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Mali 2018 : les enjeux électoraux du changement de leadership (1ère partie)
Publié le jeudi 21 juin 2018  |  Le Pays
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A quelques intervalles des élections présidentielles du 29 juillet 2018, le peuple Malien semble très embarrassé pour le choix de son futur président de la république. Le bilan très controversé du président sortant, IBK (Ibrahim Boubacar Keita) reste néanmoins sans appel. Les observateurs extérieurs et intérieurs sont unanimes, qu’aucune de ses promesses de campagne de 2013 n’a été réalisée, et par surcroit la situation sécuritaire et les conditions de vie des populations se sont considérablement dégradées au cours des cinq années de son mandat.

La logique politique voudrait que dans une telle situation de désaveu, qu’il reconnaisse son échec, accepte de présenter solennellement ses excuses au peuple malien, et doit déclarer qu’il ne briguera pas un second terme. L’histoire retiendra toujours les actes de grandeur posés par les hommes d’état. Dans le cas d’espèce du Mali, l’atmosphère de précampagne qui prévaut, laisse croire que lecture de conscience du tenant du fauteuil présidentiel, serait à l’antipode d’une telle attitude de la morale politique et pour cause en sa qualité de politicien futé, il ne désarçonne pas et continue à multiplier les tours de malice pour piéger, menacer , écraser ou fourvoyer tous les prétendants potentiels à la magistrature suprême de l’état du Mali.

L’hésitation, les dissensions, la dispersion des fronts du combat pour l’alternance, et l’argumentaire peu agressif du pôle politique de l’opposition sont exploités par le régime RPM pour leurrer le peuple malien, et lui faire croire qu’il peut encore relever le défi de la reconstruction du Mali, si ce dernier lui accordait une fois de plus sa confiance lors des élections du 29 juillet 2018. Depuis un demi-siècle, le Mali n’a jamais atteint un tel niveau de désespoir économique, social, politique et existentiel. L’impopularité du président de la république est indéniable, même à l’intérieur de son propre camp de convention de la mouvance présidentielle.

Il vient d’être lâché en pleine fièvre de préparation de campagne électorale par ses alliés d’hier comme les partis ADEMA, CNID FASO YIRIWATON, MPR, YELEMA, CODEM, PDES, les associations patriotiques et j’en passe. Tous les partisans sincères du mouvement démocratique du 26 mars 1991, ont admis les uns après les autres que le régime RPM/IBK (Rassemblent du peuple Malien) a trahi l’idéologie citoyenne sociale-démocrate, et les vertus républicaines aux noms desquelles des centaines de vies de maliens ont été sacrifiées. Est-ce à dire qu’entretemps leurs convictions doctrinales ont temporairement relégué leurs intérêts matériels dans les oubliettes après l’évaluation négative du bilan de son quinquennat.

Les indicateurs de référence de la faible performance du régime sont : l’escalade de l’insécurité liée au terrorisme djihadiste, la dégradation continuelle du cadre de vie des populations, la corruption du leadership national, les grèves incessantes de syndicats de travailleurs, l’inaptitude des forces armées et sécurité, la perte de l’autorité d’Etat. Par ailleurs, le rouleau compresseur des partis issus de cette époque, qui faisait tourner la machine du pouvoir d’IBK depuis 2013, se serait donc effondré. Si c’est bien le cas, le champ de l’alternance du pouvoir ne sera plus miné, chaque citoyen pourra librement y apporter sa contribution, et l’assiduité de veille électorale déterminera les résultats des élections prochaines du 29 juillet 2018.

Le Mali sous la gouvernance D’IBK a perdu sa souveraineté, son unité nationale, sa dignité dans l’arène des nations, et sa belle tradition de havre de paix et de concorde interethnique. Les rats n’ont à présent d’autre choix que fuir en masse le bateau RPM en naufrage. Le cycle de domination des régimes nés de la révolution du 26 mars 1991 a atteint son seuil d’extinction et de désespoir, à cause de la mauvaise gouvernance, l’impunité, et l’absence de vision progressiste de transformation de la société, dont leurs leaders se sont rendus coupables. Et pourtant, ils ont tous bénéficié d’une opportunité historique inouïe, et de la confiance totale de la nation, pour démontrer sans prendre de risque, les preuves de leur volonté de reconstruction des chantiers du Mali.

