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De la loi-cadre à l’indépendance du Mali : 24 mai 1957 – 24 Mai 2018 : Il y a 61 ans, était formé le tout 1er Gouvernement du Soudan-Français
Publié le samedi 26 mai 2018  |  Aujourd`hui
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L’histoire de notre pays retient que le premier gouvernement a été formé le 24 mai 1957 dans le cadre de la Loi Gaston Defferre qui accordait l’autonomie aux Territoires (ex-colonies) de la Communauté française. En effet, celle Loi communément appelée Loi-cadre ou Loi N°56-619 du 23 juin 1956 autorisait le gouvernement à mettre en œuvre les réformes et à prendre les mesures propres à assurer l’évolution des Territoires relevant du Ministère de la France d’Outre-mer. Pour son application, deux textes réglementaires sont pris le 4 avril 1957 : il s’agit du Décret N°57-458 portant réorganisation de l’Afrique Occidentale française (Aof) et de l’Afrique Equatoriale française (Aef) ainsi que du Décret N°57-459 fixant les conditions de formation et de fonctionnement des Conseils de Gouvernement dans les Territoires de l’Aof et de l’Aef. Conformément aux dispositions de ces décrets d’application, est formé le premier Conseil de Gouvernement du Soudan-Français. Ainsi, le 20 mai 1957, l’Assemblée Territoriale (issue des élections du 31 mars précédent) du Soudan Français vote la liste proposée par l’Us-Rda désignant les 12 membres du Conseil du Gouvernement (CG) institué par La Loi-cadre. Le 21 mai, les ministres désignés sont investis devant les députés. La liste de la composition du CG est rendue publique le 22 mai. Le lendemain, un Arrêté territorial fixe à douze (12) le nombre de membres du CG. Et le 24 mai, sont formellement signés les actes individuels de nomination : soit 12 Arrêtés concernant le vice-président et les 11 ministres sectoriels.
Dans notre pays, cette première équipe gouvernementale, présidée symboliquement par le représentant de l’autorité coloniale, était ainsi composée de douze (12) membres dont un vice-président (jouant le rôle de Premier ministre) et 11 titulaires ministériels. De nos jours, sur ces 12 pionniers ministériels, seuls deux cadres vivent encore : le Médecin Seydou Badian et l’Agronome Salah Niaré. Dans les colonnes qui suivent, nous passons en revue le parcours des ministres du tout premier gouvernement du Soudan-Français, devenu la République Soudanaise (le 24 novembre 1958), elle-même proclamée ” République du Mali ” à son accession à l’indépendance le 22 septembre 1960. Dossier réalisé par la Rédaction
près près de sept (7) décennies de domination coloniale en Afrique de l’Ouest, la France commence à fléchir sous le poids des résistances africaines farouchement opposées par divers mouvements : pressions des anciens combattants des deux Guerres mondiales de 1914-1918 et de 1939-1945 ; actions d’éveil des consciences menées par les jeunes élites intellectuelles, syndicales et politiques dont les opinions étaient relayées par une presse militante plurielle et diversifiée. Libérée de l’occupation de l’Allemagne nazie dirigée par Adolphe Hitler, la France est sauvée grâce à la contribution des soldats noirs. Affaiblie, la puissance colonisatrice malmenée se voit quelque peu contrainte et forcée de reconsidérer la nature de ses relations avec ses colonies. La Conférence de Brazzaville (30 janvier – février 1944) organisée sous l’égide du Général sauveur Charles de Gaulle, chef du Comité français de Libération nationale, fut alors un tournant majeur sur le chemin de la décolonisation.
A l’ouverture des travaux de Brazza, le Général de Gaulle met l’accent sur la nécessité d’engager les colonies ” sur la route des temps nouveaux […] En Afrique française, comme dans tous les autres territoires où des hommes vivent sous notre drapeau, il n’y aurait aucun progrès qui soit un progrès, si les hommes, sur leur terre natale, n’en profitaient pas moralement et matériellement, s’ils ne pouvaient s’élever peu à peu jusqu’au niveau où ils seront capables de participer chez eux à la gestion de leurs propres affaires. C’est le devoir de la France de faire en sorte qu’il en soit ainsi”. Pour nombre d’historiens, cette affirmation gaullienne semble poser les fondements de l’Union Française composée de la Métropole, des Départements et Territoires d’Outre-mer (colonies) et d’autres Etats associés. Cette Union est créée par la Constitution du 27 octobre 1946 qui instaure la 4ème République française.
A la suite de l’adoption de cette Constitution de 1946, la loi du 17 août 1948 autorise l’extension du pouvoir réglementaire à des domaines précis et définis, où le décret peut abroger, modifier ou remplacer des dispositions en vigueur. C’est dans ce sens qu’intervient la méthode de la Loi-cadre qui “consiste pour le Parlement à poser les principes généraux d’une réforme tout en renvoyant aux décrets d’application pour leur application effective. Si le Parlement ne s’oppose pas à ces décrets ils deviennent définitifs. ” L’illustration éloquente de ladite méthode est la fameuse Loi-cadre ou Loi Gaston Defferre (du nom du ministre chargé de la France d’Outre-mer). Défendue par Gaston Defferre lui-même fortement soutenu par l’Ivoirien Félix Houphouët-Boigny (ministre délégué à la présidence du Conseil de gouvernement français, mais surtout leader continental du Rda), cette loi est votée le 19 juin 1956 par l’Assemblée nationale française et promulguée le 23 juin suivant.
Selon des constitutionnalistes, la Loi-cadre constitue une “technique [qui] a l’avantage d’obliger le Parlement à se concentrer sur les principes, abandonnant leur application, qui est complexe et nécessite des réflexions qui prendraient un temps précieux aux chambres, au Gouvernement. Autre avantage : le Parlement et le Gouvernement sont obligés de collaborer étroitement.” Une décennie avant l’adoption de cette Loi-cadre, les partis politiques (notamment le Parti progressiste soudanais – Psp – et l’Union soudanaise -Us-Rda) étaient déjà créés au Soudan, essentiellement par des élites intellectuelles et syndicales.
C’est dans un contexte de fortes rivalités politiciennes entre ces deux formations politiques qu’arrive la Loi-cadre qui “fut un événement clé en vue d’une décolonisation pacifique vers l’indépendance”, note Mme Andrée Dore-Audibert, Assistante sociale en service à l’époque à Bamako. Intitulée “Loi N°56-619 autorisant le gouvernement à mettre en œuvre les réformes et à prendre les mesures propres à assurer l’évolution des Territoires relevant du Ministère de la France d’Outre-mer”, elle accorde une autonomie aux colonies françaises en posant les jalons de l’africanisation des cadres et de la Fonction publique. Elle institue, notamment dans tous les Territoires, des Conseils de gouvernement chargés essentiellement de l’administration des services territoriaux. L’application de la Loi-cadre opère la réorganisation administrative de l’empire colonial français en Afrique où se trouvaient deux groupements de territoires organisés en Afrique occidentale française (Aof, créée le 16 juin 1895) et en Afrique équatoriale française (Aef, instaurée en 1910). Plus de six décennies après, l’Aof constituée de 9 territoires (la Mauritanie, le Sénégal, le Soudan Français -devenu le Mali-, la Guinée, la Côte d’Ivoire, le Niger, la Haute-Volta -devenue le Burkina Faso-, le Togo et le Dahomey -devenu le Bénin) est réorganisée administrativement, tout comme l’Aef, par le décret N°57-458 du 4 avril 1957. Les colonies deviennent des “Territoires d’Outre-mer dotés de la personnalité civile et de l’autonomie financière”. Dans chaque Territoire, existent trois institutions : le Chef de Territoire (représentant le gouvernement français), le Conseil de Gouvernement (formé de cadres locaux) et l’Assemblée Territoriale (composée d’élus locaux). Le même 4 avril 1957, le décret N°57-459 fixe les conditions de formation et de fonctionnement des Conseils de Gouvernement dans les Territoires. Il détermine que les membres desdits Conseils sont élus par les Assemblées territoriales sur proposition des partis majoritaires.
C’est ainsi qu’au Soudan Français, l’Assemblée territoriale (Ats) est mise en place à l’issue des élections cantonales du 31 mars 1957, largement remportées par l’Us-Rda (64 élus) face à son grand rival le Psp qui n’a eu que 6 conseillers. Aussitôt installée, l’Ats, sous la présidence de Mahamane Alassane Haïdara, adopte la liste des membres du Conseil de gouvernement proposés par l’Us-Rda. C’était le 21 mai. Dès le lendemain, toujours au parlement à Bagadadji, la tête de liste Jean-Marie Koné et les 11 autres ministres sont solennellement investis et présentés au Gouverneur Henri Victor Gipoulon. “La composition du gouvernement fut rendue publique lors d’une réunion mémorable à l’Assemblée territoriale dont la salle et les alentours étaient envahis à ras bord bien avant l’heure de la cérémonie. Tout avait été mis en œuvre pour donner un caractère spectaculaire à cette investiture, depuis la musique jusqu’à la garde à cheval qui entourait la voiture découverte du Chef de Territoire Gipoulon (…)”, rappelle un témoin de l’événement : l’historien et journaliste français Pierre Campmas, militant anticolonialiste, secrétaire permanent de l’Us-Rda, Rédacteur à L’Essor et auteur en 1978 d’une thèse de doctorat sur l’histoire de l’Us-Rda.
Pour la mise en place de ce Conseil de Gouvernement soudanais, H.V.Gipoulon signe, le 23 mai 1957, un Arrêté territorial (N°1956) qui fixe le nombre des ministres à douze (12). Le lendemain, Jean-Marie Koné est nommé vice-président du Conseil par un autre Arrêté (N°2007) signé le 24 mai. Le même jour, onze (11) autres Arrêtés (du N°2008 au N°2019) nomment individuellement les 11 ministres dont 3 non-africains (Guidicello Cortinchi, Me Joseph Philippe et Henry Corentin). Suivant l’ordre des nominations, on peut établir la liste des membres du gouvernement (voir l’article ci-dessous). A la lecture de cette liste, l’on se rend compte de l’absence de Modibo Kéïta (le futur père de l’indépendance et premier chef de l’Etat du Mali) et surtout charismatique secrétaire général de l’Us-Rda. La raison est toute simple : à cette époque, le grand leader soudanais cumulait les fonctions électives de maire de la Ville de Bamako et celles de député à l’Assemblée nationale française dont il deviendra d’ailleurs vice-président. Pierre Campmas explique la situation : “La nature des liens entre la France et les Territoires d’Outre-mer étant déterminante, les grandes décisions venant toujours de Paris, et le gouvernement soudanais ne disposait que des pouvoirs réduits. Dans ces conditions, on estima que les députés à l’Assemblée nationale française devraient se consacrer uniquement à leur tâche de député. Par ailleurs, on était décidé à donner à Jean-Marie Koné une responsabilité correspondant au rôle déterminant qu’il avait eu dans l’implantation de l’Union Soudanaise dont Sikasso fut incontestablement le pôle d’attraction initial (…)”.
En plus, mi-mai 1957, Modibo Kéïta est élu Grand Conseiller de l’Aof siégeant à Dakar. Par la suite, à Paris, il devient secrétaire d’État à la France d’Outre-mer du gouvernement Maurice Bourgès-Maunoury (du 17 juin au 6 novembre 1957) puis secrétaire d’État (sans attributions précises) à la Présidence du Conseil de gouvernement Félix Gaillard (18 novembre 1957-14 mai 1958).
Le 24 novembre 1958, le “Territoire du Soudan-Français” s’efface à travers la proclamation de la “République Soudanaise” présidée par Modibo Kéïta. Qui devient également le président du Gouvernement Fédéral formé le 4 avril 1959 dans le cadre de la Fédération du Mali regroupant le Sénégal et la République Soudanaise. Quelques jours après (16 avril) Modibo Kéïta dirige le Conseil de Gouvernement du Soudan en cumulant les fonctions de ministre de l’Information, de la Jeunesse et des Anciens combattants. Auparavant, quand il était encore à Paris (Député à l’Assemblée nationale française), il avait laissé, à Bamako, ses camarades de l’Us-Rda choisis par le Parti de composer la toute première équipe ministérielle du pays, à partir du 21 mai 1957.

