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Conflit intercommunautaire au centre du Mali : Les députés accusent le gouvernement de «négliger» la crise
Publié le vendredi 22 juin 2018  |  Le Républicain
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© aBamako.com par A S
Questions orales à l’Assemblée nationale
Bamako, le 10 mai 2018 l’Assemblée nationale des questions orales adressées au ministre de l’Agriculture, Dr Nango Dembelé et à son collègue de la Sécurité et de la Protection civile, général Salif Traoré
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Depuis 2012, le Mali connait l'une des crises les plus graves de son histoire. Cette crise qui a commencé dans les régions nord du pays s'est progressivement déplacée dans les régions centre, notamment Mopti et Ségou. La menace terroriste dans ces régions présente une situation de trouble de plus en plus généralisée.

Des forces obscures tentent désormais de communautariser la violence afin que le chaos qui en découle leur serve de rempart. C'est le cas dans le cercle de Koro où des communautés Peulh et Dogon comptent quotidiennement leurs morts. Ayant pris conscience de ce danger, l’Assemblée nationale du Mali a interpellé hier, jeudi 21 juin 2018, le gouvernement malien pour l’inviter à trouver une solution à ce conflit interminable. Au cours de la séance de questions d’actualité qui portait sur « l’élection présidentielle du 29 juillet 2018 et le conflit intercommunautaire au centre du Mali », des députés ont accusé le gouvernement de « négliger » le conflit intercommunautaire au centre du Mali.

Les ministres qui répondaient au nom du gouvernement sont ceux de l’administration territoriale et de la décentralisation, Mohamed Ag Erlaf, de la sécurité et de la protection civile, Général Salif Traoré, et le ministre de la réconciliation nationale et de la cohésion sociale, Mohamed El Moctar. Les débats de cette séance de questions d’actualité étaient pilotés par le président de l’hémicycle, l’honorable Issaka Sidibé, en présence de nombreuses autres personnalités. D’entrée de jeu, l’honorable Belco Samassékou du RPM a fait savoir que le Mali est un pays à forte tradition intercommunautaire depuis des millénaires, les communautés vivent ensemble en harmonie et partagent des valeurs sociétales ancrées dans les coutumes et mœurs.

En dépit de cette situation de vivre ensemble, dit-elle, force est de constater qu'il y a toujours eu des conflits identitaires au nord du pays, les autres parties ont connu et connaissent des différends entre agriculteurs, éleveurs et pécheurs, mais jamais la situation n'a connu autant de préoccupation. A ses dires, la société malienne est menacée dans sa tranquillité et dans sa quiétude, et depuis un certain temps, le centre du pays vit une situation de conflit intercommunautaire presque quotidienne.

Au départ, si on parlait d’attaques djihadistes, aujourd'hui, c'est des conflits armés entre communautés. « A la lumière de tous ceux qui précèdent, Mr le ministre, pouvez-vous, nous faire le point des mesures prises face à la situation des conflits intercommunautaires ? Quelles sont les dispositions prises par le gouvernement pour contrôler les armes dites légères dans les zones à conflit ? A quand une politique de limitation de la fabrique des ces armes et les critères de leurs commercialisations au Mali ?

Malgré les mesures de déploiement des forces de défense et de sécurité au centre, les communautés continuent de s'entretuer, qu'est-ce qui explique ce paradoxe ? Que comptez-vous faire pour circonscrire le phénomène d'assassinat de certains chefs de village, chefs religieux, des responsables politiques et administratifs ? Qu’en est-il des mesures de désarmements des communautés au centre du pays annoncées par le gouvernement le mois d'Avril passé ? Nous demandons au gouvernement de tout mettre en œuvre pour qu'il n'y est plus d'exécution sommaire sous forme de procès contre tout terroriste et complice », a déclaré l’élue de Mopti, Belco Samassekou.