Malheureusement ils ont tous lamentablement échoué les uns après les autres. Force est de reconnaitre, qu’après tant d’années d’exercice erroné de la démocratie de 1991 à 2018, le changement de leadership s’est imposé logiquement au Peuple Malien, comme un instinct naturel de survie. Les maliens ne sauraient davantage tolérer de se faire humilier et piétiner par un régime qui a consacré la division du territoire, l’écroulement des institutions étatiques, l’insécurité liée au terrorisme djihadiste, la précarité de vie des populations, l’injustice au sein des structures de l’Etat, et la perte de crédibilité du pouvoir gouvernemental. L’alerte de détresse et les encouragements lancés par le collectif de Défense de la République CDR, ont été entendus jusque dans les confins des villes, des campagnes du Mali, et dans les pays d’accueil des maliens. « BOUA KA BLA, BOUA DECERA, BOUA MOGO TE IBOLO ».

Les slogans sont suivis avec beaucoup d’intérêts par toutes les couches de la population malienne. La révolution pacifique du front pour le changement en ébullition, est rentrée dans sa phase de propagation rapide sur toute l’étendue du territoire national et de la diaspora. Le peuple malien est désormais plus que jamais déterminé à se battre, pour changer de leadership, innover son système de gouvernance, et empêcher à ses représentants au parcours politique antipatriotique de continuer à décider de son destin. La campagne électorale du mois de juillet 2018 prochain s’annonce déjà très passionnée et houleuse. Le camp présidentiel n’a pas hésité à pratiquer la tactique de la terre brûlée ou de coupe incendie, pour cerner l’électorat dans les agglomérations à forte densité de population des régions de Sikasso, Kayes, Koulikoro, Ségou, Bamako et des chefs-lieux des préfectures du Centre et du Nord.

L’exclusion systématique de pans entiers du territoire national, et de leurs habitants du processus électoral, sous le prétexte de sécurité, rehausse une caractéristique particulière de l’environnement social et politique au Mali, qui prévaut depuis 1992. Le fait majoritaire serait devenu factice ou précurseur d’une démocratique au rabais, entre les mains de dirigeants engagés dans une course frénétique et délectable du pouvoir. L’incitation sournoise à la haine et à l’acharnement interethnique entre Peulh et Dogon est un indice accablant de l’insouciance des Autorités de l’Etat, face à la déflagration de l’insécurité. Autant dire que la pénétration négociée de l’armée malienne à Kidal en ce moment précis, est une erreur stratégique grave de conséquence.

L’initiative pourrait être qualifiée de manœuvre électorale précaire voire suicidaire. Le Gouvernement malien serait-il dans ce contexte réellement prêt, pour garantir la tenue d’élections apaisées, inclusives, transparentes et crédibles ? Les scores spectaculaires de 77% des suffrages exprimés dont certains élus se targuaient, méritent bien d’être discutés, et revus à la baisse, pour rétablir la légitimité du pouvoir démocratique au Mali. Dans un pays où l’administration politique peine à mobiliser les 50% des électeurs potentiels pour voter, il y a lieu de réfléchir sur la qualité de l’organisation, et la recomposition du processus électoral en l’adaptant à la disparité géographique du scrutin dans les régions pour sauvegarder la démocratie.

L’accès libre à la carte d’électeur NINA devrait être rétabli, la CENI rassurée dans ses responsabilités d’arbitre neutre des élections, et la fraude électorale en couveuse dénoncée par les institutions juridiques, en attendant la révision de la loi électorale et l’usage de carte biométrique comme un début de solution à ce dilemme. Seule l’introduction de la carte biométrique dans le mécanisme électoral pourrait dans l’avenir attester de la véracité du comptage des suffrages futurs.

