Le Président français, François Hollande, au cours d’une conférence de presse tenue le jeudi 16 mai 2013, a clairement affiché sa volonté d’installer l’administration à Kidal avant l’élection présidentielle prévue le 28 juillet. Le désarmement des groupes armés interviendra plus tard, dans le cadre d’un processus de dialogue et de réconciliation avec des autorités légitimes issues des élections.
Pour ce qui est de la présidentielle, le président Hollande est clair et net : « Je suis attaché à ce que les élections se tiennent à la date prévue (…). Pour y parvenir, nous devons assurer que sur l’ensemble du territoire, il puisse y avoir l’organisation du scrutin, pour qu’il ne soit pas contesté ». Le locataire de l’Élysée de réaffirmer la disponibilité de Paris « à accompagner l’administration civile malienne à Kidal pour qu’elle organise des élections », mais souhaite fortement « qu’il y ait un dialogue politique entre les autorités maliennes et ce mouvement (Ndlr : le MNLA) de façon à ce que les élections puissent se tenir à la date prévue… Quoi qu’il arrive, nous assurerons nous-même, j’en pris ici l’engagement, le fait que les Maliens puissent voter partout, sous contrôle de l’administration civile ».
Feuille de route
La feuille de route est on peut plus clair. Le message est reçu cinq sur cinq à Koulouba. Le mardi 14 mai 2013 déjà, le président intérimaire Dioncounda Traoré rassurait la Communauté internationale en affirmant qu’il « ferait tout » pour que le premier tour de l’élection présidentielle se tienne le 28 juillet. Pour lui, « le Mali est confronté à une somme de problèmes extrêmement profonds, et qu’une transition ne peut pas régler. Plus tôt la transition prendra fin, plus tôt les vrais problèmes seront pris en charge. Ce n’est qu’un gouvernement issu d’élections, disposant de plus de légitimité et de temps, qui peut s’occuper du développement du pays ». Quid du dialogue ?
La principale difficulté pour organiser le scrutin présidentiel sur l’ensemble du territoire est la revendication portée par le MNLA relative à une large autonomie pour la région de Kidal.
Interviewé sur le sujet par Euronews le jeudi 16 mai 2013, en marge de la conférence des donateurs qui s’est tenue la veille, après la conférence de François Hollande, le président Dioncounda acquiesce : « Nous sommes obligés de parler avec le MNLA, de dialoguer avec eux, parce que ce sont des compatriotes, des Maliens et dès lors que nous parlons d’intégrité territoriale et d’unité nationale, par définition, nous sommes obligés de parler avec tous les Maliens, de dialoguer avec tous les Maliens ».
Toutefois, en patriote, le président Dioncounda Traoré fixe le cadre du futur dialogue avec les groupes armés qui occupent Kidal : « Ceux qui sont à Kidal, qui s’intitulent aujourd’hui MNLA – nous sommes conscients que sous le signe MNLA aujourd’hui, il y a bien plus que le MNLA originel, il y a des transfuges d’Ansar Dine – mais pour peu qu’ils renoncent à leurs velléités indépendantistes, qu’ils s’engagent à respecter la laïcité de l’État, qu’ils s’engagent également dans le processus électoral, nous sommes prêts à parler avec eux sur toutes les autres questions qui peuvent les intéresser ». L’État est-il prêt à concéder l’autonomie aux rebelles ? Dioncounda est intraitable sur la question : c’est non, « Nous n’allons pas jusque-là, nous pensons que dans notre processus de décentralisation, existent tous les éléments pour régler la question du Nord. Si la décentralisation est mise en œuvre correctement, tout le monde y trouvera son compte ».
Mission éclaire
Le président intérimaire Dioncounda Traoré nomme, le 13 mai 2013, l’ancien ministre Tiébilé Dramé, comme Conseiller spécial du président intérimaire. Sa mission : établir les contacts avec tous les groupes armés (le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et le Mouvement islamique de l’Azawad (MIA), mais aussi le Mouvement arabe de l’Azawad (MAA), qui sévit dans la région de Tombouctou, et les milices d’autodéfense Gandakoye et Gandaïso) en vue de créer un environnement sain pour permettre la tenue de l’élection présidentielle sur toute l’étendue du territoire national. Il s’agit pour le président du Parena d’aboutir à un compromis avec les groupes armés et, en tout premier lieu, avec les rebelles touaregs du MNLA, pour permettre la tenue des élections sur tout le territoire, et en particulier à Kidal où le MNLA refuse jusqu’à maintenant le retour de l’administration et de l’armée malienne.