L’honorable Idrissa Sankaré du groupe parlementaire APM (Alliance pour le Mali) a fait savoir que ce qui se passe au centre du Mali est le forfait des milices armés qu’il faut impérativement les extraire. « Je suis blessé dans mon cœur de voir des gens susciter le racisme au Mali», a-t-il dit. Pour l’honorable Bokari Sagara du même groupe, le conflit intercommunautaire existe à Bandiagara. Pour preuve, dit-il, plus d’une dizaine d’attaques a fait des morts. L’honorable Adama Paul Damango du groupe parlementaire Apd-Maliba/ Sadi ne se privera pas fait d’accuser le gouvernement de « négliger » le conflit intercommunautaire du centre. « Le centre du Mali, je veux citer les régions de Mopti et de Ségou, aujourd'hui est en proie à des conflits intercommunautaires, victime d'une crise négligée », a-t-il martelé.

Selon lui, beaucoup d'écoles sont fermées, très peu de CSCOM (Centre de santé communautaire) fonctionnent à merveille, des Collectivités décentralisées tournent au ralenti, les partenaires au développement ont replié, voire partis pour de bon alors que le Mali est tributaire de l'aide bilatérale. « Le pays dogon, qui couvre les Cercles de Bandiagara, Bankass, Koro, Douentza, l'Est du Cercle de Tominian et le Sud de Mopti, vivent ce que l'on peut qualifier «de dangers d'une crise négligée», oui le centre est victime d'une crise négligée», a précisé l’honorable Adama Paul Damango.

Il a rappelé que depuis février 2018, les populations des Cercles de Bandiagara, Bankass, Djenné, Douentza, Koro, Mopti, Ténenkou et Youwarou dans la Région de Mopti; les Cercles de Macina, Niono et Tominian dans la Région de Ségou et le Cercle de Niafunké dans la Région de Tombouctou vivent une restriction de leur liberté de mouvement imposée par l'interdiction de circulation de moto de tout genre ou à pick-up. Cette mesure, dit-il, a ouvert la voix à des amalgames dangereux. Cette décision, poursuit-il, a imposé un embargo économique à des populations civiles innocentes déjà éprouvées par plusieurs années de crise. « Mr le ministre, depuis le démarrage de la mesure, combien de personnes sur des motos saisies et brûlées détenaient une arme? A quand la levée de la mesure pour permettre aux équipes de campagne à l'élection présidentielle du 29 juillet 2018 de pouvoir circuler avec leurs affiches et spécimens dans ces localités?

Brûler les motos n'étant pas une solution qui apaise, pensez-vous Mr le Ministre à rembourser aux victimes paisibles citoyens dont les engins ont été calcinés? Je propose que chaque communauté identifie elle-même des Hommes et des Femmes en son sein pour sensibiliser leurs frères et sœurs à l'idée de la réconciliation. Par la suite nous pourrons organiser une Assemblée Générale pour signer le pacte de la Paix définitive en un lieu dans la zone qui sera convenue de commun accord avec les leaders des communautés en désaccord », a-t-il dit.

L’honorable Youssouf Aya de l’Adema Pasj n’hésitera pas à dire aussi que le conflit du centre a été « négligé » par les autorités maliennes. «J’ai le sentiment que les conflits intercommunautaires dont sont victimes les populations de Koro et d’ailleurs sont les conséquences d’une négligence en terme gestion. Pour rappel, En octobre 2015, suite à la multiplication des attaques dans la région de Mopti, notamment dans les cercles de Koro, de Bankass, de Douentza, de Teninkou et de Youwarou, le collectif des députés de la région s’est réuni, de façon urgente, pour que des mesures soient prises au niveau du gouvernement afin de prévenir le pire.

À l’issue cette réunion, avec l’appui des techniciens, nous avons produit un mémorandum préventif du problème actuel. Le document a été remis au Premier Ministre de l’époque et aux ministres concernés. Seulement 48h après cela, pour le même problème, une forte délégation des maires de la région, conduite par le Maire de la commune urbaine de Mopti, est arrivée à Bamako. Les maires ont, à leur tour, rencontré les ministres concernés pour exprimer leurs préoccupations face à l’insécurité grandissante dans la région de Mopti », a expliqué le jeune député Youssouf Aya de l’Adema.

