Grande Interview avec Adiouza, une étoile de la musique sénégalaise : « Grâce aux femmes maliennes et au rôle qu’elles ont joué durant la crise, je suis fière d’être une femme ».
Elle est la fille du célèbre chanteur, artiste-compositeur-interprète, Ousmane Diallo, de son nom d’artiste Ouza Diallo. Un homme également connu pour son franc-parler et ses prises de positions radicales contre les maux de la société sénégalaise et de l’Afrique en générale. C’est à l’âge de 15 ans, que notre jeune artiste, Adji Kane Diallo plus connu sous le nom de « Adiouza » s’est révélée au grand public en compagnie bien évidemment de celui qui ne la quitte presque jamais, son père. La musique, elle l’a non seulement dans le sang mais dans la vie de tous les jours car elle est diplômée en France d’ethnomusicologie. Cette année, après la sortie de son deuxième album, elle a été primée à deux reprises au pays de l’Oncle Sam par le Sénat américain qui l’a primée pour son apport à la culture africaine ainsi que la mairie de Memphis qui a fait d’elle une citoyenne d’honneur. Notre belle nymphe est encore célibataire, avis aux amateurs ! A condition qu’ils soient structurés, généreux, romantiques et très pieux comme elle aime souvent le rappeler parlant de celui qui tentera de conquérir son cœur. Dans cette grande interview, première du genre qu’elle accorde à un média malien, elle répond sans détours à toutes nos questions relatives à sa carrière, ses relations avec le Mali ainsi que ses projets pour aider le pays dans cette phase de reconstruction et surtout ses projets sur la scène musicale.
L’Indépendant : Est-ce que vous pouvez-vous présenter en quelques mots à nos lecteurs qui ne vous connaissent pas ?
Mon nom est Adiouza. Je suis artiste – chanteuse sénégalaise. Je suis née dans une famille d’artistes avec un papa artiste auteur compositeur, qu’on ne présente plus, OUZA, qui a marqué de son empreinte la musique sénégalaise. C’est ce qui explique d’ailleurs, l’ajout sur mon prénom Adji du suffixe OUZA – ce qui a donné Adiouza. Voila brièvement, ce que je peux dire de moi en guise de présentation.
Aujourd’hui, quand on parle d’Adiouza, le nom qui revient le plus souvent c’est surtout celui de votre père Ouza Diallo, qui fut l’un des plus grands artistes de son temps ? Est-ce à dire que c’est lui qui vous a orienté dans votre choix à embrasser la musique plutôt qu’un autre métier ?
Je voudrais profiter de l’occasion pour rendre hommage à mon père pour tout ce qu’il a fait et continue de faire pour le rayonnement de la musique et surtout pour la réussite sociale des artistes. C’est vrai, le fait que je fasse de la musique a été un choix inspiré de lui. Et aujourd’hui, j’en suis tellement heureuse que je ne le remercierai jamais assez. J’espère seulement avoir une carrière comme la sienne. Ce ne sera pas évident mais avec ses conseils avertis et sa présence à mes côtés, je pense que je relèverai ce challenge.
Quel rôle joue aujourd’hui, Père Ouza Diallo, dans votre carrière ?
C’est un collaborateur et un conseiller en même temps. Il est en immersion dans le staff qui travaille avec moi et participe aux brainstormings pour discuter des orientations, des stratégies et autres décisions majeures en rapport avec mon plan de carrière. En résumé, je profite beaucoup de l’expérience de mon père pour faire avancer, surement, ma jeune carrière.
Avez-vous déjà visité le Mali. Si oui, dans quel cadre ?
Oui, j’ai déjà séjourné au Mali dans le cadre des activités de la célébration du cinquantenaire de la fête de l’indépendance en 2010. J’en garde un excellent souvenir tant l’accueil du public malien était chaleureux.
Une fois que la situation du pays se stabilisera, pensez-vous venir jouer à Bamako ?
Naturellement. Le Mali est un pays adorable et en ce qui me concerne j’adore les maliens. Ils sont très ouverts et très accueillants. L’autre raison qui fait que le Mali compte énormément pour moi, c’est que ma maman est malienne. Donc vous voyez, beaucoup de choses me lient à ce beau pays. Je prie pour que la paix revienne rapidement et que les maliens se réconcilient entre eux pour bâtir et construire l’avenir de leur pays.
