L’aide-ménagère accoucha d’un bébé de sexe féminin. Elle se débarrassa du nourrisson de la façon la plus tragique.
Les travaux de la 1ère session de la Cour d’assisses de Bamako, de l’année en cours, ont débuté lundi avec 82 dossiers portant sur diverses infractions. Au cours de la première journée, les jurés ont fait comparaitre une aide-ménagère suspectée de la mort de son nouveau né. Elle répond du crime « d’infanticide contre son nourrisson ».
L’infanticide fait partie des faits courants de nos jours. Parmi les affaires de la Cour d’assises, il n’est pas rare de tomber sur deux ou trois cas dans une même session. Un fait est constant. Depuis un bon moment, et en dehors de statistiques fiables, même si elles ne sont pas les seules, les domestiques figurent parmi les plus mises en cause pour « infanticide », comme en témoignent les différentes sessions d’assises. Même si rien ne peut justifier ce comportement regrettable de celles qui commettent cette infraction, il est clair que de multiples causes sont à l’origine de ce crime odieux.
Dans le cas de la nommée Fatoumata Dembélé, âgée de 18 ans au moment des faits, qui a comparu lundi devant les jurés, cette aide-ménagère a attenté à la vie du bébé qu’elle venait de mettre au monde. Ensuite, elle l’a abandonné sur un tas d’ordures, au bord du fleuve. La jeune fille aurait été poussée à commettre cet acte horrible pour ne pas retourner au village, dans le déshonneur.
A la barre, d’entrée de jeu, la mère indigne manifesta un profond regret pour avoir ôté la vie à un bébé innocent. Mais qu’à cela ne tienne, l’acte étant déjà consommé, Fatoumata risque de vivre longtemps au fond d’une cellule. Il ressort de l’acte d’accusation que, courant 2016, la Fatoumata Dembélé, vivant à Baco–Djicoroni, en commune V du district de Bamako, a été inculpée pour infanticide. La jeune femme, native de la Région de Sikasso, atterrit dans la Cité des trois caïmans à la recherche de son trousseau de mariage. Avec un peu de chance, après son arrivée dans la ville, elle décrocha un emploi d’aide-ménagère, quelque part, dans une famille. Elle était déjà fiancée au village. Mais, durant son séjour à Bamako, elle entretint une relation avec un autre jeune du quartier cité plus haut. Par malheur pour elle, cette relation se solda par une grossesse. Les choses s’en allèrent ainsi. Et depuis, tout est parti si vite pour elle, dans la mauvaise direction.
QUAND TOUT PART EN VRILLE – Dans la nuit du 12 au 13 janvier 2016, la demoiselle Fatoumata accoucha d’un nouveau-né. Sur les conseils d’un certain Mama Coulibaly dit « Bavieux », un guérisseur traditionnel à qui elle avait expliqué qu’elle souffrait de maux de ventre, elle avait bu une potion. Le produit était censé la guérir de ce dont elle souffrait. Celui-ci connaissant l’effet de la potion, lui demanda de ne pas consommer ledit produit en temps de grossesse à cause de son pouvoir abortif. Mais l’indélicate jeune fille semblait décidée à avorter. En dépit des conseils du praticien traditionnel, elle alla jusqu’à nier être enceinte. Mais qu’elle souffrait juste de maux de ventre. C’est dans ces circonstances particulières qu’elle accoucha. Néanmoins, elle réussit à couper le cordon ombilical à l’aide d’une lame abandonnée qu’elle avait ramassée dans la cour de la maison.