Composition du 1er Gouvernement du Soudan-Français
Le début de la dernière décade de mai 1957 a été déterminant dans l’évolution institutionnelle au Soudan Français (l’actuel Mali) engagé, comme tant d’autres colonies françaises d’Afrique, dans la voie de la décolonisation. Du 21 au 24 mai de cette année-là, le premier Conseil de gouvernement du Soudan a été mis en place à travers un processus tout particulier, conformément aux dispositions de la Loi-cadre du 23 juin 1956 qui accordait une certaine autonomie aux territoires colonisés sous domination française. Ce gouvernement est investi par l’Assemblée Territoriale le 21 mai. Le lendemain, la liste de sa composition est rendue publique et le 24 mai, sont signés les actes individuels de nomination : soit 12 Arrêtés concernant nommément le vice-président et les 11 ministres sectoriels.
Président du Conseil de Gouvernement, chef du Territoire : Henri Victor Gipoulon
1 – vice-président du Conseil : Jean-Marie Koné
2 – ministre de l’Intérieur et de l’Information : Mamadou Madeira Kéïta
3 – ministre des Finances : Guidicelo Cortinchi
4 – ministre de l’Economie rurale : Seydou Badian Kouyaté
5 – ministre de l’Enseignement, de la Jeunesse et des Sports : Me Philippe Joseph
6 – ministre de la Santé : Sominé Dolo
7 – ministre de la Fonction publique : Abdoulaye Singaré
8 – ministre du Travail et des Affaires sociales : Abdoulaye Diallo
9 – ministre des Travaux publics et des Télécommunications : Mamadou Aw
10 – ministre de l’Elevage : Henry Corentin
11 – ministre de l’Agriculture : Salah Niaré
12 – ministre du Commerce et de l’Industrie : Hammaciré N’Douré
Il est bon à rappeler que ces premiers membres du premier gouvernement du Territoire du Soudan-Français étaient tous de l’Union soudanaise Rda, le parti politique qui a gagné les élections du 31 mars 1957, en remportant 57 sièges de conseillers territoriaux auxquels s’allient les sept (7) élus de l’Union Dogon. Ainsi, l’Us-Rda devient ultra-majoritaire face à son rival Psp ne disposant que de six (6) conseillers. Il est aussi bon à signaler que seuls deux de ces ministres pionniers vivent encore : le Dr Seydou Badian et Salah Niaré.

