« Si tu ne peux organiser, diriger et défendre le pays de tes pères, fais appel aux hommes plus valeureux ; si tu ne peux dire la vérité en tout lieu et en tout temps, fais appel aux hommes plus courageux. Si tu ne peux être impartial, cède le trône aux hommes justes. Si tu ne peux protéger le peuple et braver l’ennemi, donnes ton sabre de guerre aux femmes, elles t’indiqueront le chemin de l’honneur...». (L’hymne de l’empire du Wassoulou du 19e siècle, Afrique de l’Ouest sous la direction de l’Almamy Samori Touré).
En nous référant à l’esprit de cet hymne qui est le concentré des valeurs cardinales de tous les peuples qui composent notre nation depuis bien avant le 19eme siècle, il ne fait aucun doute, devant le désastre de la gouvernance en cours, que toutes les conditions de l’alternance démocratique sont réunies en juillet 2018, que le Président sortant n’a plus de ressources politiques, sociales et morales pour se succéder à lui-même.
Deux ordres de faits militent pour la défaite prochaine du Président Ibrahim Boubacar Keita.
Le bilan politique, économique et social du président est des plus négatif, il met même en péril notre pays. Mais, pire que le bilan, le régime IBK ne laisse apercevoir aucun espoir pour un Mali meilleur.
Dès son entame, le pouvoir IBK n’a dégagé aucun souffle ni politique ni moral présageant un avenir serein pour notre pays. Dans la gestion d’un pays cassé, le pouvoir n’a fait qu’évoluer entre impasse et impuissance. La classe politique, toutes tendances confondues, est restée exclue de fait de la solution des problèmes d’un pays qu’on vend par tranche sous nos yeux, au profit d’une gestion familiale.
Et pourtant dans la gestion de la crise qui nous frappe, le Mali a eu plusieurs fenêtres d’opportunité pour se remettre d’aplomb mais les stratégies de réponse ont toujours peiné à émerger, parce que le pays lui-même est face à une crise sans précédent de la représentation politique et institutionnelle.
Le pouvoir IBK aurait volontairement voulu organiser la faillite du Mali qu’il ne s’y prendrait autrement. Après l’effondrement de la l’Etat suite à l’occupation du pays conjugué aux effets du coup d’Etat, la gouvernance du président sortant a conduit le pays dans un cul-de-sac. Il ne s’est en effet contenté que de simples ravalements de façade en lieu et place de changement attendu.
Ce faisant, c’est la faillite du pays qui a été méthodiquement organisé en détruisant la vitalité de toutes les institutions nationales, politiques, économiques et sociales. Là où il était attendu qu’il procède à des réformes majeures pour espérer en finir avec la politique de promotion du communautarisme, renforcer les politiques publiques en cours d’exécution, le pouvoir IBK est resté sans égard pour son peuple qui se réveille chaque jour avec son lot de scandales financiers, moraux et politiques.
En cinq ans le Président sortant n’a pas eu de projet, pas de vision, donc pas d’architecture adéquate comme réponse à la crise du pays dont il était censé trouver la solution. Il a installé le pays dans un monologue de gouvernance insipide, totalement en déphasage avec le vécu des Maliens.
IBK n’avait pour programme que la disqualification des politiques passées dont il est par ailleurs comptable. Il n’est pas venu pour assumer le pouvoir mais pour le consommer. Il n’a pas gouverné, il a géré son fauteuil.
Sous IBK, le Mali est vite passé du pouvoir personnel à un immobilisme institutionnel incroyable. C’est un fait qu’en l’absence de liberté et d’autonomie, les institutions publiques et sociales sont devenues des coquilles vides. Dans un tel contexte, il n’y a eu pas de représentation véritablement démocratique pour limiter les dégâts. Il faut ajouter à cela la vacuité du bureau présidentiel, liée au fait que le pouvoir est incarné par des hommes et non par des institutions. Les hommes ne travaillant pas ou ne sachant pas travailler, le pays en est réduit au pilotage à vue, à tourner au gré du vent. En cinq ans le Mali a tourné à vide.
De cette crise des institutions, des prédateurs en ont tiré fierté et puissance. La corruption interne des institutions a mené à la faillite économique, politique et sociale d’un Etat en pleine décomposition.
Voilà comment la gouvernance IBK a organisé la faillite du Mali. Aujourd’hui, peu lui importe que notre démocratie se réduise à une lamentable image caricaturale.
Les effets de cette caricature démocratique sont amplifiés par le danger du pouvoir familial qui se révèle à l’asservissement du personnel qu’il place à la tête des institutions. Par exemple, le chef du pouvoir législatif dépendant et inféodé à la famille, ne peut être qu’un auxiliaire. Dès lors, la mission parlementaire est neutralisée.
Il s’y ajoute que la Patrimonialisation de l’Etat a conduit à la clochardisation de l’Administration. Face à la corruption qui ne cesse de prendre de l’ampleur, les détournements quotidiens de l’argent public, l'allégeance a remplacé la légalité.
Cette ambiance que la gestion patrimoniale fait régner dans l’Administration qui explique son dysfonctionnement radical.
