Des kiosques de transfert d’argent quasi-fermés, les chiffres d’affaires des commerçants grossistes et détaillants en baisse, l’inaccessibilité au rechargement de compteurs Isago ou de décodeurs-canal, le blocage pour surfer, recevoir ou expédier des courriers électroniques, des émissions radiophoniques suspendues…
Bref, les populations sont coupées du reste du monde. Une situation qui a les plongé dans la détresse, en ce mois béni de Ramadan.
Voilà une semaine que la ville de Goundam et environnants n’ont pas accès au réseau de télécommunication Orange-Mali. Des individus armés, non identifiés, ont emporté le groupe électrogène du réseau, dans la nuit du jeudi, 31 mai au vendredi, 1er juin 2018. Sur les lieux, les dégâts sont énormes, a constaté un habitant de Goundam qui a requis l’anonymat. «Du bord du goudron aux installations, on aperçoit les traces du groupe électrogène qu’ils auraient câblé à leur véhicule. Les barils solidement bétonnés pour maintenir le groupe ont été déchainés et jetés. Les installations ou autres câblages ont été également sabotés ou emportés. Les dégâts sont énormes. C’est vraiment déplorable», a-t-il indiqué.
Cet acte odieux intervient un mois après l’enlèvement respectif de celui de la commune rurale de Douekiré et 48 heures après celui de Tonka (dans le cercle de Goundam, région de Tombouctou). Si ces deux localités respectives ont bénéficié d’une prompte réinstallation des groupes électrogènes, il n’en est pas de même pour Goundam. L’opérateur de téléphonie Orange-Mali a fait l’objet de sabotages consécutifs et de lourdes pertes dans cette localité à plusieurs reprises (plaques solaires emportées, installation sabotée, cuve à essence vidée, etc.) Ces coups de foudre, malgré la présence des Forces Armées maliennes, de la Minusma, des mouvements armés ou même des gardiens engagés. A Goundam, c’est la détresse des populations. Nous sommes devant une agence privée de transfert d’argent via orange-money. Ici, un groupe de jeunes autour du thé. Selon l’agent, cette inaccessibilité au réseau constitue pour lui un manque à gagner. «Depuis la coupure du réseau, mon chiffre d’affaire a baissé. Tout tourne au ralenti. Pour combler le vide, j’ouvre de temps en temps et prends du thé avec mes camarades. C’est avec ce travail que nous gagnions notre vie, mais dommage qu’on ne sait plus à quoi s’en tenir», a-t-il dit. Même son de cloche chez ce boutiquier, vendeur de cartes de recharge. «Aujourd’hui, ceux qui n’avaient pas la puce Malitel en réclament parce que Orange ne marche plus. A ce jour, j’ai plus de 400 000FCFA de cartes de recharges invendues. Alors que si le réseau marche, je les vendrais en quelques jours, car la demande en recharge est forte, mais voilà que ces derniers jours, tout est bloqué», a-t-il déploré.
Autre coup de cœur, c’est cet enseignant dont la maman est sous traitement. «Ma maman est sous traitement au CSRéf. Mais nous avons eu de la peine à nous acquitter des ordonnances puisque orange money ne marche pratiquement plus. Tout le monde est aux abois. Chacun déplore le manque criard d’argent. Ceux qui ont envie d’exécuter leurs travaux de construction ou autres en engageant des bras valides ou manœuvres ne peuvent plus le faire, puisqu’il est encore difficile d’avoir ses sous via le mobile. Partout où je passe, les gens me disent qu’il n’y a pas d’argent», a souligné notre interlocuteur qui a requis l’anonymat.
A la foire hebdomadaire de Goundam, ce lundi, la déception et le stress se lisent sur les visages. Plusieurs forains venus de contrées avoisinantes s’y ravitaillent. Si certains vendent leurs articles ou produits, d’autres y achètent les provisons de la semaine après un retrait d’argent sur leur compte orange money. Ousmane est un paysan du village de Fatakara. A ses dires, son fils en exode, lui a envoyé des sous sur son compte pour les préparatifs de la fête, mais cette fois-ci, l’opération n’est pas possible. «D’habitude, chaque semaine, il nous envoie de l’argent que je retire sur mon compte et fais mes achats, voilà qu’arrivé à Goundam, je ne savais plus où me donner la tête à cause du manque de réseau», indique t-il.
Autre effet de l’inaccessibilité au réseau, le manque de connexion internet. Cela a durement impacté sur les programmes de certaines radios de proximité présentant la revue de la presse en langue locale, des éditions quotidiennes ou hebdomadaires suspendues. Même coup de tonnerre chez certains bloggeurs de la ville. Et ce n’est pas tout. «Je vous avoue que même pour recharger mon compteur Isago ou mon décodeur Canal+, je n’y arrive plus alors que mon abonnement arrive à termes. La connexion internet devient de plus en plus indispensable, pour majorité des populations à travers les canaux de réseaux sociaux facebook, WhatsApp. Les gens ne se donnent plus des nouvelles au quotidien. C’est vraiment aberrant», a martelé un autre habitant de Goundam. En sillonnant la ville, nous sommes tombés sur un groupe d’hommes et de femmes sur les gradins de l’ancienne préfecture brandissant leur téléphone à la recherche probable du signal du réseau. Il nous est revenu que le relais de Tonka est précairement accessible et uniquement dans cet endroit. Au moment où nous mettions, des informations nous sont parvenues que le groupe électrogène aurait été repéré vers la localité de Ber dans la région de Tombouctou. A en croire d’autres sources, un nouveau groupe électrogène serait en cours.
En attendant, le train de vie des populations de Goundam est bouleversé car Orange Mali est le réseau ayant le plus de clientèle et qui offre des services de qualité. Cependant, la population se débrouille avec le réseau Malitel, n’ayant pas les mêmes services que son concurrent sur le terrain.