Le germe de la grogne sociale prend de l’ampleur à Kéniéba à cause des problèmes d’emplois dans la mine d’or de Gounkoto. La destruction par les manifestants des nouvelles cartes d’électeur qui viennent d’être réceptionnées par la préfecture pourrait affecter l’organisation de la présidentielle du 29 Juillet 2018 dans le cercle. Le gouverneur Baye Konaté s’est rendu à Kéniéba lundi pour faire le constat et résoudre la crise.En effet, de violents affrontements ont opposé le 11 juin les éléments des forces de l’ordre à des jeunes qui manifestaient sur la place publique de Kéniéba. Il y aurait au moins un mort et plusieurs blessés, dont un grave, lors de ces manifestations qui ont paralysé la vie dans ce chef lieu de cercle de la Région de Kayes.
Les manifestants ont incendié la préfecture et le domicile du préfet. Ils s’en sont également pris à ses deux véhicules. Les maisons du 1er adjoint au préfet et du député ont aussi été incendiées. Selon des sources locales, un manifestant, dont un œil aurait été sérieusement affecté lors de la manifestation, a été évacué d’urgence sur Bamako. A la suite de cet incident, le ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation a publié un communiqué dans lequel il fait état d’un différend entre des travailleurs et la mine de SOMILO (Société minière de Loulo Goukouto) qui a abouti à des saccages d’édifices publics et destruction de cartes d’électeurs biométriques récemment envoyées. «Le département condamne avec la dernière rigueur cet acte odieux qui ne peut rester impuni», a conclu le communiqué. Comment en est-on arrivé là ? D’après certaines informations que nous avons recueillies sur place et sur les réseaux sociaux dont «Tam-Tam Tambaoura», les critères d’embauche dans la mine de Gounkoto seraient à l’origine de ce malaise social. Les jeunes de Kéniéba estiment que ces critères sont “discriminatoires”. Regroupés au sein d’une association dénommée le «Bureau communal de la jeunesse», les composantes de cette couche sociale ont déclenché un mouvement de protestation en instaurant un siège sur la mine de Gounkoto. Une manière pour eux de bloquer les activités au sein de cette mine qui appartient au complexe minier de la SOMILO-SA.
Pour mettre fin à cet état de siège, la direction de Randgold avait, pendant trois jours, tenté des négociations avec les manifestants, mais sans succès. Ces jeunes campent toujours sur leur revendication fondamentale, à avoir «la reprise automatique des jeunes qui ont effectué des stages de plusieurs mois au sein de la société». Ce bureau dénonce des pratiques «mafieuses» qui ne riment pas, selon eux, avec les principes de l’équité et de l’égalité.
Les nombreux appels du pied des autorités administratives du cercle auprès desquelles l’affaire fut déférée, n’ont pas permis de lever le siège de l’usine. Cependant, la situation allait favorablement évoluer au bénéfice des deux parties. Car l’huissier Sylvain Makan Kéita, qui avait été désigné par les jeunes comme «facilitateur», avait entrepris une médiation qui a débouché sur la levée du siège par les jeunes. Mais la société aurait demandé à Me Sylvain Makan Kéïta de faire un constat sur l’arrêt de la production. D’après les informations qui nous sont parvenues, cette société minière a aussi mis en branle une procédure de sanctions disciplinaires (suspension, demandes d’explication et interpellations) à l’encontre des responsables du bureau communal qui ont été employés par la mine.
Frustrés par la tournure des événements, les jeunes auraient multiplié les rencontres avec les autorités communales et les leaders traditionnels afin d’éviter que la contestation ne dégénère en violences. C’est ainsi qu’ils se seraient rendus auprès du préfet pour lui demander d’agir afin de trouver une issue favorable à la crise. Mais celui-ci, visiblement choqué par le caractère extrémiste de certains jeunes, leur oppose une fin de non-recevoir. Tout serait parti de cette entrevue qui aurait mis le feu aux poudres. Certains n’arrivent pas à comprendre le «mutisme» des autorités locales face aux sanctions infligées aux jeunes par la mine de Gounkoto.
A Kayes, la nouvelle est tombée comme un couperet. «C’est regrettable. On est en train de brûler à Kéniéba. La préfecture a été attaquée. Des cartes d’électeurs ont été brûlées. On ne connait rien par rapport aux motivations des jeunes», a commenté Siné Dembélé, conseiller aux affaires administratives et judiciaires du gouverneur de la Région de Kayes, sous le coup de l’émotion.
Bandé M. SISSOKO
AMAP-Kayes
Moussa F. SISSOKO
AMAP-Kéniéba