Nos confrères ont échangé avec plusieurs spécialistes des questions du Sahel et des personnalités politiques de l’Hexagone
Quatre journalistes maliens de la presse publique et privée ont effectué du 11 au 19 mai un stage à Paris à l’invitation de la direction de la communication et de la presse du ministère français des Affaires étrangères. Axé sur l’action diplomatique de la France dans la région du Sahel et la pratique du journalisme, ce séjour a permis aux journalistes de discuter avec plusieurs spécialistes des questions du Sahel et des personnalités politiques de l’Hexagone comme l’ancien ministre et sénateur de son état, Jean–Pierre Chevènement, le maire de Montreuil, Mme Dominique Voynet, le député de la Seine-Saint-Denis, Razzi Hammadi, l’ambassadeur chargé des questions économiques de reconstruction et de développement, Pierre Duquesne, Alain Antil, chercheur responsable du Programme Afrique Sub-saharienne à l’Institut français des relations internationales (IFRI). Ils ont également rencontré le responsable du Programme médias de l’OIF, Tidiane Dioh, et visité les rédactions de France télévision, de France24, de Jeune Afrique et du journal Le Figaro.
Les questions abordées étaient essentiellement axées sur la crise que connaît notre pays : son origine, ses effets sur le quotidien des populations et les perspectives de solution. La question des Touareg, particulièrement celle du Mouvement pour la libération de l’Azawad qui a lancé la rébellion de janvier 2012, a été l’un des sujets sur lesquels les journalistes maliens et certains de leurs interlocuteurs français affichaient une lecture différente. Mais tous ont convenu que la réponse à la crise du septentrion malien passe nécessairement par le développement durable avec la mise en place d’infrastructures de base comme les routes, l’accès à l’eau potable, à la santé et à l’éducation.
Cette approche a été largement développée par le sénateur Jean-Pierre Chevènement. Celui-ci est convaincu que c’est le sous-développement qui est à la base des rebellions successives dans le nord du Mali. L’ancien ministre français juge que le Mali a intérêt à harmoniser sa politique démographique avec les ressources disponibles. Selon lui, le taux de natalité est très fort actuellement dans notre pays avec une proportion de 7 enfants par femme. Alors que les revenus par famille sont très faibles. S’il est vrai, a-t-il précisé, que l’Etat malien a consacré plus d’efforts dans le développement des villes du sud, le nord reste toujours une étendue désertique où les infrastructures de base sont très rares.
Le « Monsieur dossier Mali » au ministère des Affaires étrangères s’appelle Laurent Viguier, sous directeur pour l’Afrique occidentale. De son point de vue, la reconstruction du Mali passe d’abord par la mise en place d’institutions démocratiques et légitimes. C’est pourquoi, selon lui, il faut tenir à tout prix les élections aux dates indiquées.
C’est aussi le point de vue de l’ambassadeur chargé des questions économiques de reconstruction et de développement. Pierre Duquesne estime que tout retard pris dans l’organisation des élections aura une répercussion sur la reprise de la coopération au développement et surtout sur la reconstruction du Mali malgré les promesses de dons qui ont été faites à Bruxelles. Il a cité en exemple le cas de l’Allemagne et des États-Unis qui ont conditionné leurs contributions à la tenue d’élections libres et transparentes. Selon Pierre Duquesne, la reconstruction du Mali reposera sur la restauration des services publics et privés dans le nord, la construction des forces armées et de sécurité et la réalisation de projets dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la décentralisation, de la culture, du tourisme.
Dans le cadre de la reconstruction du Mali, le député de la Seine-Saint-Denis, Razzi Hammadi, a déjà une idée en tête. Il a l’intention de faire participer l’intelligentsia de la diaspora malienne en France au développement du Mali à travers la mise en place de projets dans les domaines de l’agro-industrie, des télécommunications et des nouvelles technologies. Dans ce sens, il souhaite la création d’un livret d’investissements. « La question du Nord du Mali ne peut être réglée par la seule voie militaire. Aucun coup d’Etat ne peut être justifié en ce 21è siècle », a estimé Razzi Hammadi.
Avec plus de 10000 Maliens vivant à Montreuil, le maire Dominique Voynet travaille depuis son arrivée à la tête de la municipalité à permettre à nos compatriotes de vivre et de travailler décemment afin qu’ils puissent concrètement contribuer au développement de leur pays. « S’ils montent des projets à destination de leur pays, la mairie en sera toujours un soutien », a-t-elle assuré.
Le séjour parisien des quatre journalistes maliens a été aussi marqué par des visites dans les rédactions de presse et de télévision. Dans les locaux de Jeune Afrique, les journalistes ont discuté avec le directeur de la Rédaction, François Soudan, de la crise malienne et des perspectives de sortie de crise, notamment le travail qui attend la Commission Dialogue et Réconciliation mise en place par le chef de l’Etat et qui a du mal à avoir l’adhésion de tous. Au journal, Le Figaro, les journalistes ont aussi parlé avec Tanguy Berthemet et Thierry Oberle, deux grands reporters qui ont couvert la crise au Mali et publié un livre dont le titre est « Notre guerre secrète au Mali ». Journaliste politique à France télévision pendant plusieurs années, Jean Jacques Cross enseigne aujourd’hui le journalisme dans plusieurs écoles en France. Il a donné un petit cours sur la couverture de l’élection présidentielle en France. Il a détaillé en profondeur la répartition des temps d’antenne et de parole sur les télévisions. Le tout est surveillé par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) qui veille au respect de l’équité entre petits et grands candidats. Au Mali, ce rôle est dévolu au Comité national de l’égal accès aux médias d’Etat et non au Conseil supérieur de la communication.