Le mercredi 9 mai 2018, le parti Sadi a aminé une conférence de presse au cours de laquelle il a «rejeté» la nouvelle loi électorale. La formation politique, dirigée par Dr. Oumar Mariko, estime que le texte de loi a manqué de démarche consensuelle, et condamne par ailleurs les exactions et les conflits au centre du pays. Le parti Sadi demande au gouvernement de désarmer dans les meilleurs délais les milices sur l'ensemble du territoire national.
Mamadou Igor Diarra a participé à la conférence de presse où il a dénoncé le retard accusé dans l'organisation de la présidentielle. Il doute en outre de la qualité du fichier électoral et ne ménage guère le gouvernement pour son amateurisme dans l'organisation de la présidentielle dont le premier tour est prévu pour le 29 juillet 2018. Voici l'intégralité de son allocution.
«Je remercie le parti Sadi qui m'a fait l’honneur de me convier à cette conférence de presse qui avait été annoncée lors d’une visite que mes amis et moi avions rendue à votre directoire. Je voudrais profiter de l’occasion pour saluer cette dynamique presse, très jeune, ce qui fait pratiquement de notre ami Traoré un doyen, et je vous demande de respecter les doyens et surtout de continuer à informer la jeunesse. Je dis bien la jeunesse, parce que finalement, c’est vous qui êtes majoritaire dans ce pays. Et si nous sommes vraiment dans un système démocratique comme j’ai coutume de le rappeler, c’est la jeunesse qui est majoritaire, donc c’est elle qui doit être là entendue dans la diversité.
Je voudrais saluer l’esprit de ce débat et espérer que les bonnes questions soient posées et que les réponses puissent être trouvées, car c’est les réponses qui nous intéressent. Je fais un tout petit peu de publicité à mon livre, je pense que je me suis posé un certain nombre de questions depuis la fin de l’année passé, en disant que le Mali va être à la croisée des chemins. C’était ça ma conclusion. Et j’ai posé toute une série de questions que je ne développerai pas davantage ici.
Mais ce que je dis, c’est qu’il faut qu’on arrête de jouer la comédie, qu’on arrête de se moquer des gens tout simplement parce que la comédie a assez duré. Je prends votre dernière question, c’est vous qui avez fait un rappel historique et le ministre a voulu faire un peu de théorie sur l’audit, il aurait pu aller davantage parce que c’est un ancien banquier.
Quand on parle d’un audit et qu’on dise que cet audit se termine dans le chronogramme le 25 avril, c’est bien la date du chronogramme du ministère de l’Administration territoriale ; vous ne pouvez pas convoquer le collège électoral ce jour 25, sinon cela voudrait dire que vous connaissez déjà le résultat de l’audit, ou bien ce n’était pas la peine de faire l’audit. Ça pose d’ailleurs une autre problématique.
Lorsqu’on convoque un collège électoral, mais on le fait numériquement, on sait qui on convoque. On ne convoque pas les personnes qui sont décédées. Il faut qu’on arrête de s’amuser avec le pays et avec ce qui représente le cœur du pays.
Le processus électoral auquel nous allons, ça ne vient pas de tomber du ciel, c’était quand même connu. Les gens qui sont dans les différents départements qui sont en charge de ces questions, ils sont payés avec l’argent du Mali. Ils savaient bien que ces échéances devraient arriver. Mais pourquoi toute cette précipitation ? Pourquoi tout se fait à trois mois ? C’est à trois mois qu’on décide de courir derrière le juge en votant une loi ; c’est à trois qu’on commande les cartes. C’est même souvent en moins de trois. Le décret portant soutien aux candidatures, c’est prévu pour le 9 mai, c’est aujourd’hui. Que faudra-t-il encore pour que le conseil des ministres se tienne ?
Je pense que ce n’est pas bien ; ce n’est pas bon. On nous dit jeunes, Oumar et nous, on est plus aussi jeunes que ça ! C’est un plan de nos aînés. On nous appelle jeunes jusqu’à ce que nous atteignions la retraite. Celui qui ne se révolte pas sera privé de sa part et celle de ses enfants, ce qui n’est pas normal. Je trouve que ce pays, qui est fondé sur la solidarité, sur le partage, il faut qu’on puisse être dans des perspectives de partage ; autrement dit, les plus âgés doivent donner aux moins âgés ; les plus riches doivent donner aux plus pauvres. C’est sur cela que notre pays a été fondé. On ne doit pas créer des conditions qui mettraient le pays en péril.
