Dans exactement 77 jours, les électeurs maliens se rendront aux urnes pour se choisir celui ou celle à qui ils confieront les rênes de leur pays pour les cinq années à vivre. Chaque citoyen-ne est convaincu(e) qu’il s’agit là d’une échéance capitale au regard des multiples défis du moment et des enjeux implacables qui s’y rattachent. Pas besoin ni de dessin ni de propos ampoulés pour dire aux électeurs du 29 juillet prochain que ce dont il est question, c’est leur Avenir.
Or, quand on parle d’avenir, on envisage sinon le long terme du moins celui intermédiaire sur l’échelle de Richter de la vie d’une Nation attaquée de toutes parts et en proie au doute. L’élection présidentielle, c’est clair, ce n’est pas du jeu. C’est le palier supérieur des joutes électorales qui, elles-mêmes constituent l’étalon d’appréhension de la vitalité d’une démocratie. Mais à deux mois et deux semaines d’un scrutin si crucial pour le Mali et ses vingt millions d’habitants, l’absence de repères orthonormés pour faire le choix infaillible est désespérante. Les candidats déjà déclarés et ceux qui s’apprêtent à sortir du bois n’ont pas encore daigné nous gratifier de leur projet de société ou de leur programme de gouvernement.
Ils le feront, je veux bien le croire, mais quand et pour quelle utilité si cet exercice devait être postérieur aux élections ? Dans cette hypothèse qui n’a pas ma faveur, c’est une évidence, quel gage donneraient-ils aux électeurs qu’ils tiendraient leurs promesses électorales qui n’auraient pas été consignées dans un document structuré, cohérent pour ne pas dire scientifique ? Aucun ! C’est une limite objective de notre expérience démocratique qui mérite d’être corrigée au plus vite si l’on souhaite que cette expérience ait du sens comme ailleurs. Sauf à considérer l’électeur/trice du XXIème Siècle comme du bétail électoral à qui on dénierait toute intelligence et toute capacité de choix dans l’offre politique du moment.
Cela ne m’étonnerait outre mesure d’autant plus que le manque d’éducation des électeurs, le manque de perspective et la pauvreté sont des terreaux sur lesquels prospèrent l’achat des consciences et toutes les autres pratiques néfastes qui faussent les résultats du vote des citoyens. Dans un pays où un leader spirituel et/ou de communauté peut donner un mot d’ordre voire un oukase pour orienter le sens d’un scrutin, il y a tout lieu de s’interroger sur la sincérité et la solidité de la relation Electeur-Elu. In fine, pourrait-on affirmer que l’électeur/trice malien-ne ne vote pas un projet, mais il/elle vote plutôt une personnalité. Ses critères de choix seraient alors la réputation de cette personnalité, sa générosité, ses origines ou même son apparence physique. Toutes choses qui sont subjectives et qui ne devraient pas peser de façon déterminante dans une élection.
Pour autant, sommes-nous dépouillés de toutes ressources pour renverser le cours des choses ? Que pouvons-nous faire pour contraindre les candidats à la présidentielle à ne pas nous considérer comme quantité négligeable ? Disposons-nous de moyens de pression qui les contraindraient, comme ailleurs, à nous faire la cour ? Si l’on part du principe que ce sont les électeurs qui confèrent aux élus leur légitimité, il faut leur brandir sans cesse la menace de l’épée de Damoclès : « Si vous ne respectez pas les engagements pour lesquels nous vous accordons notre confiance, nous vous la retirons à la prochaine élection ». C’est simple, facile et pratique !
Dans certains pays, les citoyens soumettent à un grand oral les candidats aux élections présidentielles et sur la base des réponses obtenues au regard de leurs critères propres, donnent des consignes de vote. Au Mali, la vie associative est si explosive qu’on pourrait prendre l’initiative de porter sur les fonts baptismaux une association ou un syndicat de défense des droits des électeurs. Certes, ça rallongerait la liste des associations qui, une fois le récépissé en poche, plongent dans une grande hibernation, mais c’est pour la bonne cause.
Cette association ou ce syndicat agirait comme lanceur d’alerte pour rappeler les élus à leurs engagements et ainsi dénoncer tous écarts et toutes déviations. En tous les cas, à mi-chemin de la troisième décennie d’exercice démocratique, les Maliens-nes ont l’obligation voire l’impérieux devoir de tirer les enseignements qui s’imposent et de capitaliser leur expérience. Cela leur éviterait de prendre les mêmes qui feraient toujours les mêmes erreurs et les mêmes fautes. Et puis, pour terminer, un air de jouvence ne nous ferait pas de mal. Bien au contraire !