La Direction Régionale du Budget (DRB) de Ségou n’a pas fait l’objet d’un appel d’offres, en vue de sa privatisation. Du moins, pas à notre connaissance. Mais tout porte à croire qu’elle a été victime, pendant ces trois dernières années (les exercices 2015, 2016 et 2017) d’une Offre Publique d’Achat (OPA) qui ne dit pas son nom : elle a été au service exclusif de son Directeur régionale, Karim Fomba et de ses sbires : gestion clanique des ressources humaines et financières ; achat de conscience et de silence ; magouille et affairisme à ciel ouvert… Tout y passe sans que cela n’offusque personne. Du coup, il y a des dépenses fictives de 122,74 millions de francs CFA au niveau du service. Depuis, le budget de la 4ème région du Mali porte les germes de sa propre destruction.
Décidemment, le patron de la Direction Régionale du Budget de Ségou et ses complices sont mal barrés. Le gouffre financier creusé au niveau de cette structure dépasse l’entendement. D’où la paralysie de la structure à tous les niveaux. Ou presque.
Magouille à ciel ouvert
Le Budget de Ségou n’a pas seulement perdu de sa superbe. Il a été vidé de son âme, vendu au diable. Et jusqu’aujourd’hui, son directeur, Karim Fomba n’affiche qu’une image de ruine et de désolation. Et pour cause : jamais, les gaffes au sein de cette structure n’ont atteint un tel degré.
Jugée, pourtant, stratégique dans la politique financière de la Cité des Balazans, la Direction Régionale du Budget de Ségou n’a pas échappé à l’appétit vorace de ses responsables. Par petite touche, ils ont « sucé » les caisses, érigés le népotisme en mode de gestion. L’espoir tant suscité auprès des populations, a viré au cauchemar. Un flop magistral.
Réputée comme la veine névralgique de l’administration de la 4ème région, la Direction régionale du Budget de Ségou a vite fait de taire ses ambitions. Raison invoquée par les enquêteurs : l’utilisation des fonds et des recettes de la structure à d’autres fins. Estimée à 122,74 millions de francs CFA, cette manne financière a disparu, sans laissez la moindre trace. Et ce n’est pas tout. Loin s’en faut.
Selon des travailleurs du Budget de Ségou que nous avons rencontré, même la non-tenue des documents de la comptabilité matière n’est pas de nature à tempérer les curiosités de leur Direction. En effet, la structure n’a pu fournir ni un état récapitulatif trimestriel ni un état d’inventaire pour la Région concernant la période sous revue. En outre, sur la base d’un document, les travailleurs du Budget de Ségou, expliquent que la direction de leur boîte ne tient pas les documents de base comme la fiche « matricule de propriétés immobilières », le grand livre des matières ou la fiche « casier ». Non plus, la non-tenue de l’ensemble des documents de la comptabilité-matières ne permet pas de suivre et de sécuriser le patrimoine de la Région.
La saga des vautours
Selon nos sources, la Direction Régionale du Budget de Ségou ne prend pas systématiquement en compte les observations de la Direction Régionale des Marchés Publics et des Délégations de Service Public (DRMP-DSP) sur des projets de Dossier d’Appel d’Offres (DAO). À titre illustratif, elle a conclu deux marchés en 2015 relatifs à la fourniture de motos, d’ambulances et de produits pharmaceutiques et deux en 2016 portant sur des travaux de forages et de réhabilitation, sans tenir compte desdites observations. Elle n’a ni motivé sa décision par écrit ni rendu compte à l’autorité d’approbation du marché dont elle relève ainsi qu’à l’Autorité de Régulation. Ces observations concernent entre autres, l’insertion ou la suppression de clauses ou l’absence de modèles renseignés conformément aux modèles types. La non-prise en compte des observations de la DRMP-DSP peut entamer l’efficacité et l’efficience des opérations de dépenses.
Aussi, la Commission d’ouverture des plis et d’évaluation des offres n’inscrit pas les résultats de ses travaux d’ouverture dans les rapports d’évaluation. Ce manquement ne permet pas de s’assurer de la transparence dans les procédures de passation des marchés.