Parcours des membres du 1er Gouvernement du Soudan-Français

1-Henry Victor Gipoulon (1913-1989) président du Conseil, chef du Territoire (Représentant de l’autorité coloniale) :

Administrateur civil formé à l’Ecole nationale de la France d’Outre-mer (Enfom, Promotion 1935), il a servi dans l’administration coloniale française en Afrique. Notamment à Dakar (au début des années 1940) auprès du Haut-commissaire de l’Aof puis à Bamako comme Gouverneur, chef du Territoire du Soudan Français, du 03 novembre 1956 au 24 novembre 1958). A cette qualité, il est président du Conseil de Gouvernement (20 mai 1957 – 24 juillet 1958) basé à Koulouba. Pierre Campmas le décrit ainsi « le fringant Gipoulon : teint bronzé, cheveux argentés, physique avantageux et un peu voyant de quadragénaire séduisant, assorti d’une épouse au charme mûrissant et à la distinction plus discrète, le chef du Territoire est de toutes les manifestations et de toutes les festivités, où il promène cette aisance désinvolte de haut fonctionnaire colonial, lustrée par vingt ans de réceptions et fignolée à Montparnasse. Par ailleurs, chef du gouvernement, il laisse pratiquement les rênes du commandement à son vice-président Jean-Marie Koné […]. » Rentré en France 1959, Henry V. Gipoulon fut, entre autres, Chargé de mission au Cabinet du Secrétariat d’Etat à l’Equipement et Logement (1968-1969).

2-Jean-Marie Koné :

Au Soudan-Français, selon Pierre Campmas, « on respectait Mamadou Konaté, on admirait Modibo Kéïta, on craignait Idrissa Diarra, on aimait Jean-Marie Koné ». Doyen d’âge des premiers gouvernements soudanais et malien, il est né le 05 Octobre 1913 à Sikasso. Il est Diplômé de l’Ecole normale William Ponty de Gorée (1935) et Instituteur comme Modibo Kéïta, son camarade dans les luttes syndicales et politiques. Même s’il n’a jamais porté le titre de Premier ministre, Jean-Marie Koné est le 1er Soudanais à diriger une équipe gouvernementale dans son pays. Il assure une présence continue au-devant de la scène politique et dans les rouages de l’Etat entre mai 1957 et septembre 1969. Ainsi, on retient qu’il fut successivement sous la 1ère République : vice – président du Conseil de Gouvernement (22 Mai 1957 – 24 Juillet 1958) ; président dudit Conseil (24 Juillet 1958 – 16 Avril 1959) ; encore vice-président chargé de la Justice et de la Fonction Publique (16 Avril 1959- 22 Septembre 1960).

Avec la proclamation de l’indépendance du Mali sous la direction de Modibo Kéïta, JMK devient vice-président du Conseil de gouvernement chargé de la Fonction Publique puis de la Justice (22 Septembre 1960 – 25 Janvier 1961) ; ensuite ministre d’Etat, chargé de la Justice (25 Janvier 1961 – 17 Septembre 1962) ; puis ministre d’Etat chargé du Plan et de la Coordination des Affaires économiques et financières (17 Septembre 1962 – 15 Septembre 1965) ; par la suite ministre d’Etat chargé des Affaires étrangères et de la Coopération (22 Novembre 1968-7 Février 1968) et enfin ministre du Plan (7 Février 1968- 19 novembre1968). Tombé en disgrâce à cause de la « Révolution Active », Jean-Marie Koné survit à la chute du président Modibo Kéïta. Les militaires tombeurs de celui-là vont le reconduire dans leurs premiers attelages gouvernementaux. M. Koné devient alors ministre d’Etat chargé des Affaires étrangères et de la Coopération, du 22 novembre 1968 au 13 septembre 1969.

Cette longue expérience ministérielle confirme l’engagement politique de cet ancien directeur d’école de Sikasso. Cette ville était son véritable fief. Il y fut secrétaire général de la sous-section de l’Union soudanaise Rda, conseiller municipal et 3ème adjoint au maire, conseiller territorial (député). Après ses fonctions ministérielles, Jean-Marie séjourne longtemps en Côte d’Ivoire auprès de son camarade et ami, le président Félix Houphouët-Boigny. C’est à Abidjan qu’est décédé, le 15 mai 1988 à Abidjan, le premier chef du Gouvernement de notre pays. Nonobstant les hautes fonctions politiques et administratives que JMK a occupées, nulle part au Mali, aucun édifice public ne porte son nom depuis sa disparition en mai 1988. Pour mettre fin à cet « oubli », reconnaitre davantage son mérite et rendre à ce cadre l’hommage dû à son rang, la Section Um-Rda de Sikasso a organisé, en juillet 2017, une série d’activités sportives et culturelles qui lui ont été dédiées.

3- Mamadou Madeira Kéïta :

Né le 11 janvier 1917 à Kourounikoto (Cercle de Kita), il est Commis d’Administration titulaire du diplôme de Willliam Ponty (1937). Dans le cadre de la gestion des cadres en Aof, Mamadou Madeira Kéïta sert d’abord au Cadre spécial du Gouvernement Général de l’Aof comme archiviste – bibliothécaire (1937-1940). Les dix années suivantes, il est fonctionnaire en Guinée où il est mis notamment au service de l’Institut fondamental d’Afrique noire (Ifan). C’est à Conakry que débute sa carrière politique et il devient, bien avant Sékou Touré, le 1er secrétaire général du Pdg-Rda (1946-1951). A cause de son activisme politique débordant dans un pays qui n’est le sien, il est suspendu par l’Administration coloniale. Réintégré en 1952, il est muté en Dahomey (l’actuel Bénin) où il prend part activement à la création de l’Udd-Rda. En 1955, Mamadou Madeira Kéïta regagne son pays natal, le Soudan français, où il réaffecté au service de l’Ifan à Koulouba. Il est immédiatement coopté au Bureau politique de l’Us-Rda et devient membre du 1er Gouvernement du Soudan français formé en mai 1957. De cette période jusqu’à la fin de la 1ère République, Madeira Kéïta fut successivement : ministre de l’Intérieur chargé de la Justice, de la Police et de la Radio (22 mai 1957 – 16 avril 1959) ; ministre de l’Intérieur (16 avril 159 – 26 septembre 1960) ; ministre de l’Intérieur, de la défense et de la sécurité (26 septembre 1960 – 25 janvier 1961) ; ministre de l’Intérieur, de l’information et du tourisme (25 janvier 1961 – 14 mai 1964) ; ministre de la Justice (14 mai 1964 – 13 juillet 1967) ; et ministre de la Justice et du travail (13 juillet 1967 – 19 novembre 1968).