Je voudrais compléter sur la partie ayant trait à l’insécurité. Beaucoup de gens ont parlé de telle raison ici. Vous avez les témoins de l’histoire du Mali ; nous, on était resté un peu à l’écart de tout cela. Mais je pense que nous avons le droit de nous poser des questions. 1991 fut un tournant dans l’histoire du Mali, beaucoup de gens ont cru que tout va être beau ; on va tous être plus riches, plus heureux et il n’y aura plus de problème. Mais il faut reconnaître que le réveil a été difficile. Parce que, en 1991, nous avions un pays, une armée ; en 1991, les élèves et étudiants du Mali étaient montrés en exemple dans plusieurs pays. Il en est de même dans d’autres disciplines où on avait beaucoup d’experts.
Mais, sincèrement, entre nous, vous pensez que c’est le cas aujourd’hui ? Que le Mali est plus respecté aujourd’hui ? Que le Malien, même quand on se retrouve dans les files d’attente des différents aéroports, vous pensez que nous sommes plus respectés ? Vous pensez que nous mangeons mieux aujourd’hui ; que nous sommes mieux défendus aujourd’hui ? Ce sont des questions dont nous avons l’obligation de nous les poser et surtout de nous les poser sur nos enfants.
Je défie quiconque de soulever la main ici et de dire qu’un jour, je lui ai demandé soit d’insulter quelqu’un, ou bien que je l’ai corrompu pour qu’il me fasse des compliments durant toutes les responsabilités que j’ai eu à occuper dans le système bancaire et dans le gouvernement. Ce que je vous demande à la presse, c’est un appel : ne vous laissez acheter par personne ; vous avez une très grande responsabilité dans la partie de l’histoire du Mali qui se joue.
C’est une autre partie qui est très importante. Ceux qui vont vous donner de l’argent, qu’ils soient de la majorité, qu’ils soient de l’opposition, c’est moi qui vous le dis, bouffez-le, mangez-le, achetez des fruits, achetez tout ce que vous voulez, parce que, en réalité, c’est votre argent. Ce n’est pas l’argent issu de l’héritage de quelqu’un ; c’est votre argent ! Je dis que nous sommes à un moment crucial, on est contre personne, on insulte personne, c’est ainsi que nous avons été éduqués dans ce pays et nous souhaitons que les moins jeunes que nous, ça les inspire.
J’aurais moi-même l’occasion d’organiser certainement, dans les jours à venir, des conférences de presse au cours desquelles nous aurons du plaisir à échanger. Mais j’invite la presse à donner la bonne information, la saine information, à se poser les véritables questions…
Le jour où nous n’aurons pas de pays, on va aller où ?... Nous vivons un désastre et on veut nous faire croire le contraire, parfois avec la complaisance d’un certain nombre de partenaires. Si on nous prenait au sérieux, on ne serait pas venu nous proposer ici un audit de 10 jours. Le chef de file de l’opposition, le député Soumaïla Cissé, et les auditeurs sont partis à Niafunké. J’ai vu dans certains pays où on prend un mois pour faire l’audit d’un quartier. Moi, les échos que j’ai eu dans l’audit de ce fichier, vous avez plus que la moitié de ces gens qui sont nés au 31 décembre. Ça n’offusque personne ! Il y a une multitude de gens qui sont décédés, des personnalités connues de tout le monde. C’est dedans, on dit que c’est très bien, continuez !
Mes amis, quelle que soit votre obédience au niveau de la presse, évitons à notre pays un désastre. Je n’ai jamais été de la vie politique, que les honorables et les ministres me pardonnent, mais j’ai compris que si on ne vient pas sur le terrain politique, on n’aura pas la chance d’être entendu par vous ; on n’a pas la chance de proposer et on n’a pas aussi la chance de s’opposer. Mais de façon pacifique et apaisée.
Notre pays a besoin de ça. Les élections présidentielle, législatives, régionales, doivent être des élections apaisées. Ce sont des fêtes démocratiques, nous devons les célébrer. Mais aujourd’hui, regardez la tension, elle est palpable en ville. On se pose la question si toutefois c’est la chaleur, où est-ce que c’est autre chose, la faim, la soif. Le ramadan va venir en ajouter. Que Dieu veille sur le Mali. Je vous remercie.»