Ainsi, le « travail » fini, elle déposa soigneusement son nouveau-né, enveloppé dans un sac plastique, dans un lieu qu’elle croyait discret. Elle évita d’informer quiconque de ce qu’elle venait de vivre. Le nouveau-né y resta durant toute la journée sans être alimenté. Vers le crépuscule, la mère indigne alla le chercher. Et c’était pour l’abandonner sur un tas d’ordures au bord du bras du fleuve qui passe dans le quartier. Lorsque sa patronne apprit la nouvelle de son accouchement, celle-ci l’interpella. Obligée de s’expliquer, elle soutint tantôt avoir abandonné son nouveau-né sur un tas d’ordures, tantôt, elle dit avoir remis le bébé à « Bavieux » sur la demande de celui-ci. Plus tard, elle maintint les mêmes explications à la police. Entre-temps, une enquête judiciaire fut ouverte. De fil en aiguille, celle-ci a abouti à son renvoi devant la Cour d’assises pour répondre de son acte ignoble. Les faits qui lui sont reprochés sont prévus et punis par les articles 199, 200 al. 2, 204, 205, 206, et 281 du Code pénal. Elles peuvent donner lieu à l’application de peines criminelles.
A la barre, contre toute évidence, elle nia avoir tué son enfant. En revanche, elle reconnut avoir donné naissance à un bébé de sexe féminin. Croyant pouvoir mieux se défendre ainsi, elle affirma dans la foulée qu’elle a remis le nouveau-né à « Bavieux », le tradi-praticien. Face à sa dénégation systématique, les jurés se sont référés au procès-verbal d’audition de sa patronne. Du procès-verbal, il ressort qu’elle avait déclaré avoir abandonné le corps du nouveau-né sur un tas d’ordures.
Le ministère public, dans son réquisitoire, a indiqué que la mise en cause a muri et planifié son acte criminel avant de le mettre en œuvre. Le défenseur des citoyens est allé jusqu’à détailler la façon dont les choses semblent s’être déroulées. Et de lancer : « Voilà une jeune fille fiancée venue travailler pour avoir son trousseau de mariage. Dans cette lancée, elle a fini par avoir avec un autre jeune une relation amoureuse qui s’est soldée par une grossesse. Et ne sachant quoi faire du bébé et comment retourner sans honneur au bercail, elle planifia alors de s’en débarrasser de la façon la plus ignoble ». Pour le magistrat, il reste à savoir comment elle s’y est prise. Pourtant durant les enquêtes préliminaires, interrogée, elle avait, elle-même, déclaré avoir enveloppé le nourrisson dans une couverture, puis l’avoir mis dans un sachet en plastique, qu’elle déposa ensuite sur le toit de la maison. Pour confirmer ce fait, elle a affirmé ne l’avoir ni lavé, ni allaité durant toute la journée. « Donc, il est clair qu’elle l’a tué », s’est insurgé le ministère public qui a finalement requis qu’elle soit maintenue dans les liens de l’accusation.
Le conseil de l’accusée a tout d’abord fait un rappel des circonstances qui ont pu amener sa cliente à commettre un tel acte. Elles sont surtout sociales, avec de fortes probabilités d’être marginalisée à son retour au village parmi les siens. A cette situation de déshonneur peut s’ajouter la probabilité d’un refus du supposé père de reconnaître la paternité de l’enfant. Bref, en plaidant ainsi, c’était comme si le conseil savait que cette technique pouvait amener les jurés à se ranger dans son camp. L’avocat a plaidé pour que sa cliente puisse bénéficier de circonstances atténuantes. Car, il a estimé que « l’accusée est une délinquante primaire ».
En fin de compte, cette plaidoirie a porté ses fruits et la jeune fille a pu bénéficier des faveurs du ministère public. Celui-ci a requis qu’elle bénéfice d’une peine dissuasive. La défense avait eu gain de cause en partie avec cette peine dissuasive requise contre sa cliente. Mais elle est revenue à la charge en demandant à la cour d’être plus clémente, en accordant le sursis à l’accusée. Chose qu’elle n’a pu obtenir.
Après délibération, la cour a, dans sa sagesse, accordé des circonstances atténuantes à la mise en cause. Fatoumata a ainsi écopé de quatre ans d’emprisonnement, sans sursis. Une peine qui lui permettra, dorénavant de réfléchir par deux fois avant d’agir.