Après le coup d’Etat militaire, Mamadou Madeira Kéïta est détenu politique entre 1968 et 1976. Après avoir contribué à la création du Mouvement démocratique en 1990, Madeira Kéïta conduit le processus de renaissance de l’Us-Rda en 1991 suite à la chute du régime de l’Udpm. Il est ainsi resté président d’honneur de l’Us-Rda, de juillet 1991 jusqu’à son décès le 21 décembre 1997 à Bamako. La 33ème Promotion (2011) de l’Ecole Militaire Interarmes (Emia) de Koulikoro porte son nom.

4- Guidicelo Cortinchi, ministre des Finances :

Corse et administrateur français des colonies, il a servi en Guinée comme secrétaire général du Gouvernement. De 1947 à 1955, il fut ensuite un membre influent de la section soudanaise Rpf (parti du Général de Gaulle) et élu conseiller de l’Union française sur la liste Psp-Rpf. Suite à des brouilles avec Fily Dabo Sissoko, il s’était présenté contre cette liste et fut battu en 1952. Entre temps, en janvier 1949, il créa avec des Soudanais dont Amadou Hamphaté Bâ et Makane Macoumba Diabaté, le Mouvement d’Union française pour le progrès économique et social du Soudan (le parti Muf) dont il était président. Il adhéra ensuite à l’Us-Rda en 1955 et devint ministre des Finances dans gouvernement soudanais (mai 1957- avril 1959). Par la suite, il fut élu député Us-Rda et, avec 12 autres 13 élus de l’Assemblée territoriale Soudanaise, désigné Sénateur de la Communauté française présidée par le Général de Gaulle.

5-Seydou Badian Kouyaté (devenu en 2009 Nomboïna, son patronyme originel) :

Né le 20 avril 1928 à Bamako, il est avec Salah Niaré, les deux anciens ministres du Soudan et du Mali encore en vie. Titulaire d’un Doctorat obtenu à la Faculté de Médecine de Montpellier (1955), Seydou Badian Kouyaté regagne sa patrie en 1956 et sert à Bougouni comme Médecin-chef. Très engagé, il est celui qui fut l’auteur du « Chant du Pionnier » dédié à Mamadou Konaté (1er président de l’Us-Rda) disparu en mai 1956 et surtout le président de la Commission de rédaction de l’Hymne national du Mali, adopté en août 1962. Il a aussi, à son actif, le « Chant du 22 août » composé pour magnifier la « Révolution active » enclenchée par le Président Modibo Kéïta en 1966-1967. Auteur de plusieurs œuvres littéraires (devenues des classiques encore enseignés dans les écoles d’Afrique francophone) dont le célèbre roman « Sous l’orage » (1963), « La mort de Chaka » (lutte émancipatrice du peuple zoulou) et l’essai politique « Les dirigeants africains face à leurs peuples » (1965), Seydou Badian est donc plus connu par les générations actuelles comme un grand écrivain plus qu’un homme politique.

Pour autant, il siégea dans les gouvernements soudanais et maliens de mai 1957 à novembre 1968. Il fut successivement : ministre de l’Economie rurale et du Plan (22 mai 1957 – 17 septembre 1962) ; ministre du Développement (17 septembre 1962 – 23 août 1968) et ministre Délégué à la Présidence (23 août – 19 novembre 1968). Considéré comme l’un des idéologues du régime de Modibo Kéïta, Seydou Badian fait partie des concepteurs du Plan Quinquennal 1961-1966 qui a permis notamment la création des premières sociétés et entreprises d’Etat.

Parallèlement à ses fonctions ministérielles, il assume les charges de secrétaire aux Affaires économiques du Bureau politique national de l’Us-Rda. Suite au renversement de régime socialiste, Seydou Badian est détenu politique à Taoudénit avant d’être relaxé sans jugement (comme tous ses camarades ministres) en juin 1975. Il s’installe à Dakar et séjourne régulièrement à Paris. Il rentre au bercail en juin 1991 après la chute du président Moussa Traoré. Il mène des consultations à l’international, raffermit ses relations avec la Chine, un pays dont l’expérience communiste l’a beaucoup inspiré et qu’il a pu visiter près d’une quarantaine de fois. D’où, depuis août 2010, sa distinction honorifique de l’« Ambassadeur d’Amitié entre le Peuple chinois et le reste du monde ».

Auparavant, dans les années 1990, il fut Conseiller spécial du Roi Hassan II du Maroc puis du président congolais Denis Sassou N’Guesso. Au Mali, il s’implique dans la vie de son Parti, l’Us-Rda dont il devient l’un des présidents d’honneur. Quand le Parti de l’indépendance connut une division consécutive au choix du candidat à la présidentielle d’avril 1992, Dr Seydou Badian fut l’un des mentors de Feu Tiéoulé Mamadou Konaté. Ensemble, ils créent le Parti Bdia Faso Djigui en 1993, au terme d’un long feuilleton judiciaire. Il le rejoint en 1995 et en fut même désigné candidat à l’élection présidentielle d’avril 1997.

Une élection reportée au mois de mai suivant, mais à laquelle le Dr Seydou Badian ne participera, devenu qu’il est membre du Coppo (Opposition radicale) qui exigeait l’annulation de tout le processus électoral, suite à la très mauvaise organisation des législatives du 13 avril 1997. Une année plus tard (début mai 1998), il jette un pavé dans la marre en « reconnaissant les Institutions du pays » issues des élections générales de 1997. Il se démarque ainsi de la position radicale du Coppo en lui lançant un appel à inscrire son action dans le cadre républicain. Quelques années après, le Doyen Seydou Badian s’éloigne un peu de l’Us-Rda au profit du Pids, un autre parti créé en 2001 par des cadres de l’Us-Rda qui ont aussi perdu une bataille judiciaire pour le contrôle du Parti de Mamadou Konaté et de Modibo Kéïta. Ces dernières années, le Dr Seydou Badian s’exprime occasionnellement sur les questions de préoccupations nationales, notamment celles relatives aux crises sociétales, aux errements de la classe politique et à la mauvaise gouvernance du pays.

