L’ambition de ce projet est de mettre en synergie toutes les opportunités de développement des trois pays de manière à rendre leurs économies plus complémentaires
Les Premiers ministres burkinabé, ivoirien et malien, respectivement Paul Kaba Tiéba, Amadou Gon Coulibay et Soumeylou Boubèye Maïga, ont lancé, hier à Sikasso, la Zone économique spéciale (ZES) qui couvre le triangle Sikasso (Mali), Korhogo (Côte d’Ivoire) et Bobo (Burkina Faso), baptisé «SIKOBO». La cérémonie solennelle a enregistré la présence de plusieurs personnalités, notamment des ministres, des représentants d’organismes communautaires et du secteur privé.
Ce lancement, faut-il le rappeler, fait suite à la visite de travail que le Premier ministre malien a effectuée au Burkina Faso (3 et 4 avril) et en Côte d’Ivoire (du 5 au 6 avril 2018). Lors de sa tournée, Soumeylou Boubèye Maïga a «émis l’idée de cette réunion de lancement». En effet, ce projet correspond à la réalité des relations multiples et diverses et à la volonté des chefs d’Etat des trois pays d’avancer à travers la coopération transfrontalière vers une intégration régionale plus dynamique au service de nos acteurs économiques et de l’ensemble de nos populations.
Avec ce lancement, un pas important vient d’être franchi dans la réalisation de cette idée. «Ce projet intégrateur correspond à l’économie du réel. Sa mise en œuvre nécessite la mutualisation de nos capacités dans ce domaine comme dans les autres pour pouvoir faire face aux multiples défis auxquels nous faisons face», a déclaré à la presse le chef du gouvernement malien.
Car, ajoutera Soumeylou Boubèye Maïga, «nos peuples sont fatigués des rhétoriques permanentes et des incantations. Ils souhaitent que nous puissions leur proposer des solutions concrètes qui leur permettent de mettre en valeur leurs potentiels, leurs énergies et profiter de toutes les opportunités que les puissances publiques peuvent créer». A titre indicatif, les aéroports de Sikasso, de Bobo et de Bouaké peuvent devenir des plateformes tournantes servant au transport des productions locales. Aussi, une école de l’air pourrait y être créée pour la formation initiale.
Pour y arriver, les études d’évaluation des productions au niveau de chaque localité seront entreprises dans les jours à venir, a annoncé le Premier ministre ivoirien. Le but, selon Amadou Gon Coulibaly, est de déterminer les lieux devant abriter les infrastructures communes qui seront sélectionnées et retenues dans le cadre du projet par le comité de coordination. Pour le Premier ivoirien, ces estimations permettront la fixation du coût financier du projet, les parts devant être supportées par nos budgets nationaux, les organismes communautaires, et celles qui doivent être soumises au financement des partenaires techniques et financiers et au secteur privé. Mais déjà, «43 milliards de Fcfa ont été débloqués par l’UEMOA pour le développement d’un certain nombre de projets d’ordre spécifique», a révélé Amadou Gon Coulibaly, comme pour attirer l’attention sur l’intérêt que ce projet suscite déjà.
D’où l’importance de la conjugaison des efforts afin «d’en faire une zone de création de richesse et de transformation structurelle de nos produits locaux», a précisé le chef du gouvernement burkinabé. Paul Kaba Tiéba a ajouté que toutes les initiatives, tous les moyens appropriés permettant l’opérationnalisation de la Zone économique spéciale seront mis à contribution, dans le respect de la stabilité et la soutenabilité macroéconomique de nos Etats respectifs et des accords internationaux auxquels ils ont souscrit.
Envoyés spéciaux
Cheick M. TRAORÉ
Alou SISSOKO
SIGNATURE DE LA DÉCLARATION DE CRÉATION DE LA ZES
La cérémonie a été marquée par la signature de déclaration de la Zone économique spéciale par les trois Premiers ministres. Dans cette déclaration lue par le ministre malien de l’Economie et des Finances, les Etats déclarent adhérer, dans la concrétisation de ce projet, aux principes directeurs de transparence, d’équité, de solidarité, de complémentarité et de subsidiarité.