Pour mener à bien sa mission, d’une part, il souhaite en même temps rester candidat de son parti pour la présidentielle prévue en juillet ; et d’autre part, il cherche et obtient carte blanche : il est l’interlocuteur et le passage obligé des initiatives diplomatiques menées par les multiples médiations régionales et internationales. En clair, le président malien entend obtenir que les diverses médiations, celles de la Cédéao, de l’Union africaine ou encore des Nations unies, n’opèrent plus chacune dans leur coin, mais en synergie avec Tiebilé Dramé.
Dans un courrier adressé à la même date à Ban Ki-moon, le secrétaire général de l’ONU, le président Dioncounda Traoré insiste sur le fait que son conseiller est le « point focal » de toutes les initiatives en faveur de la paix dans le Nord.
En fin diplomate, Tiébilé Dramé utilisera à bon escient cette carte en faisant le tour des palais présidentiels, histoire de ménager les susceptibilités.
Accord a minima
La négociation démarre le 7 juin 2013 avec trois jours de retard et très vite, les questions sécuritaires suscitent des frictions. Bamako veut un désarmement du MNLA dès l’entrée de ses troupes à Kidal. Les rebelles touaregs exigent la suspension des poursuites judiciaires à l’encontre de certains de leurs membres. Bras de fer, blocage. Djibril Bassolé, le ministre des Affaires étrangères burkinabè se rend à Bamako le 12 juin, accompagné des représentants de la communauté internationale pour convaincre le président malien que le désarmement est un processus de longue haleine.
Après une série de versions corrigées, les deux délégations finissent par s’entendre sur un texte. Mais le président malien exige alors de nouvelles modifications. Lundi, les présidents François Hollande et Alassane Ouatarra calment le jeu en s’entretenant par téléphone avec Dioncounda Traoré.
Au terme de moins de deux semaines de ballet diplomatique, l’affaire est dans le sac. L’accord préliminaire suggéré pour ne pas dire souhaité par la France et la Communauté internationale est ficelé.
Le lundi 17 juin au matin, coup de tonnerre dans tous les hôtels : le Coordinateur du MAA, l’avocat Malanïne Ould Badi, membre de la communauté berrabiche, était décédé dans la nuit. Selon les membres de sa délégation, après la suspension des travaux tard dans la soirée de dimanche, il s’est senti mal et s’est fait délivrer des produits contre la « fatigue » par une pharmacie avant d’aller se coucher. Vers 4 heures du matin, suite à des douleurs à la poitrine, il a alerté ses compagnons, qui l’ont amené à l’hôpital où il est décédé vers 5 heures du matin d’un infarctus.
Cet activiste de la communauté arabe malienne, qui résidait à Nouakchott (Mauritanie) a occupé, entre autres, les fonctions de Secrétaire général du Front islamique arabe de l’Azawad (FIAA), puis de Secrétaire général du Comité de transition pour le salut du peuple (CTSP) sous la Transition. Dans la matinée, toutes les délégations, de même que les membres de la Commission de médiation, se sont rendus à l’hôtel où les représentants du MAA résidaient pour présenter leurs condoléances.
Mardi 18 juin au matin, le chronogramme se clarifie : la signature solennelle de l’accord se déroulera en deux temps à la Présidence du Faso à partir de 16 heures 30, après une dernière rencontre de Médiation – Délégation du Mali – Commission conjointe HCUA – MNLA à l’hôtel Laïco. Sur les coups de midi, Tiébilé Dramé rencontre les leaders de la Coordination MAA – CMFPR, auxquels, après un petit speech introductif, il remet deux copies de la version finale de l’accord, qu’ils seront, s’ils estiment qu’il prend suffisamment en compte leurs préoccupations, appelés à signer.
Le Médiateur Blaise Compaoré, le Mali, représenté par le ministre Moussa Sinko Coulibaly (en l’absence de son homologue de la Défense), les membres de la Commission de Médiation et la Commission HCUA – MNLA (représentée par Bilal Ag Chérif et Alghabass Ag Intallah) apposeront tout d’abord leurs signatures sur le document au cours d’une première cérémonie.