Vous n’êtes pas sans savoir que le Mali a connu une période difficile avec l’occupation d’une partie de son territoire par des bandits armés. Cependant, aujourd’hui que le pays se relève, nous n’avons pas assez vu la solidarité des artistes notamment de la sous-région se manifester à l’endroit de leurs homologues, d’autant plus que le Sénégal et le Mali partagent énormément de choses ?
Vous savez quand les politiques occupent le devant de la scène, il est très difficile de leur ravir la vedette. Nous avons toujours témoigné notre soutien et notre engagement aux côtés du peuple malien frère pour dénoncer cette situation. A travers les réseaux sociaux, facebook, twitter entre autres, nous avons essayé de mener le combat en solidarité avec nos cousins maliens. Dans nos concerts aussi, nous ne cessons de lancer des messages pour qu’on n’oublie pas ce qui se passe dans ce pays. Certes, on n’a pas été sur le terrain car les conditions de sécurité ne l’ont pas permis mais on n’est pas resté les bras croisés pendant que le Mali s’effondrait. Je pense que les artistes de la sous – région seront de la partie lorsqu’il s’agira de reconstruire le pays certainement après les élections de Juillet. Nous viendrons tenir des concerts à Bamako et dans d’autres villes du pays pour célébrer le Mali unifié.
Vous savez aussi que durant cette période, le rôle des femmes a été déterminant. Qu’en pensez-vous ?
Elles étaient debout face à l’ennemi nonobstant qu’elles étaient visées par les mesures très restrictives qui les frappaient en vertu d’une application aveugle de la charia. De véritables sentinelles et amazones devrais- je dire. Je pense qu’il faut leur rendre hommage et leur témoigner toute notre gratitude pour leur posture courageuse. Grâce à elles et au rôle qu’elles ont joué, je suis fière d’être une femme.
Allez-vous faire un geste de solidarité envers les Maliennes qui attendent beaucoup de leurs voisins aujourd’hui ?
C’est une lapalissade. Il ne faut pas qu’on s’y trompe, c’est une obligation ce devoir de solidarité. A travers ma fondation SOCIAL SOLIDAIRE SENEGAL, qui intervient dans la lutte contre la pauvreté, je vais discuter avec mes partenaires pour voir ce qui est envisageable de faire dans le court et le moyen terme pour apporter notre contribution. Vous savez l’une des conséquences de la guerre, c’est que beaucoup de populations basculent dans la pauvreté. J’invite aussi mes collègues artistes à organiser des initiatives de grande envergure, concerts, caravanes et autres soirées de gala dont les recettes seront reversées aux associations de femmes maliennes.
Sur le plan musical, vous venez tout juste de sortir un nouvel album. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
C’est le deuxième album de ma discographie. Il vient à la suite de « MAADOU » mon premier opus qui a connu un grand succès et m’avait révélé aussi au grand public. Il est intitulé « LIMA DONN », ce que je suis en français. C’est un album que j’ai réalisé entre Dakar- Bahia au Brésil et Paris en France. Juste pour vous dire que c’est un opus très coloré dans lequel je parle des valeurs africaines. J‘y invite également les jeunes africaines de ma génération à arrêter de faire du mimétisme des occidentales. J’y aborde également des thèmes comme l’amour, le travail, la solidarité…. Bref je parle à mes contemporains.
On remarque aussi que contrairement à certains artistes, vous mettez du temps à sortir un album. Est-ce un problème de financement ou la piraterie qui prend des allures ahurissantes en Afrique ? Pourquoi cette tendance à sortir des singles avant un album ?
En ce qui me concerne, j’ai pris le temps de bien travailler l’album « lima donn » car il fallait confirmer après l’énorme succès connu par le précédent album. Concernant le manque de producteur donc de financement ou la piraterie, je pense que les artistes n’ont plus le choix. Il faut qu’ils dégotent des stratégies pour mieux survivre face aux problèmes liés à la commercialisation des produits et services de la musique. A mon avis, aujourd’hui, l’avenir de la musique en tant que business est sur les plateformes d’achat en ligne. Je veux parler du téléchargement payant. Je pense même que les CD comme support vont bientôt disparaitre.