Conformément aux bonnes pratiques internationales en matière de zone économique, les parties s’accordent sur la mise en place d’un comité tripartite entre les trois pays pour piloter le processus de préparation et de finalisation du projet de la zone économique. A cet effet, chaque pays désignera les futurs membres dudit comité sous la coordination des ministres en charge de l’Economie et des Finances. En outre, les trois pays s’engagent à procéder à la délimitation de la zone économique, à la réalisation de l’ensemble des études techniques, socioéconomiques et financières, à l’élaboration des textes portant création de la zone économique, et fixant les règles d’organisation et de fonctionnement de ses organes d’administration et de gestion. Ils promettent de s’investir pour la construction et l’exploitation de la zone économique, la mise en place de garantie et de facilités importantes et innovantes pour l’investissement, la mise en place d’un cadre juridique et réglementaire sécurisant les investisseurs, la mise en place d’une bonne gestion de la zone grâce aux mécanismes institutionnel, règlementaire et de coordination administrative. Ils devront également définir les règles de coopération douanière et transfrontalière garantissant le commerce, une meilleure production industrielle et la libre circulation des biens et des personnes en lien avec les dispositions de la CEDEAO et de l’UEMOA.
C. M. T.
ZOOM SUR LES AMBITIONS DE LA ZES
Conformément au programme de la cérémonie solennelle de lancement de la Zone économique spéciale, le ministre l’Economie et des Finances, Dr Boubou Cissé, a présenté à l’assistance ce projet intégrateur de proximité qui, s’il venait à être mis en œuvre, participera à la transformation des produits locaux des localités de Sikasso, Korhogo et Bobo. C’est pour cette raison que les gouvernements du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire et du Mali ont, dans le cadre de la coopération et de l’intégration sous régionale, décidé la réalisation de cette Zone économique spéciale. Pour le ministre Cissé, cette initiative qui entre dans le cadre des réformes entreprises par la CEDEAO et l’UEMOA, vise la valorisation des opportunités de développement et d’industrialisation de nos pays dans la perspective d’une union économique et monétaire en vue d’élever le niveau de vie des populations des Etats membres.
L’ambition de cette zone est de mettre en synergie toutes les opportunités de développement des trois pays de manière à rendre leurs économies plus complémentaires, en particulier dans la zone transfrontalière. A cet effet, la ZES offrira un environnement propice à la réalisation de l’intégration économique des trois pays concernés dans les chaines des valeurs mondiales et projets de développement qui leur permettront de régler toutes les problématiques liées aux différents défis industriels.
Pour Dr Boubou Cissé, la pertinence et la fiabilité économique de ce projet se justifient par non seulement l’immensité des potentialités dont regorgent ces trois zones de production par excellence, mais aussi par leurs caractéristiques physiques, humaines, sociales et culturelles. A ce titre, Sikasso, un carrefour économique situé à 100 Km de la frontière ivoirienne et à 45 du Burkina, avec ses 3.434.000 habitants, constitue le principal débouché de notre pays avec des pays côtiers (Togo, Bénin, Ghana, Côte d’Ivoire). Outre ces avantages physiques, Sikasso regorge d’énormes potentiels et potentialités agricoles, pastorales, forestières, minières et commerciales. A titre d’illustration, la région compte plus de 6.000.000 d’ha de terres cultivables dont 14.079 ha de bas-fonds et de plaines aménagées. Elle a produit, en 2017, plus de 100.000 tonnes de pomme de terre et près de 4,5 millions de litres de lait. A cela s’ajoute, l’existence de près de 2 millions de bovins, d’un peu plus d’un million d’ovins et d’autant de caprins.
Un potentiel énorme qui mérite d’être véritablement mis en valeur, en haussant la productivité et en relevant le défi de la transformation sur place de la production, au profit des populations de cette localité. Il s’agira alors, pour ce faire, de bâtir une infrastructure résiliente, de développer les chaînes de valeurs agricoles prioritaires de la production, de promouvoir l’investissement à travers des partenariats public-privé.