Par ailleurs, le Gouverneur de Ségou crée des commissions irrégulières d’ouverture des plis et d’évaluation des offres. En effet, les décisions de création de ces commissions ne font ressortir que la participation d’un seul représentant du service bénéficiaire, un représentant du Gouvernorat de Ségou, au lieu de deux représentants du service bénéficiaire et un représentant du service technique spécialisé comme l’exigent les textes en vigueur. Parfois, aucun membre du service bénéficiaire ne figure sur lesdites décisions. Ce manquement entache la sincérité de la sélection des fournisseurs de la commande publique. Pire, la Direction Régionale du Budget de Ségou n’informe pas les soumissionnaires non retenus, contrairement à la réglementation en vigueur. Le défaut d’information des soumissionnaires non retenus est un manque de transparence dans les procédures de passation des marchés.
Comme si cela ne suffisait pas, la Direction Régionale du Budget de Ségou a fait exécuter cinq marchés avant la notification préalable aux titulaires concernés.
Cette pratique remet en cause la transparence de la procédure de passation des marchés publics. Plus grave, la Direction Régionale du Budget de Ségou a fait exécuter des marchés et a ordonné leur paiement avant la fourniture de la caution de bonne exécution. Quatre marchés en 2015 et deux en 2016 ont ainsi été exécutés. La non-fourniture de la caution de bonne exécution ou son acceptation après paiement du marché ne permet pas à la Direction Régionale du Budget de Ségou de se couvrir en cas d’inexécution ou de mauvaise exécution des marchés par les titulaires.
Mieux, la structure a admis des cautions de bonne exécution et de retenue de garantie irrégulières. Conformément à la réglementation en vigueur, de tels documents ne sont recevables que dans leur forme originale. Or, le Budget de Ségou a accepté des attestations sous forme de copies certifiées, juste après la notification des marchés. En outre, des cautions fournies au titre de deux marchés portaient des références erronées. Ces manquements ne permettent pas de s’assurer de l’authenticité desdits documents.
Toutefois la « mangecratie » aidant, le Gouverneur de Ségou crée des commissions irrégulières de réception. Ces commissions ne prennent pas en compte tous les membres prévus par les textes en vigueur. Un seul représentant du service bénéficiaire est convié alors qu’il en faut deux. De plus, la DRB émet des avis de convocations dont les membres diffèrent de ceux inscrits sur la décision du Gouverneur. La création de commissions irrégulières de réception est une violation du principe de transparence en matière de réception des marchés publics et peut favoriser la réception de biens non conformes.
Violations flagrantes des normes
À en croire nos sources, la Direction Régionale du Budget de Ségou procède à des réceptions irrégulières. En effet, elle a organisé des réceptions de biens et services avant la date officielle de convocation de la commission de réception dûment créée. Ce manquement peut remettre en cause la transparence de l’exécution des marchés publics. En même temps, elle a délivré un ordre de service après réception des travaux. Aux termes du code des marchés publics, si la date de commencement d’une prestation n’est pas celle de la notification du fait d’une disposition particulière du marché, la lettre de notification devra, soit indiquer la date de commencement d’exécution de la prestation, soit préciser que cette date sera fixée ultérieurement par ordre de service. Contrairement à cette disposition, la Direction Régionale du Budget de Ségou a dans le cadre d’un marché fourni un ordre de service en date du 4 février 2016, alors que la réception du même marché a été faite le 28 décembre 2015. Ce manquement peut conduire à une exécution non conforme des prestations objet du contrat.
Également, le Contrôleur Financier n’établit pas de rapports de réception. Contrairement à la réglementation en vigueur, le rapport du Contrôleur financier n’accompagne pas les procès-verbaux de réception. Ce manquement ne donne pas une assurance quant à l’effectivité et la conformité des biens réceptionnés. La Direction Régionale du Budget de Ségou a établi des contrats de marché consécutifs à des demandes de renseignement et de prix ne comportant pas des mentions obligatoires. En effet, elle a conclu sept contrats en 2016 et cinq en 2017 qui ne renfermaient pas des mentions comme les modalités de réception des travaux ou de livraison des prestations et fournitures, les pénalités, les dates d’approbation et de notification. La conclusion de contrats ne comportant pas toutes les mentions obligatoires peut conduire à leur mauvaise exécution.