6- Me Philippe Joseph : ministre de l’Enseignement, de la Jeunesse et des Sports :

Celui-ci est décrit par Pierre Campmas en ces termes : « Maître Joseph était un avocat très connu à Bamako où, à plusieurs reprises, il avait défendu des militants et des responsables [Us-Rda] poursuivis ou emprisonnés par l’administration coloniale. Guyanais, toit noir de peau, il était profondément imprégné de culture française. D’une courtoisie un peu précieuse, et très vieille France, le visage anguleux, un éternel nœud papillon perché sur un long corps osseux et cassé, toujours impeccablement habillé, libéral style 3ème République, il était apprécié dans de très nombreux milieux et fut nommé ministre de l’Enseignement, de la Jeunesse et des Sports. Cortinchi [aux Finances] et Joseph ne furent pas repris lors du remaniement en 1959 […] ».

7-Sominé Dolo : Né en 1922 à Sangha (Cercle de Bandiagara), il fréquente l’Ecole William Ponty de Gorée (1939-1942) puis l’Ecole de Médecine de Dakar (1942-1946) avant d’obtenir un Doctorat à la Faculté de Médecine de Paris (1956). L’année suivante (31 mars), le Docteur en Médecine est élu Conseiller territorial (Député, Bandiagara) sur la liste de l’Union Dogon lors des premières élections territoriales au Soudan Français dans le cadre la Loi-cadre. Les 7 députés de cette Union s’ajoutent aux 57 de l’Us-Rda qui devient ultra majoritaire face aux 6 élus du Psp. Cette majorité dominante permet au parti de Modibo Kéïta de proposer 12 cadres pour constituer le tout premier Conseil de Gouvernement de notre pays. Le Dr Sominé Dolo fut ainsi nommé ministre de la Santé. On retient qu’il fut le seul ministre soudanais qui est resté sans discontinuer au même poste pendant 11 onze années (Mai 1957 – novembre 1968). Sans pourtant exercer effectivement un mandat parlementaire, Sominé Dolo a été toujours réélu dans la circonscription de Bandiagara en novembre1958 pour l’Assemblée Législative provisoire de la République soudanaise puis en mars 1959 pour l’Assemblée législative de la République Soudanaise qui deviendra l’Assemblée nationale de la République du Mali, le 22 septembre 1960.

Après le coup d’Etat militaire du 19 novembre 1968, le Dr Sominé Dolo est nommé Directeur régional de la Santé de Bamako, à l’époque 2ème Région administrative du Pays. Il y est décédé le 15 mars 1972 suite à une crise cardiaque. Pour l’immortaliser, les autorités du pays baptisent en son nom un Pavillon de l’Hôpital Gabriel Touré. Il en est de même pour l’Hôpital régional de Sévaré-Mopti. La 11ème Promotion de l’Ecole militaire Interarmes (Emia) de Koulikoro, sortie en octobre 1983, porte également le nom de Sominé Dolo.

8- Abdoulaye Singaré : Il est considéré dans le monde de l’école malienne comme le « Père de la réforme 1962 » qui visait « une décolonisation des esprits » se basant sur « une éducation de masse et de qualité ». Cette réforme (l’un des principaux acquis majeurs du Mali indépendant), il l’a menée au ministère de l’Education nationale qu’il a dirigé pendant 7 ans (16 avril 1959 – 15 septembre 1966). Auparavant, il siège dans le tout premier gouvernement du Soudan Français au poste de ministre de la Fonction publique (22 mai 1957 – 16 avril 1959) en se voyant confier, le 30 septembre 1958) le secteur Travail suite au départ de Abdoulaye Diallo (lire ci-dessous) dans son pays natal, la Guinée, qui venait de voter « NON » au référendum constitutionnel instaurant la Communauté franco-africaine initiée par le Général de Gaulle.

Né le 20 mars 1918 à Koulikoro, Abdoulaye Singaré a fréquenté l’Eps Terrasson de Fougères de Bamako (section administrative) de 1932 à 1936. Il devient ainsi Commis expéditionnaire du cadre local de Soudan pendant dix ans (1936-1946). Il passera ensuite huit années (1946-1954) au poste de commis expéditionnaire du cadre secondaire des services administratifs, financiers et comptables. Secrétaire d’administration du cadre supérieur de l’Aof (1954-1958), il est promu Administrateur civil (1958-1970) quand il avait déjà entamé sa carrière ministérielle. Au plan politique, il figure parmi les membres fondateurs du Rda en octobre 1946, à Bamako. Dissident du Psp de Fily Dabo Sissoko, il participe à la formation de l’Us-Rda dont il est membre du Bureau politique national, de 1947 à 1955. Pendant cette période, il exerce des mandats électifs : Conseiller général du Soudan (1952), Conseiller municipal de Bamako (1956), Député à l’Assemblée législative du Soudan (1956) et Conseiller de la ville de Koulikoro (1958). Au plan syndical, dès la fin des années 1930, il fut le secrétaire général adjoint puis secrétaire général du syndicat des commis expéditionnaires et des interprètes du Soudan (1945-1950). Par la suite, il fut secrétaire général du syndicat unique du personnel de l’Administration générale (1950-1952), membre du Comité directeur de l’Union des syndicats du Soudan (1946-1952) et membre du Conseil général de la Fédération syndicale mondiale (1952-1956).

Auparavant, dès octobre 1949, il fut le 1er Rédacteur en chef de L’Essor, l’organe de l’Us-Rda. Après la chute du président Modibo Kéïta, Abdoulaye Singaré se retire de la scène politique et cela ne lui épargnera d’être arrêté deux fois par les militaires au pouvoir : une première fois, ils l’ont suspecté d’être l’inspirateur d’un article paru dans Jeune Afrique et une seconde fois quand ils ont retrouvé sur lui un tract critiquant le parti unique Udpm en gestation. Resté très lié au chef de l’Etat ivoirien, l’ancien ministre Singaré fut membre du Comité de coordination de la Fondation Président Félix Houphouët-Boigny. De la fin des années 1970 à la fin des années 1980, il devient Assureur et Représentant commercial de Jeune Afrique à Bamako. Il est décédé le 19 octobre 2004 à Bamako.

9- Abdoulaye Diallo : ministre du Travail et des Affaires sociales

Abdoulaye Diallo fut ministre du Travail et des Affaires sociales, du 24 mai 1957 au 30 septembre 1958. Il quitte son poste et le pays suite au vote favorable du Soudan-Français au référendum constitutionnel du 28 septembre 1958. Le « OUI » massif des Soudanais oblige le Guinéen Abdoulaye Diallo qui prônait le « NON » à rejoindre son pays d’origine. Là, sous la férule du leader Sékou Touré, la Guinée a spectaculairement voté contre le texte proposé par le Général De Gaulle afin de constituer la Communauté française regroupant la France et ses ex-colonies africaines. Diallo rejoint Sékou Touré pour faire marcher la Guinée indépendante. Il y occupe dans le 1er gouvernement le poste de ministre secrétaire d’État chargé des Postes et Télécommunications. Il devient ensuite ministre du Développement Rural et de l’Artisanat ; puis ministre du Travail. Par la suite, il est promu Délégué à la Présidence de la République de Guinée, chargé de la Coopération technique internationale, Ambassadeur Itinérant de la République de Guinée.