Le triomphe et l’emphase
Il est signé à Ouagadougou le mardi 18 juin 2013.
C’est en triomphateur que, de retour de Ouaga, que le négociateur en Chef, l’émissaire du président de la République, Tiébilé Dramé, s’invite devant la presse à l’hôtel de l’Amitié pour magnifier son exclamant succès. Non sans arrière-pensée électoraliste. Car, grâce à lui, la présidentielle se tiendra.
C’est donc installé dans une posture de sauveur de la Nation que Tiébilé Dramé entame son « one man show » en fustigeant au passage une certaine « campagne de sabotage » : « Si l’on veut comprendre les accords signés à Ouagadougou, il faut se rappeler qu’on vient de très loin. Des enfants du pays se sont révoltés pour prendre des armes et se mettre contre le pays et dire qu’ils ne sont pas des Maliens. Après, d’autres personnes s’y sont ajoutées pour chasser l’Administration. Aujourd’hui, tout le monde est d’accord sur l’intégrité territoriale. Ils seront cantonnés et désarmés ».
Le négociateur en chef de l’État du Mali, Tiéblé Dramé, qui a vivement salué la mobilisation exceptionnelle de la communauté internationale autour de notre pays expliquera que les autorités de la transition ont négocié au mieux à Ouagadougou.
« J’ai entendu beaucoup de choses. Que le Mali est sous tutelle, que notre armée est sous tutelle… Je crois qu’il est important de calmer le jeu, de calmer la situation, car notre pays revient de très loin, d’une situation très difficile. Nul n’a le droit, il me semble, de contribuer à le remuer davantage ». Pour le conférencier, l’accord de Ouagadougou permettra de « ramener le calme au Mali ».
Pour Tiéblé Dramé, le plus important acquis de l’accord est que toutes les parties soient d’accord sur le fait que Kidal soit une partie du Mali. « Mêmes ceux qui avaient cru que Kidal n’était pas au Mali, acceptent que Kidal est au Mali. Alors, au lieu d’applaudir ça, je lis que c’est les accords de la honte. Où est la honte ici ? »
Dans son explication de texte, Tiébilé Dramé fait dans la nuance : « Certains ont écrit que l’accord prévoit la réintégration des groupes armés. Il n’en a jamais été question au cours des discussions à Ouagadougou… Les mots ont leur sens dans votre langue de journaliste. Il s’agit de trouver des activités économiques pour eux. Nos experts y travaillent d’arrache-pied, croyez-moi, ils ont une conscience aigüe de l’importance et de l’urgence de toutes ces questions, de l’attente du peuple malien, de l’attente des pouvoirs publics maliens, de l’attente de la communauté internationale. Et nous y avons des officiers de très grande valeur qui vont y travailler ».
Que dit l’Accord ?
Aux termes de l’Accord préliminaire, les deux camps se sont engagés à observer un cessez-le-feu et stopper toutes formes d’hostilités dès la signature du traité. Ce sont les articles 4 et 5 de l’accord. Autre élément important, l’armée malienne – notamment les soldats postés à Anéfis – et les combattants des groupes armés n’ont plus le droit, pour le moment, de se déplacer.
Les conditions du redéploiement des militaires maliens et le cantonnement des combattants du Mouvement national de libération de l’Azawad (Mnla) et du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (Hcua) seront normalement discutés le lendemain, mercredi, 19 juin, à Ouagadougou.
a) Gérer l’urgence et permettre des élections
Cet accord contient deux parties, deux phases distinctes. La première, gérer l’urgence et permettre la tenue de l’élection présidentielle à Kidal, mais aussi dans toutes les régions du Nord dans un environnement sécuritaire stable. Donc, il faut aller vite, car le premier tour du scrutin est toujours prévu le 28 juillet prochain.
Pour y arriver, il est prévu qu’une commission mixte, comprenant quatre membres de l’armée et quatre autres des groupes du Nord, se mette immédiatement au travail pour définir les conditions et le calendrier d’un retour de l’armée et de l’administration dès la signature de l’accord. Les Nations unies, l’armée française et la Minusma sont également représentées dans cette commission. Leur rôle : encadrer le processus sécuritaire qui s’engage pour éviter toute reprise des hostilités.
b) Cessez-le-feu
Ce processus prévoit un cessez-le-feu immédiat, un cantonnement des combattants et un redéploiement en parallèle des forces de sécurité du Mali et des membres de l’administration capables d’organiser le scrutin présidentiel.
