Plus qu’un simple coup de gueule, c’est un sérieux avertissement que le président de la très représentative association Tabital Pulaaku, Abdoul Aziz Diallo, a lancé lors de la conférence de presse organisée avant-hier dimanche 6 mai 2018 à la Maison de la presse suite aux affrontements entre communautés peule et dogon au cours des derniers mois dans les cercles de Koro et Douentza : « Tabital Pulaaku affirme sans ambages que la communauté peule se réserve le droit de se défendre contre toute attaque de la part de quelque milice que ce soit.»
Les violences se multiplient depuis deux ans dans le centre du Mali entre Peuls et dogons. Les derniers événements qui se sont déroulés dans la zone ont semé le deuil, provoqué des larmes et le désespoir en “pays peul”, au sein de la communauté culturelle peule.
Pour le président de Tabital Pulaaku, Abdoul Aziz Diallo, les attaques récentes portent la signature des chasseurs dozos, et dans laquelle on retrouve des Dogons, mais aussi des gens qui ne seraient pas maliens: « La situation est très grave. Et de jour en jour, ça s’aggrave. Aujourd’hui, il y a une milice appelée Dozo, qui est descendue dans le centre et qui est en train de descendre dans les villages pour tuer les gens n’importe comment. Ils arrêtent même des voitures pour faire descendre les gens et les égorger. Ils brûlent les cases, ils tuent les animaux des Peuls. C’est très grave ! C’est une milice fabriquée. On ne sait pas qui tire les ficelles, mais ce qui est sûr, c’est que cette situation-là n’est pas claire. Et ça risque de contaminer toute la région entière. Aujourd’hui, c’est Koro. Hier, c’était Djenné. Demain, on ne sait pas si ce ne sera pas Douentza, Bankass ou Bandiagara ».
Pour Abdoul Aziz Diallo, il est temps de mettre fin au calvaire de la communauté peule dans le centre. Et de dénoncer le laxisme du gouvernement : « Malgré les promesses du gouvernement et ses engagements à travers un certain nombre de mesures, force est de constater que la situation s’est plutôt dégradée ». Le président de Tabital Pulaaku cite une série d’évènements qui tendent à prouver une nette détérioration sur le terrain. A savoir le massacre des habitants peuls de Nawodié et Tanfadada dans la commune de Dougani par des chasseurs appelés Dan-na Amassagou ; l’incendie des villages peuls de Madougou ; la chasse aux peuls entreprise par la milice Dan-na Amassagou ; l’interception de vivres allouées aux populations par le Premier ministre et des ONG…
En outre, Abdoul Aziz Diallo, accuse les autorités de tolérer, voire d’encourager, les exactions de groupes de chasseurs traditionnels contre les peuls, au nom de la lutte contre les jihadistes, « Il y a collision entre les chasseurs dogons et les autorités, sinon comment comprendre la campagne de chasse aux peuls entreprise par dan-na Amassagou dans la ville de Koro par une opération porte à porte destinée à obliger ces derniers à vider leurs maison séance tenante sous le regard bienveillant des pouvoirs publics », s’interroge Diallo. Avant de dénoncer une véritable campagne planifiée par Dan-na Amassagou pour chasser tous les peuls de la région en vie de s’approprier les terres et le cheptel.
Face à ces actes, Tabital Pulaaku invite le gouvernement à procéder à la dislocation de toutes les milices et à la récupération de toutes les armes illégalement détenues dans la région de Mopti dans un délai minimum et diligenter des enquêtes sur les événements en vue d’engager des poursuites pénales contre toutes les personnes impliquées dans ce génocide en cours à Koro et ailleurs sur le territoire.
L’association invite le gouvernement à organiser le retour de tous les déplacés au plus tard à la fin du mois de mai 2018.
Par ailleurs, Abdoul Aziz Diallo, président de Tabital Pulaaku conteste tout problème entre Peuls et Dogons. «Ceux qui nous tuent, sont des djihadistes. Quand vous ne pouvez plus vous déplacer pour chercher à manger pour votre famille ou aller vers les points d’eau avec vos animaux, cela constitue un problème grave pour un Peul», a-t-il dit.
Pour lui, le problème se trouve au niveau de la milice Dan- na Amassagou qui a un dessein génocidaire, une vision d’épuration ethnique qui doit être vigoureusement combattue.
Le président de Tabital Pulaaku appelle à mette fin à l’amalgame créé et entretenu qui fait de tout Peul un terroriste et déplore l’arrestation arbitraire de personnes innocentes.
Qui tire les ficelles et a intérêt à monter les communautés les unes contre les autres ? C’est la question qui revient souvent. Contrairement à d’autres violences qui ont opposé les Dogons sédentaires aux éleveurs peuls, la racine des dernières exactions n’est à priori pas celle-là. Mais le risque de vengeance communautaire existe bel et bien. C’est ce que rappellent les Peuls aujourd’hui.