Les cadres organiques ne sont plus respectés, et sinistrée de ses cadres professionnels, celle-ci évolue à l’ère des journaliers.
La déconfiture politique est telle que sous le régime IBK, nous avons assisté à toute sorte de démissions au sein des institutions. De la Présidence de la république au Gouvernement en passant les forces armées. Certes, le mobile des actes de ces départs reste à vérifier. On pourrait reprocher que ces partants seraient quelques personnes qui, ayant servi le pouvoir, ont cru en voyant la pourriture dans la fonction publique que IBK ne pourra plus tenir, ont voulu porter le manteau de l’innocence aux yeux du peuple.
Qu’ils ont voulu profiter de la pourriture pour se faire un nom, au lieu de balayer de l’intérieur. Mais ils eu le mérite de sortir crier l’horreur à l’extérieur comme Cham qui après avoir vu la nudité de son père Noé est sorti la crier de l’extérieur.
De tout point de vue, les quatre plaies qui minent le Mali sous IBK s’appellent : la corruption, l’inefficacité de l’administration, le mensonge d’Etat érigé en système, l’inertie et l’immobilisme à la tête du pays.
Au chapitre de l’inertie et l’immobilisme, la gouvernance IBK a littéralement livré le Mali aux porte-paroles ethniques, ceux-là qui font de l’appartenance à une ethnie, un programme de promotion sociale et politique. Du Nord à l’Est et au Centre du pays, sous nos pieds tout se dérobent, les communautés se dressent les unes contre les autres, l’Etat ou ce qui ressemble à sa mue, détourne le regard. La Nation malienne se délite, les régions se replient, à l’intérieur de chaque région, des groupes se forment et se recroquevillent, les ethnies et les communautés se cabrent face à l’Etat. Le Mali semble se détourner de son histoire faite de brassage, l’un des meilleurs que l’Afrique de l’Ouest n’ait jamais connu.
En somme à l’heure du bilan, c’est bien l’échec d’un homme qui a conduit à l’abandon du Mali à la dérive. A la fin de son mandat, sa seule réussite est que le Mali est devenu une fabrique et/ou un repère de groupes armés prospères. Un pays dont la vacuité du pouvoir est à la mesure de la déception des populations. Le pouvoir en place est ainsi devenu un danger pour la nation.
Parce que la gouvernance en cours laisse à penser que la stratégie du pourrissement organisée, au-delà du fait qu’elle sert d’autres desseins, met également et surtout, menace toute la Nation.
C’est ainsi que devant la faillite du régime il a été fait appel à un bon usage du terrorisme. En effet, la menace terroriste, quand elle existe, est instrumentalisée pour justifier de l’Etat, son reniement de toutes ses responsabilités dans le domaine de la sécurité et de la défense de l’intégrité du territoire, faisant de notre pays un risque pour la sous-région.
Pendant ce temps, l’institution militaire qui avait tant besoin de la restauration du mental des soldats et l’estime de l’autorité légitime, est restée l’une des premières victimes d’une gestion prédatrice, de la dilapidation des ressources qui lui sont affectées.
Le constat est amer, cinq ans après l'autopsie du régime laisse découvrir une véritable conjuration hétéroclite sans audience et sans autorité qu’on appelle encore au Mali, « Etat » que le peuple n'écoute plus, ne respecte plus, et ne manque aucune occasion pour lui administrer une gifle.
De l’absence quasi permanente du Président lui-même du pays, aux scandales multiples de corruption, le Mali gémit sous les flagellations d’un régime qui ne cesse de sucer la substance des citoyens en matière de dignité.
Lorsqu’un régime arrive à porter l’Etat à ce stade de ruine, lorsqu’un pouvoir est arrivé à se hisser avec tant d’efforts d’autodestruction dans le mépris de la part du peuple, il est temps pour lui de laisser la place.
Les conditions de l’avènement au pouvoir du Président IBK en 2013, annoncent curieusement sa défaite prochaine.
Les élections de 2013, n’auront été qu’un gigantesque scandale démocratique orchestré par de faussaires politiques de tous acabits. Pire elles sont apparues au fil des ans sous les traits d’un véritable succès de l’imposture. Le candidat qui a été dépeint « homme de la situation » ou « le moins mauvais » des prétendants à la magistrature suprême s’est révélé n’être que le pire de tous. Ce qui fait qu’à l’analyse, aucun obstacle majeur ne vient contrarier l’alternance démocratique en 2018.
En plus du bilan politique, économique, social et moral indiqué ci-dessus, l’arithmétique électorale de 2013, peut témoigner de cette chronique de défaite annoncée.
En effet, on s’aperçoit que les 77,62 des voix au second tour des élections présidentielles n’ont été que l’arbre qui a caché la foret de la méfiance et de la désaffection politique et sociologique à l’égard de celui qui est par la force des manipulations de toutes sortes le Président des Maliens.
En vérité, dès l’entame de son mandat, le président IBK n’a en réalité bénéficié que d’une faible représentativité dans le pays selon une analyse politique fine et réaliste de son score.