Bamako a dû renoncer à son exigence d’un désarmement immédiat des combattants touaregs à Kidal. Le MNLA a dû, lui, accepter le déploiement de l’armée à Kidal. Cette controverse a sans doute été l’obstacle le plus difficile à franchir.
Autre point de friction, le gouvernement malien s’opposait à ce que le mot Azawad, figure dans l’accord. Il n’a pas eu gain de cause. La délégation du MNLA et du HCUA qui réclamait que des poursuites judiciaires contre certains de ses membres soient suspendues n’a pas, de son côté, obtenu satisfaction.
c) Dialogue inclusif
La seconde phase du dialogue viendra dans 60 jours après la présidentielle. Le nouveau chef d’État du Mali devra organiser des pourparlers plus consistants, notamment pour définir le statut administratif de l’Azawad et les stratégies de développement de la zone. Pour garantir le suivi et le respect de son application, les Nations unies, l’Union africaine et l’Union européenne sont signataires de l’accord.
Candidat sur le petit nuage
Négociateur en chef, émissaire du président, Tiébilé Dramé est sur son petit nuage, savourant son quart d’heure de gloire médiatique et slaloment entre conférence de presse, interviews et réceptions. Approché le vendredi 21 juin 2013 par notre confrère français, l’Express, Tiébilé Dramé confirme qu’il est candidat à l’élection présidentielle, non sans fanfaronnade : « Je suis officiellement candidat, car je pense être le seul en mesure de recoudre le tissu national du Mali qui a été profondément déchiré par la grave crise que nous avons traversée, depuis un an et demi ».
Rappelons qu’il a été, à deux reprises, candidat à l’élection présidentielle, en 2002 et en 2007. Il était arrivé respectivement en quatrième position (4,02 % des voix) puis en troisième position (3,04 %).
Le président du Parti pour la renaissance nationale (Parena), Tiebilé Dramé, est candidat à l’élection présidentielle du 28 juillet 2013. L’annonce a été faite à la presse par le secrétaire général du parti, Djiguiba Kéita dit PPR, le samedi 29 juin 2013, au siège de la formation à Bolibana, rue Sundiata. Il a rempli les formalités de sa candidature devant la Cour constitutionnelle, le vendredi 28 juin 2013.
C’est un mouvement populaire qui portera la candidature de Tiebilé Dramé, président du Parti pour la renaissance nationale, à l’élection présidentielle de 2013. Il s’agit de l’Alliance populaire pour la renaissance du MALIBA (ou MALI BER). Il s’agit d’un « regroupement composé du PARENA, mais aussi de plusieurs associations et personnalités de toutes les régions et communautés du Mali qui croient aux qualités d’homme d’État, à l’engagement patriotique, au courage et à la clairvoyance politique de M. Dramé, selon PPR.
Prétexte, Kidal
Le lundi 8 juillet 2013, le candidat de l’Alliance populaire pour la renaissance Maliba, Tiebilé Dramé, par le biais de son avocat, Me Amidou Diabaté, a déposé une « requête aux fins d’annulation du décret portant convocation du collège électoral, ouverture et clôture de la campagne électorale à l’occasion de l’élection du président de la république (convoqué par un décret du 27 mai 2013) ».
Sa requête du 8 juillet 2013 devant la Cour constitutionnelle visait en réalité une demande de report de l’élection présidentielle du 28 juillet. En effet, pour Tiébilé Dramé, les conditions n’étant pas réunies pour des élections régulières, transparentes et crédibles. Il protestait à la fois, contre le fait que des milliers de Maliens, faute d’être pris en compte par les listes électorales, seront spoliés de leur droit de vote, et la marginalisation de la région de Kidal, qui est restée jusque-là sans administration et donc sans listes électorales.
Si la Cour constitutionnelle annule le décret, l’élection présidentielle du 28 juillet sera reportée à une date ultérieure, un report qui devra être mis à profit par les organisateurs du scrutin pour revoir leur copie.
