C'était le 1er août 2014 : le lancement de l'opération Barkhane par la France pour lutter contre le terrorisme dans le Sahel, au Mali. Aujourd'hui, 4 500 militaires sont encore déployés sur place et franceinfo a pu rencontrer certains d'entre eux, notamment Laurène, 36 ans, l'une des médecins de l'armée.
Médecin dans l'armée, une vocation
Ménaka est une ville de 20 000 habitants dans le nord-est du Mali et à 9 heures du matin, il fait déjà plus de 35°C. Une cinquantaine de soldats français sont déployés autour du collège de la ville. La zone est dangereuse pour les militaires de l'opération Barkhane. Dans une salle de cours aux murs décrépis, une quarantaine d'élèves infirmiers et de sages-femmes de la ville écoutent Laurène, une médecin française du service de santé des armées. Le service compte 200 membres.
L'échange avec la population locale fait partie la mission. "Aujourd'hui, on est là pour échanger avec les étudiants, voir tout ce qu'ils ont appris au niveau théorique et leur présenter des patients pour faire un examen clinique", explique-t-elle.
Lorène aurait pu s'installer comme médecin généraliste en France mais elle a choisi le service de santé des armées car à 17 ans, le père d'une amie, médecin militaire, lui a donné l'envie. Un choix qu'elle ne regrette pas, même dans la fournaise aride de Ménaka. "C'est quand même une aventure originale à vivre. On s'adapte, on sait que ce ça ne dure qu'un temps. On est déconnecté de tout ce qui est réseau sociaux, internet, et ça permet vraiment de favoriser les liens avec les personnes. Parfois, en France, on perd cette proximité." Et elle ajoute : "c'est l'effet opex !"
Menace permanente
Cette "opex", opération extérieure dans le jargon de l'armée, c'est pour la jeune femme une mission de quatre mois au sein d'un détachement logistique dont les trois quarts passés dans les convois avec ces militaires qu'on surnomme les "convoyeurs du désert". Sa présence est indispensable, c'est même un critère de "no-go". S'il n'y a pas de médecin, le convoi ne peut pas partir. "On ne peut pas laisser partir un convoi sans équipe santé, on doit intervenir en cas d'accident." La menace est bien réelle au Mali pour les soldats français, à commencer par celle des "engins explosifs improvisés", les IED (Improvised Explosive Device). Il y a quelques semaines, un camion a sauté sur une mine. Tout le train avant du véhicule a été arraché mais le blindage a sauvé les deux convoyeurs. En février dernier, deux autres soldats ont été tués dans l'attaque aux explosifs de leur blindé.
Camp de Ménaka au Mali. Dernier briefing avant le départ du convoi militaire. Mai 2018.Camp de Ménaka au Mali. Dernier briefing avant le départ du convoi militaire. Mai 2018. (ERIC AUDRA / RADIO FRANCE)
Une infirmerie improvisée dans le blindé
Ménaka, 5 heures du matin : l'heure du départ du convoi. La "doc" monte dans son blindé. Direction Gao. Il faudra plus de 12 heures pour y parvenir. Laurène est médecin, elle est aussi officier, et elle est armée : gilet pare-balles, casque, pistolet automatique, fusil d'assaut. "Moins on s'en sert et mieux on se porte, en tant que médecin ! Ça peut poser question, je n'ai pas eu à m'en servir pour le moment, tant mieux." Dans le véhicule blindé : un brancard sur le plancher, des caisses pleines de matériel de suture et de perfusions sont sanglées aux parois en acier.
Laurène, médecin de l\'armée sur le convoi militaire entre Menaka et Gao au Mali. Mai 2018.Laurène, médecin de l'armée sur le convoi militaire entre Menaka et Gao au Mali. Mai 2018. (ETAT-MAJOR DES ARMÉES)
Première halte à Indelimane, une enceinte, quatre miradors, du sable et premiers soins pour un militaire qui a un mal de tête. "Ça arrive souvent quand on est exposé au soleil, à la chaleur, même avec un casque, on risque la déshydratation", explique la doc.
Il faudra douze heures pour parcourir les 200 kilomètres jusqu'à Gao. Sur la piste, un bref arrêt pour embarquer un soldat à la main fracturée. Une fois l'entrée de la base de Gao franchie, le médecin sourit, ne pense plus aux blessures, à la sueur, à la poussière, à l'appréhension d'une attaque ou aux heures interminables confinées à l'intérieur du blindé. Non, elle pense aux belles choses : "la nuit sous la voie lactée, le calme total, des déserts à n'en plus finir, ce sont des belles images..."