NIAMEY - Donné pour mort par le Tchad, le jihadiste algérien Mokhtar Belmokhtar a revendiqué le double attentat-suicide au Niger, qui a fait une vingtaine de morts, et a menacé de frapper les pays engagés au Mali.
Le Niger a été jeudi pour la première fois victime d’attaques de ce genre, qui ont visé l’armée à Agadez, la grande ville du Nord désertique, et le site d’uranium du groupe nucléaire français Areva à Arlit, à plus de 200 km au nord. Niamey a dénoncé des actions "terroristes".
Le groupe "Les signataires par le sang", dirigé par Mokhtar Belmokhtar, dit "le Borgne", a créé la surprise en revendiquant cette opération spectaculaire. "Nous allons lancer plus d’opérations" au Niger, affirme le groupe, dans un communiqué mis en ligne sur des sites islamistes, et signé de Belmokhtar, qui menace également la France et tous les pays engagés militairement au Mali.
Dans ce texte, "les signataires de la mort" mettent en garde "tous les pays qui ont l’intention de participer" à la force africaine déployée au Mali, "même au nom du maintien de la paix", assurant qu’ils "gouteront à la saveur de la mort".
"Les colonnes de jihadistes et de candidats au martyre se tiennent prêtes et n’attendent qu’un ordre pour foncer sur leurs cibles", clame le même communiqué.
Dans un autre communiqué cité la veille par l’agence mauritanienne en ligne Alakhbar, le porte-parole du groupe, El-Hassen Ould Khlil, alias "Jouleibib", a déclaré que "c’est Belmokhtar qui a supervisé lui-même les plans d’opération des attaques" qui ont "visé les forces d’élite françaises assurant la sécurité des installations de la firme nucléaire (Areva) et une base militaire
nigérienne".
Il a affirmé que "plus d’une dizaine de combattants ont participé à ces attaques", menées conjointement selon lui avec le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao).
Le Mujao, l’un des groupes armés islamistes qui occupaient le nord du Mali depuis 2012 avant d’en être chassés depuis janvier par une opération franco-africaine, avait auparavant revendiqué ces attaques.
Mokhtar Belmokhtar, un ancien dirigeant d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), a quitté ce groupe fin 2012 pour créer son propre mouvement, Les Signataires par le sang, dont la première action d’envergure avait été une prise d’otages massive et sanglante en janvier sur un site gazier à In Amenas, dans le sud de l’Algérie.
Le président tchadien Idriss Déby Itno, dont l’armée intervient aussi au Mali, avait affirmé en avril que Belmokhtar s’était "fait exploser" peu après la mort fin février dans le Nord malien d’Abou Zeïd, un des dirigeants d’Aqmi. La France avait confirmé le 23 mars la mort d’Abou Zeid, mais pas celle de Belmokhtar.
"Comment ça a pu arriver"?
A Agadez et à Arlit, la vie avait repris son cours vendredi matin, mais les violences étaient dans tous les esprits. "La vie a repris son train-train
quotidien, mais les gens sont encore très choqués de ce qui est arrivé", a déclaré à l’AFP Babalé Abdou, un tailleur d’Agadez, joint au téléphone depuis
Niamey.
"Il n’y a plus de soldats qui patrouillent en ville", a rapporté un journaliste local.
Même ambiance à Arlit où, selon un agent d’Areva, "beaucoup de gens s’interrogent encore sur comment ça a pu arriver, malgré l’impressionnant dispositif sécuritaire et militaire, y compris français, mis en place depuis des mois".
Jeudi à l’aube, le premier attentat à la voiture piégée a explosé dans le grand camp militaire d’Agadez, faisant une vingtaine de morts, essentiellement des militaires, et blessant une quinzaine de militaires. La télévision publique a diffusé les images du camp après l’attaque: toits arrachés, débris du 4X4 du kamikaze, taches de sang par terre.
Les autorités ont évoqué une prise en otages de plusieurs élèves officiers, mais dans la soirée le ministre de la Défense Mahamadou Karidjo a affirmé que le dernier assaillant avait été "maîtrisé".
A Arlit, Areva a fait état d’un salarié tué et de 14 blessés. Une cinquantaine d’agents de sécurité ont aussi été blessés, d’après le gouvernement.
Le président français François Hollande a exprimé vendredi sa "solidarité" à son homologue nigérien Mahamadou Issoufou, voyant dans les attentats au Niger "une preuve supplémentaire" de la nécessité de soutenir l’Afrique contre le "fléau" du terrorisme.
Après le Niger, tous les pays engagés au Mali se savent plus que jamais exposés aux risques d’attaques jihadistes. "A qui le tour?", titrait vendredi matin le quotidien burkinabè Le Pays.