« L’Etat doit pouvoir mieux faire »

Il a indiqué le mémorandum déposé sur la table du Premier Ministre est resté sans suite pendant que l’insécurité et le risque d’affrontements communautaires grandissait. «Depuis près de deux ans, nous demandons régulièrement le rétablissement des réseaux téléphoniques saccagés dans les zones affectées et cela pour l’amélioration de la situation sécuritaire mais jusque là sans succès. Nous voilà aujourd’hui en face du pire qu’on n’aurait jamais imaginé dans ces localités dont le vivre ensemble était cité en exemple.

Un conflit intercommunautaire inédit. Dans le quel des personnes sont tuées quotidiennement, des villages sont incendiés et effacés de la carte; des milliers de personnes déplacées; des paysans sont confinés dans leurs villages; l’hivernage est compromise ; l’élevage est devenu presque impossible ; le vol de bétail est devenu monnaie courante ; des milliers d’enfants sont fortement menacés de famine ; des écoles ont totalement fermé leurs portes ; des axes principaux de voyage sont purement et simplement coupés ; des foires importantes sont désertées, occasionnant ainsi une paralysie forcée de l’économie de la zone entière » a déploré l’honorable Youssouf Aya. Il indique qu’aucune mesure d’envergure, venant du gouvernement, à la taille du problème n’a été prise. « Nous ne croyons pas que le Mali soit dépourvu de ressources capables de produire rapidement des stratégies efficientes pour gérer ces conflits intercommunautaires qui nous font compter chaque jour des morts.

Et en termes de priorités, nous pensons que ce problème intercommunautaire mérite d’être pris au même pied d’égalité que les élections présidentielles de 2018. Sinon plus que celles là », a-t-il conclu. L’honorable Issa Togo, président du groupe parlementaire de l’Adema abonde également dans le même sens tout en dénonçant l’absence de l’Etat à Koro. « L’absence de l’Etat a fait que les bandits sont arrivés. Si on ne sécurise pas c’est le désordre. Dans le cercle de Koro, il y a plus de 15 000 déplacés. L’Etat doit pouvoir mieux faire », a-t-il dit. Enfin, il a souhaité un véritable dialogue entre les communautés pour la fin du conflit. Alkaïdy M Touré du groupe VRD enfonce le clou en disant qu’au centre du Mali il y a un déficit sécuritaire causé par l’absence de l’Etat.

Le deuxième questeur de l’Assemblée nationale du Mali, l’honorable Belco Bah a invité le ministre à retirer le récépissé de la « milice » Amasagou. « Cette milice est composée des mercenaires. Elle s’est substituée à l’administration. Qu’est ce que vous avez fait et qu’est ce que vous comptez faire », s’interroge l’honorable Bah. Répondant aux préoccupations des honorables députés, le ministre de la sécurité et de la protection civile, Général Salif Traoré, a fait savoir que le gouvernement a pris la mesure de la gravité de la crise du centre du Mali et a aussitôt mis en place un plan comprenant 4 piliers qui sont la sécurité, le développement, la communication et la gouvernance. « Aujourd’hui, la peur a changé de camp, l’armée est à la recherche des terroristes. Des postes de sécurités ont été créés dans plusieurs localités du centre. Nous sommes entrain d’aller progressivement et d’être au plus près de la population.

Il y a de l’exploitation des bandits qui profitent de l’absence des forces étatiques sur le terrain. Nous ne faisons pas de différence entre peul et dogon. Nous désarmons tout le monde», a dit le ministre. Il reconnait que la situation du centre est assez critique. A cet effet, il a souhaité l’apport de tout et chacun pour la sécurité. Appuyant son collègue de la sécurité, le ministre Ag Erlaf a fait savoir le gouvernement a donné le récépissé à l’Association Amasagou en tant que l’Association apolitique qui œuvre pour le développement. Selon lui, une instruction a été ouverte pour savoir si c’est une « milice», et à l’issue de cette instruction, des mesures seront prises.

Aguibou Sogodogo
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