Né en novembre 1916 à Konsondougou (Dabola, Guinée), il fut un très grand syndicaliste et une figure de proue de la lutte de libération nationale. Durant la période allant de la moitié des années 1940 à la fin de celles 1950, il avait fait ses preuves comme le premier Secrétaire général de l’Union régionale des syndicats du Soudan (Urss) où il était Commis de la Poste de Bamako. Il est ainsi présenté par Pierre Campmas dans son ouvrage sur l’Us-Rda : « Abdoulaye Diallo, Guinéen, mais travaillant depuis longtemps au Soudan, fut désigné comme ministre du Travail [à l’instar de Abdoulaye Singaré et de Hamaciré N’Douré…] en raison de leurs activités politiques passées. Ses activités syndicales au Soudan (où il était secrétaire général de la Section locale de l’Union Syndicale de la Confédération générale du Travail, Urss-Cgt), en Afrique (où il était secrétaire général de l’Union Générale des Travailleurs d’Afrique noire –Ugtan depuis janvier 1957 à Cotonou) et dans le monde où il était vice-président de la Fédération syndicale mondiale (Fsm) dont le siège était à Prague, lui avaient conféré une dimension africaine et internationale. D’apparence froide, Abdoulaye Diallo pouvait s’enflammer à l’occasion et devenir un remarquable orateur […] ».

Selon le doyen Sory Macalou (des Btp) cité par le syndicaliste écrivain Hamed Sidibé dans un ouvrage sur l’histoire du syndicalisme de notre pays, le leader Abdoulaye Diallo « grand par la taille [était] éloquent, syndicaliste hors pair. Il a dirigé la plus grande centrale du pays dans un anticolonialisme inflexible. Cela lui a valu des procès et finalement le licenciement. Devenu ministre du Travail en 1957, il est resté fidèle aux mots d’ordre de l’Ugtan qui a prôné le « NON » au Référendum gaulliste. Adversaire acharné de Sékou Touré dans le mouvement syndical africain, il n’hésita pas cependant à retourner en Guinée avec l’indépendance de ce pays […]», proclamée le 2 octobre 1958. Auparavant, fin août 1957, quelques mois après l’entrée en application de la Loi-cadre, la centrale Urss change d’appellation et le ministre Abdoulaye Diallo est, cumulativement, élu secrétaire général de la nouvelle Union territoriale des travailleurs du Soudan (Uts). En février 1958, l’Uts devient l’Union territoriale des syndicats du Soudan (Utss, ancêtre de l’actuelle Untm). Le 28 septembre suivant, le « OUI » est voté par les Soudanais au référendum constitutionnel. Deux jours plus tard, Abdoulaye Diallo (favorable au « NON ») démissionne du Gouvernement et retourne dans son pays natal où il se voit nommer, le 2 octobre, dans le 1er gouvernement de la Guinée de Sékou Touré auréolé de la victoire de son « NON ».

En Guinée, on l’avait surnommé Abdoulaye « Ghana » Diallo en raison du rôle qu’il a joué dans les relations entre les leaders guinéen Sékou Touré et ghanéen Kwamé N’Krumah. Il fut notamment Ministre-Résident de Guinée au Ghana. Il fut ensuite Ambassadeur de République de Guinée auprès des Gouvernements algérien, tunisien, chérifien du Maroc, égyptien et libyen. Puis Ambassadeur Itinérant de son pays. De ce parcours, il est distingué « Citoyen d’honneur » de plusieurs pays d’Afrique, d’Asie et d’Europe. Outre ces fonctions ministérielles et diplomatiques, Abdoulaye Diallo fut membre fondateur de plusieurs mouvements et organisations à vocation internationale, notamment : les Non-Alignés (Conférence de Bandoeng) ; l’Union Guinée – Ghana ; l’Union Guinée-Ghana-Mali ainsi que l’Organisation de l’unité africaine (Oua, ancêtre de l’actuelle l’Ua).

Après des décennies de pleines activités syndicales, politiques et diplomatiques, il se retire de la scène au début des années 1980 après le décès du président Sékou Touré le 26 mars 1984. A l’avènement du pluralisme politique en 1990, il décline l’offre de ses compatriotes qui l’avaient sollicité pour lui proposer de jouer un rôle dirigeant de leurs partis. Il a préféré rester sympathisant de l’Ufd (Union des forces démocratiques de la Guinée). Depuis le 10 septembre 1998, il repose au cimetière du quartier Cameroun dans la Commune de Dixinn à Conakry.

10-Ministre des Travaux publics et des Télécommunications : Mamadou Aw

De la formation du tout premier gouvernement du pays en mai 1957 à septembre 1969, il fut ministre dans différentes équipes gouvernementales en occupant quasiment le même poste en charge des Travaux publics (TP). Né le 15 décembre 1924 à Ségou, il fréquente l’Ecole William Ponty avant de décrocher un diplôme d’Ingénieur des TP en France. Au sein de l’Aof, il fonda en 1945 le syndicat des cadres secondaires des TP. Chef de plusieurs services techniques des TP à Dakar et à Bamako, il fut associé à la réalisation de nombreux ouvrages (ponts et chaussées) au Soudan et au Mali indépendant. Il fut pendant longtemps le ministre des TP du Soudan (20 mai 1957 – 4 avril 1959). Il occupe le même poste dans le gouvernement de la Fédération du Mali dont le Conseil était présidé par Modibo Kéïta (4 avril 1959 – 20 août 1960). Une semaine après la proclamation de la République du Mali le 22 septembre 1960, le ministre Mamadou Aw conduit la délégation malienne à l’Assemblée générale des Nations-Unies qui admet, le 28 septembre, le dossier du d’adhésion du Mali à l’Onu. Le 25 janvier 1961, il retrouve le fauteuil de ministre des TP jusqu’au coup d’Etat du 19 novembre 1968. Mais il est maintenu à son poste par les militaires qui ont renversé le président Modibo Kéïta en mettant fin à la 1ère République du Mali. Mamadou Aw va quitter enfin le gouvernement le 19 septembre 1969. Après ses charges ministérielles, Mamadou Aw a été le premier Haut-commissaire de l’Organisation pour la mise en valeur du Fleuve Sénégal (Omvs) de 1975 à 1979. Par la suite, il crée un cabinet d’ingénierie qui a été notamment chargé des travaux de réhabilitation du Palais de Koulouba dans la seconde moitié des années 1980. Mamadou Aw est ensuite associé au processus de restructuration de la Compagnie nationale Air-Mali, devenue, au début des années 1990, Mali Transports Air Services (Malitas) dont M. Aw sera désigné Pca. Auparavant, quand il était déjà ministre, Mamadou Aw avait été président de la Fédération malienne de football (1968-1971), le 2ème de l’histoire de cette association après la présidence de Tiécoura Konaté (1960-1968). La décennie écoulée, M. Aw s’installe dans le privé, définitivement basé à Paris où il s’éteint le 20 juillet 2012.

