EDM.
Des camions citernes, en provenance de Dakar, sont en route. La quantité de combustible qu’ils transportent suffit pour plusieurs mois, assure le responsable d’EDM. Le problème, souligne-t-il, se situe, plutôt au niveau du réseau interconnecté avec la Côte d’Ivoire.
Le projet d’interconnexion du réseau électrique avec la Côte d’Ivoire est une ambitieuse initiative des deux gouvernements de faire de l’énergie des facteurs d’intégration entre nos deux peuples. D’un coût global de 165 milliards de Fcfa, ce projet consiste en la réalisation de lignes électriques reliant nos deux pays à travers la construction de postes de distribution d’énergie à Ferkessédougou, côté ivoirien et à Ségou et Koutiala, côté malien.
L’objectif du projet est de fournir à l’avenir, environ 200 mégawatts à notre pays. Dans un premier temps, la partie ivoirienne s’est acquittée d’une partie du contrat en fournissant depuis septembre dernier, environ 30 mégawatts. Les villes de Sikasso, Koutiala, Ségou et même Bamako bénéficient de cette énergie ivoirienne depuis son lancement en septembre 2012.
La Côte d’Ivoire comptait sur le gaz pour honorer totalement ce partenariat. Jusqu’ici tout marchait bien. Malheureusement ces derniers temps, le partenaire ivoirien ne peut plus compter sur son gaz à la suite d’un contentieux avec FOXTROT, son fournisseur en gaz.
L’arrêt des centrales fonctionnant au gaz a amené la Compagnie ivoirienne d’électricité (CIE), à se rabattre sur ses installations thermiques qui, comme au Mali, peinent également à tourner à plein régime.
La partie ivoirienne a fait part de ses problèmes à son partenaire malien. Dans un document transmis à cet effet, les autorités ivoiriennes ont informé leurs homologues maliens de leur décision de suspendre l’exportation de l’énergie vers le Mali à partir du 15 mai, mais ont promis de rétablir le service le plus tôt possible, indique Tiona Mathieu Koné qui soutient que toutes les dispositions sont prises pour minimiser les effets induits.
L’arrêt du service sur le réseau interconnecté à partir du réseau ivoirien oblige EDM à revoir son dispositif de fourniture d’électricité en se tournant vers les centrales thermiques pour réalimenter l’ensemble de son réseau, notamment à Sikasso, Koutiala et Ségou. Le système de production énergétique de notre pays est basé sur l’utilisation des installations thermiques. Ce dispositif, à lui seul, produit, plus de 60 % du total de nos besoins énergétiques. Ce parc énergétique est constitué, en ce qui concerne la ville de Bamako et certaines capitales régionales, des centrales de Darsalam, Balingué, Sirakoro Méguétana. Tandis que les usagers des villes du nord et des cercles et communes de l’intérieur étaient alimentés par des centrales isolées.
Tous ces moyens de production fonctionnent au combustible liquide, notamment le fuel lourd et le gasoil. Un déficit de stockage de ces combustibles avait provoqué des coupures suite au coup d’Etat de mars 2012, et en raison de récentes tensions de trésorerie de la société.
L’énergie thermique coûte cher à EDM. Le coût de production d’un kilowatt est de 140 Fcfa en moyenne, alors que l’entreprise revend ce kilowatt aux usagers à peine à 80 Fcfa. EDM pratique un système de péréquation pour équilibrer ces tarifs entre l’électricité thermique onéreuse et l’énergie bon marché fournie par les ouvrages hydroélectriques, dont les barrages de Sélingué et de Manantali en assurent la plus grande part.
Ces centrales ne fonctionnent malheureusement pas à plein régime. Un groupe est ainsi à l’arrêt à Sélingué. Et celui du Balingué, avec le projet de la Banque islamique de développement (BID), se fait attendre toujours. Manantali est aussi en arrêt technique. Tous ces aléas représentent plus de 60 mégawatts de déficit de production. Dès lors, on comprend aisément pourquoi EDM-sa n’est encore sorti de l’auberge.