En effet, au premier tour des élections à deux tours, le candidat IBK est arrivé en tête avec moins de 40% des voix des Maliens.
Lorsqu’on aura considéré la forte mobilisation, dès le premier tour, de certains secteurs de la vie sociale en faveur du président finalement élu, on peut se demander quel poids réel il avait dans la société. La junte qui avait envahi tous les rouages de l’Etat appuyait fortement sur la dose de l’intimidation des fonctionnaires et des opérateurs économiques en faveur du candidat élu. Tout le monde connait l’efficacité d’une telle démarche dans les élections en Afrique. Certaines forces religieuses ont battu campagne ouvertement en excommuniant les autres candidats de la religion du Prophète Mohamed (PSL).
Que dire de l’appui invisible, mais audible de la France socialiste ? Malgré tout, le résultat a été décevant 39,79% des Maliens seulement ont voté IBK au premier tour. Electoralement, donc, son camp ne compte que moins de 40% dans le pays. Autrement dit 60% des Maliens n’adhéraient ni à sa personne, ni à son programme si tant est qu’il en eût.
La logique de l’élection présidentielle à deux tours est ceci : au premier tour, on choisit celui qu’on aime. Au second tour, par une sorte de vote-sanction, l’électeur élimine celui qu’il ne veut pas voir président ; c’est dire qu’il n’apprécie pas forcément candidat qu’il aura final élu.
A cette analyse de l’arithmétique électorale, le trouble devient grand sur la réalité de son score quand on apprend l’existence non justifiée de près de 900.000 cartes NINA qui ont pu être utilisées de façon frauduleuse. Des cartes détenues alors par le ministère de l’Administration Territoriale.
Ainsi que nous l’avons très largement expliqué ces derniers temps, le candidat IBK a failli perdre tout seul, contre lui-même en 2013. Car il a été le seul candidat qui a bénéficié de l’appui du clergé musulman, du soutien actif de la junte militaire qui contrôlait les appareils militaires et administratifs du pays, le candidat de la France ainsi que l’atteste la dernière sortie du Senat de ce pays, mais il a été incapable d’obtenir au premier tour 40% des suffrages des Maliens.
L’armée, l’Administration territoriale, la rébellion coalisées, n’ont pas pu faire élire le Président actuel dès le premier tour en 2013.
Il n’y a aucun risque de penser que 5 ans après qu’il a abîmé le pays, que tous ces soutiens se sont désaffiliés avec véhémence pour la plupart d’entre eux, le Président IBK reste une proie facile pour ses opposants.
Quid de la force politique l’a soutenu ? Le RPM est sorti majoritaire des urnes grâce aux stratégies tordues des autres partis politiques avec 60 sur 147 députés. Devant l’inconnu, ce sont les autres partis significatifs qui ont porté les candidats RPM aux élections législatives, pour l’essentiel ils s’en sont mordus les doigts.
Partout où ce parti a été seul ou dans une alliance faible, il a été sévèrement battu. A l’issue du scrutin, la Cour constitutionnelle, par les jeux d’annulation des voix, a complété son groupe avec 66 députés. Puis vinrent les débauchages des députés des autres partis dans une démarche de transhumance, qui ont permis de porter à 75 députés la majorité du RPM à l’Assemblée nationale. Mais là aussi, force est de reconnaitre que tant de bricolage ne fait pas de poids politique dans le pays. L’ADEMA/ PASJ, le principal soutien se brise autour du soutien au Président sortant ce qui en soir est un autre signe de désaffection. La CODEM qui aurait pu jouer au palliatif après un éventuel départ de l’ADEMA/ PASJ, a anticipé les rôles en pliant bagage pour l’opposition. Sans véritable soutiens politiques, voire sociologique, le Président Ibrahim Boubacar Keita, hésite entre renoncement et aventure électorale.
En tout état de cause, deux vents contraires soufflent sur le Mali. Il y a les tenants du Chaos stratégique ceux qui pendant 5 ans ont voulu vendre l’épuisement de l’élan démocratique dans notre pays pour y substituer un nationalisme creux et corrompu, autoritaire, centralisé et inefficace.
Face à eux se dressent les acteurs de l’alternance pacifique. Ils sont portés par la révolte des idées qui fait de l’élément intellectuel le moteur du changement à venir. Cette révolte des idées est animée par des intellectuels, chroniqueurs et des journalistes dont le véhicule privilégié c’est la presse, les médias et les réseaux sociaux en général ainsi que la littérature, dont l’objectif principal est d’éclairer le public et de réveiller les consciences.
L’autre élément du changement qui accompagne les idées a été la révolte populaire. Jamais les Maliens ne se sont autant mobilisés contre un pouvoir que celui du régime IBK. En appui à cette révolte populaire, se trouvent acteurs majeurs de la société civile comme de partis politiques, qui se sont constamment mobilisés en sillonnant inlassablement le territoire national par l’organisation de débats directs avec les populations, dans le but de leur conscientisation autour de l’idée de veille citoyenne ou de partage de programme.
Il ne fait aucun doute que de forces nationales de changement et d’alternative crédible sont constituées.