11-Dr Henri Corenthin :

Né le 24 janvier 1924 à Port-Louis (Guadeloupe), il fut un Docteur en Médecine diplômé de la faculté de Montpellier (France), fait partie de ces Caribéens qui se sont investis auprès des nouveaux Etats indépendants en Afrique dans les années 1960-1970. Henri Corenthin arrive en 1955 au Soudan français (actuel Mali) dans le cadre de la coopération française. Il est nommé Médecin-chef du Cercle de Kita (Région de Kayes). Henri Corenthin s’engage aussi dans le syndicalisme et devient secrétaire général de l’Union des travailleurs de santé (Uts). Sur la scène politique, il adhère à l’Us-Rda dont il fut l’un des commissaires à la Jeunesse du Bureau politique national mis en place lors du 5ème congrès d’août 1958. Il est ensuite désigné, en décembre 1959 à Bamako, secrétaire politique (N°2) de l’Union de la Jeunesse Rda, section de l’Union nationale de la Jeunesse du Mali au sein du Parti de la fédération africaine (Pfa).

Auparavant, en mai 1957, Henri Corenthin entre dans le premier gouvernement de la Loi-cadre comme ministre chargé de l’Elevage et des Industries animales. Poste qu’il occupe jusqu’en avril 1959 à la création de la Fédération du Mali. Dans le gouvernement de ce regroupement, le Soudanais Mamadou Aw est promu ministre des Travaux publics (TP). Son poste de ministre des TP, des Transports et des Télécommunications dans le gouvernement soudanais est désormais confié à Henri Corentin. Celui-ci conserve ce poste (certes délesté des TP revenus à Mamadou Aw, le 25 janvier 1961) jusqu’au 17 septembre 1962. Quelques mois auparavant, il fait partie de la délégation malienne dépêchée à Paris dans le cadre des négociations sur la coopération franco-malienne. La même année 1962, le congrès de l’Us-Rda dissout le Bureau de la Jeunesse dont était membre le médecin guadeloupéen qui avait pourtant acquis la reconnaissance de « la nationalité malienne pleine et entière » à lui accordée par un décret présidentiel (N°94/PG-RM) du 11 mars 1961. Par la suite, son engagement et à sa conviction pour la cause du Mali irritent l’Etat français et particulièrement (le tout-puissant conseiller aux Affaires africaines de l’Elysée). Paris qualifie le Guadeloupéen de « révolutionnaire excité » et décide ainsi de lui retirer sa nationalité française.

Tombé en disgrâce politique, le Dr Henri Corenthin est nommé directeur de l’Ecole des sages-femmes jusqu’au coup d’Etat militaire du 19 novembre 1968. Il apprend le renversement du président Modibo Kéïta à partir du Mexique où il était en mission. De retour au Mali, le nouveau pouvoir lui propose de faire partie du gouvernement. Après moult négociations, le Dr Corenthin finit par accepter et redevient, du 22 novembre 1968 au 19 septembre 1969, ministre des TP, des Transports et des Télécommunications (perdues à moins d’une semaine au profit du Tourisme dès fin novembre 68). Il quitte le Mali en 1972 après s’être aussi illustré sur le terrain sportif. Il fut ainsi président fondateur de l’Us Kita (1951) et du Club olympique de Bamako (COB en 1960) issu de la fusion de l’Union des sportifs d’indigènes et de l’Aigle noir de Bamako-Coura. Président de la Ligue de football de Bamako et membre du Bureau de la Fédération malienne de football, Henri Corenthin fut aussi président de la Fédération d’athlétisme du Mali (1960-1969). Et il contribua à la création du Comité olympique du Mali (l’ancêtre de l’actuel Cnosm) qu’il dirige de 1962 à 1967.

Cinq années plus tard, il quitte donc le Mali et retourne à Paris pour des études de spécialisation en néphrologie. Ayant recouvré entretemps la nationalité française, le Dr Henri Corenthin retourne définitivement dans sa Guadeloupe natale. Il y participe à la création des premières cliniques privées de l’île. Au plan politique local, il est un membre fondateur de l’Union populaire pour la libération de la Guadeloupe (Uplg), un parti politique qui milite pour l’indépendance de la Guadeloupe. En 1992, il se présente aux élections régionales sur la liste Alternative Gran Koudmen, un mouvement indépendantiste qui participe pour la première fois aux élections et obtient 5,49% de suffrages et deux sièges au Conseil régional. A la fin de son mandat, il se retire de la vie politique. En 2009, Henri Corenthin soutient activement le Lkp (Liyannaj Kont Pwofitasyon), le collectif à l’origine du mouvement social qui avait mobilisé les Guadeloupéens durant 44 jours contre la cherté de la vie. Ces dernières années, Henri Corenthin suivait assidûment l’actualité africaine et particulièrement la crise malienne. Dans son pays natal, Henri Corenthin est décédé le 17 avril 2016.

12-Salah Niaré : Benjamin des premiers Gouvernements soudanais et maliens, il est né en 1930 à dans la Grande famille fondatrice de Bamako. Il est avec le Dr Seydou Badian les deux ministres pionniers en vie à Bamako. Il jouit présentement de ses droits à la retraite en consacrant le plus clair de son temps dans ses champs dans la banlieue bamakoise. Ingénieur agronome issu de l’Ecole nationale supérieure de Montpellier, il fut successivement : ministre de l’Agriculture (22 mai 1957 – 16 avril 1959) ; secrétaire d’Etat à l’Agriculture, à l’Elevage et aux Eaux & Forêts (16 avril 1959 – 17 septembre 1962) ; secrétaire d’Etat à la Présidence de la République chargé de l’Economie rurale (15 septembre 1966 – 07 février 1968) et secrétaire d’Etat à la Présidence de la République chargé de l’Economie rurale, de l’Energie et des Industries (07 février- 19 novembre 1968). Entretemps, il fut Ambassadeur du Mali en Haute-Volta (1962-1966). C’est justement dans ce pays mossi que Salah Niaré débute sa carrière professionnelle au début des années 1950, avant de retourner au bercail en 1957 à la faveur de l’application de la Loi-cadre qui accorda l’autonomie aux colonies françaises d’Afrique. Il se retrouve ainsi dans le premier gouvernement du Soudan en mai 1957. Il y restera pendant une décennie avec un intermède de fonction d’ambassadeur. Après la chute de Modibo Kéïta, il devient, en 1969, directeur général de l’Institut d’Economie rurale avant d’entamer une carrière à l’international au sein des Nations Unies : il sert à la Commission économique de l’Afrique (Cea) puis dirige la Représentation de la Fao au Congo Kinshasa puis au Niger. En 1991, il participe à la renaissance de l’Us-Rda avant de se retirer de la scène politique après les élections générales de 1992.

