"Tout le Mali risque ainsi de sombrer bientôt dans l’obscurantisme et la violence", craint Nicolas Rousseau, poète, essayiste et chroniqueur. Découvrez son point de vue: comme d’autres personnalités locales, nous l’invitons à s’exprimer régulièrement sur des sujets d’actualité.
C’était un beau pays; certes encore peu développé, mais avec une population dynamique, certes fier de ses luttes contre le colonialisme, mais peu rancunier. Ses habitants y pratiquaient un islam tolérant, parfois métissé de croyances animistes, les femmes s’y promenaient la tête nue et les épaules découvertes, des airs de musique y résonnaient partout.
Les touristes partaient sans crainte à la découverte de ses splendides paysages de savanes, de falaises et de rivières. Ils contribuaient ainsi à l’essor d’une petite économie locale, employés d’hôtels, guides, vendeurs d’artisanat, tenanciers de campements.
Mais depuis plusieurs années déjà, le pays a commencé à se fracturer; programmes de restrictions budgétaires, corruption, tendances sécessionnistes. Les services publics se sont délités, les conflits entre éleveurs et agriculteurs se sont rallumés, le coût de la vie a augmenté, sans parler du réchauffement climatique, qui a accentué la désertification.
Sont alors arrivés les prêcheurs islamistes. Vous manquez du nécessaire? Venez vous ravitailler et vous soigner gratuitement chez nous! Vos enfants ne peuvent plus se former valablement? Envoyez-les à l’école coranique! Vous souffrez? Redoublez de foi! Et les mosquées en béton ont poussé partout, et les femmes se sont couvertes, et certains jeunes gens ont pris les armes pour combattre les Occidentaux et leurs alliés locaux, jugés responsables du marasme général.
L’armée française a certes permis de limiter la contagion, mais le mal était déjà fait. Depuis 2013, la précarité et l’insécurité progressent, le gouvernement ne parvient plus à asseoir son autorité, et tout cela renforce encore cette propagande salafiste alimentée par ces monarchies du Golfe que par ailleurs la France cajole! Tout le Mali risque ainsi de sombrer bientôt dans l’obscurantisme et la violence; je crains même que demain, toute l’Afrique subsaharienne ne connaisse la même dérive, avec un flot accru de réfugiés cherchant leur salut en Europe.