La période du 5 au 25 juin, qui a été consacrée à l’établissement de nouvelles listes par les commissions administratives dans les communes, ambassades et consulats, n’a pas permis d’établir les listes électorales de Kidal, faute de la présence de l’administration dans cette région. À la date du 8 juillet, la mise en œuvre de l’Accord préliminaire à l’élection présidentielle et aux pourparlers inclusifs de paix au Mali, signé à Ouagadougou le 18 juin, n’est pas effective. En conséquence, l’Administration, en l’occurrence les Préfets, chargée de l’établissement des listes électorales, n’est toujours pas présente dans les onze communes de la région de Kidal : Abeïbara, Boghassa, Tinzawatène, Anéfif, Essouk, Kidal, Adjelhoc, Tessalit, Timtaghene, Intadjedite, Tin-Essako. Selon Me Amidou Dibaté, conseil du candidat Tiebilé Dramé, dans ces communes, aucune liste électorale n’a été établie à la date du 8 juillet dans les onze communes de la région de Kidal, alors qu’elle fait partie intégrante du territoire national. « Faire les élections sans la région de Kidal revient à priver toutes les populations de cette région de leur droit constitutionnel de vote à l’élection présidentielle, scrutin du 28 Juillet », argumente l’avocat.
3 mois de report demandé
Approché par notre Cherif Ouazani de confrère Jeune Afrique, 12 juillet 2013, Tiébilé Dramé attaque les autorités de la transition et charge les autorités françaises :
« Des efforts soutenus par la communauté internationale ont permis d’aboutir à un accord préliminaire pour la tenue de la présidentielle. Ils ont été ruinés par l’entêtement des autorités de la transition à maintenir, coûte que coûte, le calendrier d’une élection, dont les conditions sont pour le moins bancales, car illégales. La précipitation mène au bricolage. Un report de trois mois, un temps envisagé en haut lieu, aurait suffi pour se mettre en conformité avec les textes. L’idée a fait long feu. Au lendemain de la saisine de la Cour constitutionnelle par mes soins, le président Diouncounda Traoré a réuni les 28 candidats ou leurs représentants. Il a reconnu que le processus était bancal, mais il a tout de même maintenu la convocation du corps électoral pour le 28 juillet.
Pourquoi, selon vous, le président Traoré et son gouvernement sont si pressés d’organiser cette élection ?
Ils ne sont pas pressés, ils sont sous pression. La communauté internationale, particulièrement la France, exige que le premier tour du scrutin se tienne en juillet. Plus grave : je constate que le chef de la diplomatie française est devenu notre Directeur général des élections (DGE) quand il parle du vote des réfugiés, celui des déplacés et celui de la diaspora. Je ne savais pas que Laurent Fabius avait été nommé par le président Traoré à la place du général Siaka Sangaré ».
Jet d’éponge
Conscient que son argumentaire est un peu tiré par les cheveux, sinon cousu de fil blanc, le candidat de l’Alliance populaire pour la renaissance nationale, Tiebilé Dramé, organise une conférence de presse, le mercredi 17 juillet 2013, au siège du Parena, pour annoncer la plainte qu’il avait déposée auprès de la Cour constitutionnelle aux fins d’annulation du décret de convocation du collège électoral pour la tenue de la présidentielle du 28 juillet et son retrait de la course.
Le Parena reste, selon son président, « convaincu que les conditions sont loin d’être réunies pour la tenue d’une élection présidentielle régulière et crédible sur toute l’étendue du territoire national, le 28 juillet. En dehors d’opérations de communication et de marketing, le retour de l’État dans les cercles et communes des régions du Nord, à Kidal, en particulier, est loin d’être effectif ».
« Compte tenu de toutes ces raisons, nous maintenons, pour ce qui nous concerne, que les conditions d’une élection régulière, crédible et transparente ne sont pas réunies pour le 28 juillet. Nous avons saisi la Cour en espérant qu’elle aurait l’occasion de se prononcer avec les arguments importants que nous avons mis sur la table. La cour n’ayant pas répondu, nous avons retiré notre plainte, et j’ai retiré ma candidature à l’élection présidentielle. Le processus suivra son cours, telle est la détermination des pouvoirs publics de transition du Mali et de la communauté internationale. Nous n’avons pas confiance à un processus électoral bâclé, conduit dans l’autisme. Toutefois, nous ne ferons rien pour gêner ce processus. Nous souhaitons bon vent à ceux qui le conduisent dans la précipitation et l’aveuglement ».