13-Hamaciré N’Douré : Au cours des événements du 19-20 août qui ont abouti à l’éclatement de la Fédération du Mali après la séquestration temporaire à Dakar de Modibo Kéïta et d’autres dirigeants soudanais, le ministre de Commerce Hamaciré N’Douré joue le rôle de porte-parole de gouvernement : sur les ondes de Radio-Soudan, il ne se lasse d’appeler au calme au moment où la tension était très vive dans le pays. Les populations soudanaises s’étaient révoltées contre le sort réservé à leurs dirigeants sur la terre sénégalaise. Le tribun N’Douré était dans ses rôles, avocat qu’il était après avoir obtenu une Licence en droit dans une Faculté parisienne en 1947. Auparavant, nanti d’un parchemin acquis à l’Ecole primaire supérieure Terrasson de Fougères (Eps) de Bamako (l’actuel Lycée Askia Mohamed) qu’il a fréquenté (1933-1936). Il commence sa carrière professionnelle comme Commis expéditionnaire auxiliaire et sert au Tribunal puis au Secrétariat de la Mairie de Bamako entre 1936 et 1945. Les deux années suivantes, il intègre par la suite le corps des Commis secondaires des services financiers Aof mis au service de Koulouba où se trouvent les bureaux du Gouverneur colonial. De là, Hamaciré N’Douré part à Paris pour ses études de droit au terme desquelles il s’installe à Daloa (en Côte d’Ivoire) comme avocat-défenseur.

Entretemps, en janvier 1947, l’Us-Rda est formée pour rejoindre le Bloc Soudanais et le Parti démocratique Soudanais et la tendance minoritaire et dissidente du Psp dont faisait partie Hamaciré N’Douré, natif de Youwarou en 1918. En raison de ses connaissances juridiques et de son expérience politique, il devient membre du premier gouvernement soudanais. Il occupe ainsi le ministère de l’Industrie, du Commerce et des Transports (22 mai 1957 au 16 avril 1959. A cette date, son département est délesté des Transports. Hamaciré N’Douré reste à son poste jusqu’au remaniement ministériel du 14 mai 1964 où il devient ministre délégué à la Présidence Chargé des missions. Trois mois après, il est chargé d la coopération et de l’Assistance technique. C’est le début d’une disgrâce qui le verra occuper symboliquement à partir d’octobre 1966 un ministère délégué à la Présidence pour représenter le Mali auprès de la Communauté économique européenne, du Royaume de Belgique, du Royaume des Pays-Bas, du Grand-Duché de Luxembourg et de la République Fédérale d’Allemagne.

Après le renversement du régime socialiste en novembre 1968, Hamaciré N’Douré compose avec les militaires en occupant le ministère de la Justice, Garde des Sceaux et Chargé de Mission auprès du Président du Gouvernement le capitaine Yoro Diakité (du 7 février 1969 au 10 septembre 1970). Il reprend alors ses activités d’avocat-défenseur et deviendra au milieu des années 1970, le 2ème Bâtonnier du Mali. Hamaciré N’Douré revient sur la scène politique après la chute du président Moussa Traoré en mars 1991. Il participe à la reconstitution de l’Us-Rda et se retrouve parmi les soutiens forts de la candidature de Tiéoulé Mamadou Konaté à la présidentielle d’avril 1992. Une candidature qui a provoqué une grave crise interne culminant avec la scission du Parti de l’Indépendance. La tendance Konaté ayant perdu la bataille judiciaire est amenée à créer le Bdia dont Me Hamaciré N’Douré est l’une des têtes pensantes. Suite au décès accidentel de Tiéoula M. Konaté en octobre 1995, la direction du Parti est confiée à Me N’Douré jusqu’à la disparition de celui-ci au début des années 2000.

Dossier réalisé par La Rédaction.



Nos sources :

-Andrée Dore Audibert : «Une décolonisation pacifique. Chroniques pour l’histoire », Karthala, Paris, 1999.

-Archives du Quotidien national L’ESSOR (Mars-Mai 1957).

–Mohamadoun Baréma Bocoum: « Les hommes politiques maliens et africains », L’Harmattan (Paris) Tropiques Editions (Abidjan), 2010.

-Pierre Campmas : « L’Union Soudanaise R.D.A : l’histoire d’un grand parti politique africain. Tome premier (1946 – 1960) », ACCT-UNICONTI), Paris, 1988.

-Abdoulaye Charles Danioko : «Contribution à l’étude des partis politiques au Mali de 1945 à 1960 », Thèse de doctorat de 3ème cycle en Histoire, Université de Paris VII, Avril 1984.

-Joseph Roger De Benoist : « L’Afrique Occidentale Française de 1944 à 1960 », NEA, Dakar, 1982.

-Modibo Diagouraga : « Modibo Kéïta. Un destin », L’Harmattan, Paris, 2005.

-Boubacar Doumba Diallo : «A la mémoire d’El Hadj Abdoulaye ‘’Ghana’’ Diallo », article en ligne de guinéelibre.com, 12 août 2011.

-Cheick Oumar Diarrah: « Le Mali de Modibo Kéïta », L’Harmattan, Paris, 1986.

-Daba Diawara : « La conquête de l’indépendance et l’édification du nouvel Etat du Mali. Etude documentaire. Tome I », Editions Tropics, Collection Repères, Bamako, 2010.

-Journal Officiel de la République française du 24 juin 1956.

-Journal Officiel du Soudan Français N°1353 du 29 mai 1957.

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-Alpha Oumar Konaré : «Histoire des partis politiques au Mali. Du pluralisme politique au parti unique. 1946-1968 », Cauris Livres, Bamako, 2016.

-Alpha Oumar et Adam Bâ Konaré : «Grandes dates du Mali », EDIM, Bamako, 1983.

-Mémorial Modibo Kéïta : «Les Têtes de la République : Chefs d’Etats et Ministres du Mali de 1957 à 2007 », Afrikibaru, Bamako, 2007.

–Bernard Nantet: « Mali, Vies et portraits », Encyclopédie Universalis, 1978.

-Ouvrage collectif : « Le Mali en marche », Secrétariat d’Etat à l’Information, Bamako, 1962.

-Sébastien Philippe : «Une histoire de Bamako », Grandvaux, Paris, 2009.

-Bintou Sanankoua : « La Chute de Modibo Kéïta », Editions Chaka, Paris, 1990.

-Hamed Sidibé : « Histoires politiques du syndicalisme malien», Tropiques Editions et L’Harmattan, Paris, 2012./.

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