Gros nuages sur les élections générales de 2013 : L’Autorité de régulation des marchés publics annule le marché des cartes NINA de 8,5 milliards attribué à la société Safran Morpho
Le marché relatif à la fourniture des cartes NINA conclu par entente direct, après un appel d’offres infructueux, par le ministère de l’Administration territoriale, de la décentralisation et de l’aménagement du territoire (MATDAT) avec la société Safran Morpho et approuvé par le conseil des ministres extraordinaire du 10 mai dernier, a été passé en violation des dispositions de l’article 65 du décret du 11 août 2008. C’est la conclusion de la décision n°13-016/ARMDS-CDR du Comité de règlement des différends de l’Autorité de régulation des marchés publics et des délégations de service public (ARMDS). Celle-ci avait été saisie, le 13 mai 2013, par la société Waymark Infotech, à travers son avocat, Me Mahamadou Traoré, qui avait introduit un recours aux fins de dire et juger irrégulière, la procédure ayant conduit à l’attribution de ce marché de plus de 8,5 milliards de FCFA. La grande interrogation est alors de savoir si le gouvernement va se soumettre à cette décision d’autant plus que le temps est compté pour les élections prochaines.
Après de nombreux scandales relatifs à l’achat et à la fourniture de véhicules pour les forces armées et de sécurité, pour les institutions de la République, l’attribution de la licence au troisième opérateur de téléphonie, le gouvernement de la transition est de nouveau au cœur d’un autre gros scandale. Celui de l’attribution du marché de la carte NINA (numéro d’identification nationale) qui est une carte d’identification pour chaque électeur. Ce juteux marché de plus de 8,5 milliards de FCFA a fait l’objet d’un appel d’offres ouvert lancé par le ministère de l’Administration du territoriale, de la décentralisation et de l’aménagement du territoire (MATDAT). Cet appel d’offres s’est révélé infructueux et le département de Moussa Sinko Coulibaly a alors passé par entente directe le marché à la société Safran Morpho avant qu’il ne soit approuvé par le gouvernement le 10 mai dernier.
C’est alors que la société Waymark Infotech a décidé d’introduire auprès du Comité de règlement des différends de l’ARMDS un recours aux fins de dire et juger irrégulière la procédure ayant conduit à l’attribution de ce marché. Par cet acte, Waymark Infotech entend dénoncer des violations du décret n°08-485/P-RM du 11 août 2008 relatif aux procédures de passation, d’exécution et de règlement des marchés publics et des délégations de service public.
C’est le 20 mai dernier, que le Comité de règlement des différends de l’ARMDS s’est penché sur le recours. Dans ses arguments, la société Waymark Infotech soutient que » l’attribution du marché à la société Safran Morpho viole l’article 17 du décret du 11 août, car la société Safran n’est en réalité que la nouvelle dénomination de Sagem Sécurité qui a fourni au Mali l’ensemble du matériel et les bases de données qui ont servi à la mise en place du système de recensement administratif à vocation d’Etat civil (RAVEC). Il y aurait donc un conflit d’intérêt « . La requérante soutient que différentes modifications ont été apportées au dossier d’appel d’offres sans avis de la DGMP et que lesdites modifications devraient faire l’objet d’un procès verbal transmis à tous les soumissionnaires 10 jours ouvrables avant la date de remise des offres.
Aussi, la société Waymark Infotech relève » la violation de l’article 42 du décret dessus-cité par le fait que le recours à tout mode de passation autre que l’appel d’offres doit être exceptionnel, justifié par l’autorité contractante et être autorisé au préalable par la DGMP. Elle soutient enfin, qu’aucun soumissionnaire n’a eu une quelconque autorisation préalable de la DGMP « .
S’y ajoute la violation de l’article 65 qui souligne qu’en cas d’appel d’offres infructueux, il est procédé, soit par un nouvel appel d’offres, soit par consultation effectuée par appels d’offres restreint d’au moins trois entrepreneurs ou fournisseurs auxquels est adressé le dossier d’appel d’offres, et dans ce dernier cas, après autorisation préalable de la DGMP. Le Directeur des finances et du matériel du MATDAT a soutenu qu’avec » l’infructuosité de l’appel d’offres ouvert, il ne pouvait recourir à un nouvel appel d’offres ou à une consultation restreinte, compte tenu de la complexité des fournitures et de la procédure de sélection des candidats sur la base des critères objectifs liés à la nature du marché ».
Considérant que le dossier de l’appel d’offres ouvert a été déclaré infructueux et que l’autorité contractante a directement fait recours à la procédure de passation par entente directe, sans qu’il y ait besoin d’examiner les autres moyens, il s’ensuit qu’il y a violation de la loi. En conséquence, l’ARMDS suspend la procédure de passation querellée et ordonne sa reprise conformément à la règlementation en vigueur. La décision a été notifiée aux parties prenantes. La seule inconnue est alors de savoir si le gouvernement obéira à cette décision dans la mesure où la confection de la carte NINA a déjà commencé et que le temps est désormais compter pour les scrutins à venir dont le plus proche est la présidentielle du 28 juillet.