A 43 ans, Moussa Mara est déjà un vieux crocodile du marigot politique malien. Ambitieux. Sulfureux. Fluctuant dans ses allégeances. Celui qui a déjà été candidat à la présidentielle de 2013 et éphémère Premier ministre d’IBK, est l’égal des « milliardaires fonctionnaires » du « club des ex », ces apparatchiks qui s’accaparent depuis trente ans le pouvoir au Mali.
Quand il est nommé Premier ministre le 9 avril 2014 par le président Ibrahim Boubacar Keïta, Moussa Mara semble incarner le renouveau. Maire de la Commune IV de Bamako, cet expert-comptable qui n’a pas encore quarante ans, laisse espérer une nouvelle façon de faire de la politique au Mali.
C’est une illusion. Tout d’abord parce que Moussa Mara ne vient pas de nulle part. Il est le fils du colonel Joseph Mara, l’un des hommes-liges du régime militaire putschiste de Moussa Traoré. Une filiation embarrassante que Moussa Mara tente de passer sous silence. Nul n’est responsable des crimes de son père… alors pourquoi ne pas hériter de ses biens mal acquis (plus de 450 millions de francs de patrimoine déclaré).
Pas encore Premier ministre, Moussa Traoré est impliqué en 2013 en tant que maire de Bamako IV dans ce que la presse malienne qualifiait de « scandale de Kalambougou », une opération immobilière aussi importante qu’opaque qui a causé l’expropriation de centaines de familles (309 habitations détruites).
Au drame humain s’ajoute un scandale financier et foncier. Sur les 25 hectares de terrains récupérés, seuls 5 hectares reviennent au propriétaire légitime des terres, le Centre National d’Appui à la lutte contre la Maladie (CNAM). Le reste a été redistribué après « paiement de frais de régularisation payables à la recette de la mairie de la commune IV du district de Bamako », dixit la mairie. A noter que le parti politique de Moussa Mara a construit un siège flambant neuf sur les décombres des expropriations illégales.
Un scandale local qui n’a pas empêché IBK de le nommer Premier ministre le 9 avril 2014. Une nomination qui fait grincer des dents au regard de l’inexpérience de Mara, 39 ans, et de son maigre poids politique (1,5% des voix à la présidentielle de 2013). De quoi se poser d’entrée la question d’une erreur de casting alors que le pays est confronté à la pire crise sécuritaire de son histoire.
La réalité dépasse hélas les pires projections des analystes politiques. Le 17 mai, un peu plus d’un mois après sa nomination, il tente un coup d’éclat et effectue, sans réelle organisation, une visite à Kidal, dans le nord du Mali. La ville a été reconquise de haute lutte par les forces maliennes et internationales aux groupes djihadistes qui pullulent dans la région.
La visite de Moussa Mara remet le feu aux poudres. Les groupes terroristes repassent à l’offensive et reprennent le contrôle de la ville trois jours plus tard, malgré une tentative de contre-offensive de l’armée malienne. Suite à cette catastrophe, qui est perçue comme une humiliation par l’armée malienne, les jours de Moussa Mara à la Primature sont comptés. IBK attendra tout de même quelques mois avant de le remercier le 8 janvier 2015.
Démonétisé politiquement, Moussa Mara se retourne contre IBK et se proclame opposant. Une nouvelle posture pour laquelle le jeune ambitieux doit se trouver un espace politique. Ce sera celui de l’Islam politique et de l’instrumentalisation de la religion. Contrevenant à la tradition laïque malienne, et au grand dam des éditorialistes du pays, il anime des conférences dans les mosquées pour tenter de draguer les électeurs musulmans.
Le parcours politique de celui qui se présente comme la figure du renouvellement démontre qu’il s’agit surtout du renouvellement des vieilles pratiques politiciennes maliennes et que la jeunesse n’est pas l’antidote absolue aux maux qui rongent le pays.