Pour celui qui a œuvré pour la tenue de ces élections, «vouloir maintenir la date du 28 juillet, c’est priver de nombreux Maliens de leur droit» de vote.
Rappelons que Tiébilé Dramé avait officiellement demandé le 8 juillet à la Cour constitutionnelle un report du scrutin, faisant valoir en particulier l’impréparation du vote à Kidal, mais la Cour ne s’est pas encore prononcée à onze jours du premier tour.
Vraies raisons d’un retrait
Que Dioncounda reconnaisse que l’élection ne serait pas «parfaite, encore moins dans un pays en sortie de crise ne peut être qu’un exutoire pour un homme qui croyait tout gagner avec son parchemin de Ouaga. Mais en fait, Tiébilé Dramé n’était pas prêt.
L’analyse de notre confrère Jean-Pierre BEJOT de La Dépêche Diplomatique (Tiébilé Dramé, l’homme qui voulait gagner du temps, jette une nouvelle fois l’éponge) cadre le mieux avec l’état d’esprit et les remords du candidat qui signe forfait. Nous vous proposons quelques extraits :
« Au lendemain de « l’accord préliminaire », la première étape s’imposait à tous : le dimanche 28 juillet 2013. C’était une décision de la présidence de la République du Mali, du Premier ministre et de l’Assemblée nationale malienne que d’organiser, rapidement, la présidentielle.
Initialement, on avait parlé du dimanche 7 juillet 2013. François Hollande, qui a joué sa crédibilité présidentielle dans la mise en œuvre de l’opération « Serval », prononcera le jeudi 28 mars 2013, lors de son intervention télévisée sur France 2, trois mots qui vont rudement sonner aux oreilles de Dramé : « Nous serons intraitables » pour ce qui concerne la tenue de la présidentielle. Pour justifier son retrait de la compétition électorale, M. Dramé va dénoncer « le fétichisme autour de la date du 28 juillet », des « élections coûte que coûte, des élections bâclées ». « Le Mali est-il une république bananière tropicale où toutes les pratiques sont possibles », s’est-il interrogé sur RFI ?
Il aurait dû se poser la question avant que le pays ne sombre dans le plus total chaos dont il a été extirpé par l’intervention militaire française, le 11 janvier 2013 ; aujourd’hui, la réponse s’impose d’elle-même : oui le Mali est une république bananière tropicale et c’est justement pour sortir de ce… régime qu’une présidentielle est organisée. Si le Mali avait été capable de l’organiser dans des conditions de pleine souveraineté, cela se serait fait en 2012. M. Dramé n’est-il le leader du Parena, une des formations politiques majeures au Mali ? N’avait-il pas dit, le samedi 23 février 2013, à l’occasion d’une journée organisée par les jeunes du Parena sur le thème : « Les crises sécuritaire et institutionnelle au Mali : quelles perspectives ? » : « Pouvons-nous nous permettre de nous comporter comme si rien ne s’était passé dans ce pays en 2012 ? Comme si le 22-mars n’avait pas eu lieu ? Pouvons-nous aller aux élections comme par le passé, alors que les enfants des autres viennent mourir pour notre liberté et notre dignité ? ». À situation exceptionnelle, élection exceptionnelle.
Reste à savoir à quel jeu Dramé entend jouer désormais. Le gendre d’Alpha Oumar Konaré* (cf. LDD Mali 078 à 080/Lundi 20 à Mercredi 22 mai 2013) a été candidat à la présidentielle de juin 2002 ; il a terminé à la quatrième place derrière ATT, Soumaïla Cissé et Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) et au second tour, a soutenu ATT ; il va remettre le couvert en 2007 et arrivera, cette fois, en troisième position derrière ATT (qui l’a emporté dès le premier tour) et IBK, mais avec seulement à peine plus de 3 % des voix.
Cette année, il le dit désormais clairement, c’est le candidat de l’Élysée qui va l’emporter. Ce n’était pas lui ; et c’est pour cela qu’il s’est retiré de la compétition. Mais pour quoi faire ? Pour prendre la tête d’un front « anti-français » ? »
Le deal anti-IBK
Le candidat du Parena reprochera, sans aller trop loin, aux autorités de la Transition d’être sous pression et à la France de bafouer la dignité du Mali : « Je pense qu’on peut aider un pays sans s’immiscer dans ses affaires», a-t-il estimé. «Nous sommes reconnaissants à la France pour ce qu’elle a fait pour nous, mais on peut aider un pays à se libérer sans toucher à sa dignité ». La vérité de sa fronde, c’est qu’il se considérait comme l’élu de France. Et pour ne l’avoir pas été, il a fait la fronde… Une autre vérité, Tiébilé avait peur d’être devancé par des candidats comme Me Tall ou Konimba Sidibé.