Au Sénégal actuellement, beaucoup d’artistes montent en puissance. Ne craignez-vous pas la concurrence ?
Absolument pas. Je pense que la musique n’est pas une question de concurrence. Je pense qu’il y’a un public pour toutes les musiques. Chacun à sa place dans le landerneau musical. Je reste fidèle à mes convictions qui se déclinent à travailler, respecter le public et surtout faire plaisir à mes fans. J’ai choisi la musique comme profession donc par conséquent, je consentirai tous les sacrifices qu’elle exige.
Coté mode, on remarque que vous aimez vous habiller en mode Fashion au détriment des vraies tenues africaines ? Pourquoi ce choix ?
Je ne m’habille pas exclusivement en mode fashion comme vous le dites. Je dirais plutôt que je m’habille différemment en fonction de mes envies. J’adore par-dessus tout, les tenues africaines. Elles sont belles par leur design et sont très classes. Si vous avez regarde la vidéo « NDANANNE » qui a accompagné le lancement du nouvel album « LIMA DONN », vous remarquerez que j’ai mis en évidence la mode africaine traditionnelle. Et c’est une vidéo très appréciée du public d’après le feed-back reçu. C’est pour vous dire à quel point, je suis fan de tenues africaines car c’est une question d’identité et de fierté pour mes origines.
Que pensez-vous de la mode d’aujourd’hui, est ce qu’elle ne met pas en péril nos valeurs et nos traditions ?
On est dans une société trop portée vers la consommation. C’est la loi de l’offre et de la demande, conséquence logique de la mondialisation, de la globalisation. C’est à nous africains d’être conscients de nos valeurs et traditions, les perpétuer pour les générations futures. Ne les échanger pour rien au monde. D’accord pour l’Ouverture vers les autres cultures mais en gardant ce que nous avons hérité de nos aïeux. L’invasion culturelle à travers les chaines de télés étrangères, internet etc.… ne doit pas inciter les africains à tomber dans une acculturation éhontée. Nous avons des arguments à faire prévaloir dans ce monde du donner et du recevoir.
Comment faites-vous pour vous maintenir en forme ? Un conseil à l’endroit des filles qui vous prennent comme exemple.
Je fais quotidiennement du sport quelles que soient les contraintes de mon emploi du temps. Entre deux répéts ou en pleine tournée. Mon staff en est tellement conscient qu’il s’organise toujours pour que je trouve le temps de le faire. A part ça, j’essaie d’avoir une bonne hygiène de vie avec une alimentation variée. Je sors très peu et je dors beaucoup après le travail. Je surveille donc bien ma ligne. C’est vraiment les deux aspects sur lesquels je me fonde pour être en forme et avoir l’énergie nécessaire pour bien faire mon travail.
Que diriez-vous aux femmes qui veulent se lancer dans ce genre de métier comme celui du mannequinat mais qui craignent les pesanteurs sociales et les préjugés ?
C’est un métier comme tout autre. Il suffit de se faire respecter et de ne pas tout accepter pour gagner des contrats juteux en couverture de Magazine ou en tant qu’ambassadrice des grandes marques. La femme doit savoir sa valeur, ce qu’elle représente quelles que soient les difficultés auxquelles elle est confrontée. Aussi tenir compte de nos pesanteurs culturelles dans son métier est pour moi une clef de la réussite.
Comment choisissez-vous vos tenues ?
Je ne me prends surtout pas la tête. J’essaie de me faire plaisir en portant des tenues qui collent bien à ma personne et aussi à mon temps. En africaine bien au fait de nos réalités nonobstant mon séjour en France pour mes études universitaires, j’ai toujours en tête que la décence doit faire partie des critères de choix des tenues que je porte ou que je suis appelée à porter dans le cadre de mon travail d’artiste. Nous autres artistes, devons donner le bon exemple dans nos actes de tous les jours pour les nombreux fans qui cherchent à nous copier…à nous ressembler.
Quels sont vos secrets de beauté ?
Je n’en ai vraiment pas. J’essaie de faire attention à la pléthore de produits de beauté qui nous été imposés par les grandes firmes industrielles. J’essaie de faire confiance à tout ce qui est produit naturel par opposition aux produits artificiels. En résumé, je cherche à garder une liberté de choix de vie qui cadre avec mes valeurs, mes convictions, en tant que femme.