Attributions de marchés de gré-à-gré
À la Direction Régionale du Budget de Ségou, on ne procède pas à la mise en concurrence des fournisseurs. Elle n’a pas pu apporter la preuve d’une consultation entre au moins trois fournisseurs lors d’achats effectués par contrats, telles que des demandes de cotation adressées et reçues par les fournisseurs et prestataires. De plus, les factures proforma concurrentes ne figurent pas toujours dans la liasse des pièces justificatives. L’absence de mise en concurrence ne favorise pas l’économie et l’efficience dans les dépenses publiques.
La Direction Régionale du Budget de Ségou ne s’assure pas de l’exécution correcte des contrats par des consultants. Dans le cadre des travaux de surveillance et de contrôle relatifs à la réalisation des forages, les Consultants n’ont pas fourni de rapports comme l’exigent les stipulations du contrat et la Direction Régionale du Budget de Ségou ne les a pas exigés non plus. Plus grave encore, la structure ne respecte pas les modalités de paiement des contrats. Dans le cadre du paiement de quatre contrats conclus en 2015, les références bancaires qui figurent sur les contrats sont différentes de celles qui figurent sur les mandats de paiement. Le non-respect des modalités de paiement ne permet pas de s’assurer de la sincérité de la prestation.
Et nos interlocuteurs de préciser : « la Direction Régionale du Budget de Ségou a irrégulièrement inséré une mention dans les contrats et marchés consécutifs à des demandes de renseignement et de prix de cotation. L’insertion d’une mention non prévue par la réglementation remet en cause la sincérité du contrat et l’effectivité de la prestation ». Avant d’ajouter : « le Régisseur de la Direction Régionale de la Santé accepte, comme pièces justificatives d’avances faites dans le cadre de missions, des ordres de mission visés par des personnes non habilitées. En effet, il s’agit d’ordres de mission signés par le Directeur Régional de la Santé ou le Médecin-Chef en lieu et place du Chef de la circonscription administrative, comme l’exige la réglementation en vigueur ».
Toutefois, l’apposition de visa sur les documents de voyage de mission par des personnes autres que les autorités administratives compétentes ne permet pas de s’assurer de la réalité de la mission effectuée.
Selon nos sources, le Régisseur de la Direction Régionale du Budget de Ségou a admis des factures irrégulières. Pendant la période sous revue, il a accepté 33 factures d’achat ne comportant pas de numéro d’identification fiscale. Ce manquement peut mettre un doute sur la qualité du fournisseur et conséquemment sur la réalité de la dépense.
Le Régisseur de la Direction Régionale du Budget de Ségou a irrégulièrement certifié des factures. En violation de la réglementation en vigueur, il appose lui-même, en lieu et place du Comptable matières, les mentions de certification sur les factures. Cette pratique affaiblit la sincérité des achats, car le Régisseur assume deux fonctions incompatibles : le paiement de la dépense et l’attestation de la réalité de celle-ci.
Aussi, le Trésorier Payeur de Ségou justifie irrégulièrement les approvisionnements de la régie de la Direction Régionale de la Santé. Il utilise des Déclarations de Recette (DR) comme preuve d’approvisionnement de la régie alors que ces DR doivent uniquement être délivrés suite à des versements en numéraire ou par chèque d’un usager de l’administration ou encore pour justifier une compensation lors de la perception des recettes.
En bloc, de nombreuses anomalies affectent la gestion de la Direction Régionale du Budget de Ségou. Du coup, le détournement de fonds est érigé en système. Et le mot d’ordre de cette « mangecratie » reste : « bouffe et tais-toi, s’il en reste la nation pourra en bénéficier ».
La Direction Régionale du Budget de Ségou dans son histoire n’a jamais connu une telle hémorragie financière. Pire, elle n’a jamais été confiée à une personnalité, aussi controversée que Karim Fomba : pendant ces trois dernières années, les caisses ont coulé. Comme le fleuve Niger dans son lit. Et la fraude au sein de la structure dépasse l’entendement. En chiffre, la Direction Régionale du Budget de Ségou a effectué des dépenses fictives de 122,74 millions de francs CFA
Mais comment le Directeur du Budget de Ségou, Karim Fomba, a ordonné des paiements indus de 54,74 millions de nos francs pour des travaux et fournitures non entièrement exécutés ? Et comment le Régisseur du Budget a établi des fausses factures de dépenses ?
Des questions auxquelles nus donnerons des réponses dans notre prochaine parution.