La plateforme de campagne électorale « TOUT SAUF IBK EN 2018 » malgré sa bonne réputation auprès de la jeunesse, des militants de l’opposition, et des associations patriotiques tarde à prendre de l’envol.

Le résultat de sa future bataille électorale dépendra de la force de sa coalition, du contenu de son programme de redressement économique social, culturel, sécuritaire et de retour à la paix durable.

L’entente sur le choix incontournable d’un candidat consensuel intègre, crédible, qui incarnerait le changement attendu par le peuple, sera le premier pas à emboiter. Le projet de société de l’alternance du pouvoir en 2018, ne se limiterait pas à la simple dénonciation du système de mauvaise gouvernance, qui a conduit le Mali, après 58 ans d’indépendance, au stade de sous-développement des 12 pays les plus pauvres du Monde. Il présentera en premier lieu une analyse profonde des raisons de la faillite du modèle de gouvernance copié sur le principe du centralisme démocratique occidental. Si ce modèle de gouvernance a connu du succès, après la première guerre mondiale, dans les sociétés occidentales, il s’est avéré inapproprié dans le contexte des sociétés cosmopolites africaines.

Le centralisme démocratique a entrainé, en moins d’un siècle, après les indépendances des pays Africains, une situation d’asymétrie politique entre les ailés parlementaires de la majorité et de l’opposition, ou de la gauche et de la droite. Ce déséquilibre favorise l’isolationnisme entre le peuple et son leadership, et l’émergence de la dictature des gouvernants. Dans la grande majorité des cas, les leaders peu charismatiques, ont abusé de leurs positions privilégiées, pour instrumentaliser les institutions de l’Etat à des fins personnelles de corruption, d’enrichissement illicite et de consolidation de leurs pouvoirs dynastiques

Au Mali, ils se sont servis de la rébellion, du fanatisme des cultes religieux, de l’exorcisme animiste, de la marginalisation des groupes sociaux hostiles au régime, et du suivisme mercantile des partis politiques alliés du pouvoir du jour, pour étouffer les forces républicaines, réduire l’espace du débat démocratique, et forger un dogme péremptoire à la hauteur de leurs ambitions de prédateurs de la nation. La mauvaise gouvernance de l’Etat du Mali, caractérisée aujourd’hui par la précarité de la vie sociale, et les inégalités de chance, de progrès des citoyens, et des régions géographiques, serait à la base de la recrudescence de la pauvreté absolue, de l’insécurité endémique, du terrorisme djihadiste, de la corruption, de l’impunité des abus de l’administration d’Etat, des distorsions du système judiciaire, et de l’instabilité gouvernementale.

La persistance de la rébellion, les confrontations meurtrières interethniques, la criminalité politique et les prétentions d’autonomie sur la base régionale, trouvent leurs racines dans le statut de pauvreté du peuple malien. Le gouvernement malien a perdu le contrôle administratif sur les 2/3 du territoire dans la guerre contre la rébellion. Les terroristes djihadiste du Nord et les fondamentalistes islamistes du Centre font régner la terreur et le désarroi dans les zones d’occupation. L’administration publique et les forces de défense et de sécurité ont été contraintes de déserter toutes les communes tombées après leur invasion.

Le leadership autocratique au pouvoir, peine à proposer de vraies solutions à la vacance du pouvoir de l’Etat, et à la souffrance des populations, dans un contexte géographique préoccupant, des régions du Sahel et du Maghreb. La lutte contre le terrorisme au Mali, ne pourrait être résolue, en l’isolant de cette réalité géographique. Le dialogue entre tous les fils du pays devrait être relancé avec un souci de pragmatisme, d’idéalisme, de sacrifice et de la loyauté politique pour préserver les valeurs fondamentales qui préservent l’unité de la partie, le Mali.

Lisez la suite dans notre parution de demain.

Professeur Mahamane Kalil Maiga, Médecin à la retraite

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