Ces amertumes et rancœurs expliqueront le radicalisme de position contre celui qu’il pense avoir été choisi à sa place pour recoudre le tissu social du Mali par le Peuple (et par la France). Il se trouvera, dans ce combat, un allié à la rancune tenace.
En effet, contrairement à sa déclaration sur RFI au lendemain de son retrait de la course et sa décision de ne pas donner de consigne de vote et de ne pas appeler au boycott du scrutin, Tiébilé Dramé avait appelé discrètement son parti et ses alliés à voter pour le candidat de l’Union pour la République et la démocratie (URD), Soumaïla Cissé.
C’est pour le remercier que ce dernier a effectué le mardi 6 août 2013 une visite de courtoisie au siège du Parti pour la renaissance nationale (PARENA) lors de laquelle il a salué son président Tiébilé Dramé et ses camarades ainsi que toutes les autres formations politiques qui lui ont témoigné leurs soutiens : « Merci, Tiébilé de tenir parole. C’est un acte courageux et responsable. J’ai travaillé avec Tiébilé Dramé dans le même gouvernement, c’est un homme exceptionnel, de foi et de conviction. Le Fdr lui doit beaucoup….Nous avons de l’or dans notre camp, car il y a Dramé, Iba N’Diaye, Bittar, Modibo Sidibé, Amadou Koïta, Fatoumata Siré, etc. Ce n’est pas la quantité qui compte, mais la qualité. Nous allons réussir, je vous le promets, car nous sommes des républicains… Nous allons défendre une armée républicaine. Nous respectons les autorités religieuses. Je suis issu d’une famille maraboutique… »
Lui rendant la politesse, ou lui faisant déjà allégeance, le président du PARENA dira, ce mardi 6 août 2013, au siège de son parti : « nous sommes totalement d’accord avec le candidat Soumaïla Cissé qui a dit, vendredi 2 août : que « l’arbre de la participation ne doit pas cacher la forêt de l’impréparation, de la mauvaise organisation et de la fraude. Au Parena, nous pensons très sincèrement qu’au vu des données du 2e tour, Soumaïla Cissé est celui qui est à même de relever les défis auxquels le pays sera confronté au lendemain de l’élection présidentielle… Le Mali a besoin d’un leadership moderne, celui de Soumaïla Cissé. Par conséquent, nous lançons un vibrant appel aux Maliens de l’intérieur et de l’extérieur, aux réfugiés dans les pays voisins de voter massivement pour Soumaïla Cissé, le 11 août 2013».
Comme s’il avait oublié qu’il avait dit à nos confrères de L’express, le vendredi 21 juin 2013, qu’il était, lui Tiébilé, « le seul en mesure de recoudre le tissu national du Mali qui a été profondément déchiré par la grave crise que nous traversons, depuis un an et demi » !
En froid à l’époque avec le Chérif de Nioro, Tiébilé Dramé laissera son hôte du jour cancaner sur le leader religieux qui a ”pris cause et effet” pour son challenger IBK du Rassemblement pour le Mali (RPM) :”Une fois élu président de la république, contrairement à ce qu’on dit, je ne vais pas le (le chérif) chasser du Mali (…)” et proférer des menaces contre l’adversaire : « Je dis à mon grand frère et ses partisans, sachez raison garder, sinon je vais parler (..). J’ai été ministre des Finances (…) Nos pères (le mien et celui d’IBK) ont étudié ensemble à William-Pointy (..), c’est pourquoi j’ai toujours gardé un ton courtois (..), mais si celui qui devait me conseiller se livre (..), je vais donc soigner le mal. Et je vais le soigner très bien ».
Un pacte secret anti-IBK est-il né depuis le mois de juillet 2013 entre Tiébilé Dramé et Soumaila ? Depuis, qu’ont-ils entrepris pour fragiliser le président et le pays par leurs discours et leurs agissements haineux ?
Un autre chapitre certainement à lire dans nos colonnes !
Affaire à suivre