La traque des spéculateurs fonciers risque de prendre une nouvelle tournure dans les semaines à venir. C’est du moins la promesse faite par le procureur du pôle économique de la Commune III, Mohamed Sidda Dicko et le procureur de première instance du tribunal de Koulikoro à qui le Vérificateur général, Amadou Ousmane Touré a remis lundi son rapport 2012 composé en grande partie des dossiers essentiellement relatifs à la gestion domaniale et foncière, aux opérations d’encaissement et de reversement de recettes fiscales au trésor public et surtout au détournement de deniers publics pour un montant total en cause chiffré à 8 717 657 556 FCFA. L’ex préfet de Kati, M. Ibrahima Sylla et ses associés risquent gros.
L’ex préfet de Kati, M. Ibrahima Sylla
L’ex préfet de Kati, M. Ibrahima Sylla
La gestion domaniale et foncière de la direction des Domaines et du Cadastre du district; l’attribution de parcelles de terrains dans le cercle de Kati par le préfet de Kati, le sous-préfet de Kalaban Coro et le Maire de Kati, et le recouvrement des recettes domaniales par la Direction régionale des Domaines et du cadastre de Koulikoro, exercice 2008, 2009, 2010 sont des principaux faits incriminés par le rapport 2012 du bureau du vérificateur général.
Comme l’avaient révélé nos confrères du journal l’Enquêteur que les contrôles du bureau du vérificateur sur les attributions de parcelles de terrain dans le cercle de Kati par le préfet, le sous préfet de Kalaban Coro et le maire de Kati ; et le recouvrement des recettes domaniales par la direction régionale des domaines et du cadastre de Koulikoro, ont permis de dénicher plus de 1,2 milliards de manque à gagner pour l’Etat. Ainsi, comme minoration de prix de cession pour un montant de 591,25 millions de FCFA; aux recettes perçues mais non reversées par le directeur régional des domaines et du cadastre de Koulikoro, pour un montant de 356,83 millions de FCFA et la minoration de droits d’enregistrement et de mutation pour un montant de 111,37 millions de FCFA par le Directeur régional des domaines et du cadastre de Koulikoro. Tous ces montants doivent être payés intégralement à l’Etat.
Les faits accablants reprochés au préfet.
Même s’il est indéniable qu’au Mali, la terre a toujours été un enjeu économique et social important, aussi bien pour l’État que pour les populations, le préfet de Kati en a abusé. La vigilance des contrôleurs d’Amadou Ousmane Touré a permis de formuler des griefs suivants contre la préfecture de Kati.
Le préfet de Kati a attribué des concessions à usage d’habitation sans en être habilité. En vertu de la loi n°02-008 du 2 février 2002 portant modification et ratification de l’ordonnance n°00-027/P-RM du 22 mars 2000 portant code domanial et foncier (CDF), seul le maire est habilité à délivrer des concessions urbaines à usage d’habitation (CUH) et des concessions rurales à usage d’habitation (CRH).
• Le préfet de Kati, Ibrahima Sylla, malgré l’absence de base juridique, continuait à attribuer des concessions à usage d’habitation. Ainsi pour la période de 2008 à 2010, elle a procédé à dix lotissements correspondant à 13 207 concessions à usage d’habitation attribuées.
• En sus de son incompétence constatée, le préfet de Kati a dépassé le nombre de CUH/CRH autorisé pour un même bénéficiaire. En effet, selon le CDF, il ne peut être accordé qu’une seule CUH/CRH par demandeur. Cependant, sur les lotissements de la période de référence, le Cercle de Kati a attribué à 80 bénéficiaires, plus de dix CUH/CRH chacun. La preuve, dans le lotissement de Sangarébougou, il a attribué à un seul bénéficiaire 109 CUH/CRH.
• La mission a constaté que le préfet du cercle de Kati a attribué plusieurs
CR de 5 ha à un même bénéficiaire alors qu’en application de l’article 7 du décret n°01-040 P/RM du 2 février 2001, il est habilité à n’attribuer qu’une superficie comprise entre 2,5 ha et 5 ha sous forme de concession rurale. Ainsi, dans la localité de Soro, il a attribué à une seule personne plusieurs CR de 5 ha chacune pour une superficie totalisant 459 ha.
Quant au sous-préfet
• Le Sous-préfet de Kalaban-Coro a changé la vocation des terrains sans base légale. Le décret n°01-040/P-RM du 2 février 2001 déterminant les formes et les conditions d’attribution des terrains du domaine privé immobilier de l’État autorise le Sous-préfet à attribuer des concessions rurales (CR) d’une superficie allant jusqu’ à 2,5 ha.
Il a procédé au morcellement en parcelles à usage d’habitation de terrains attribués par le cercle sous forme de CR ou des champs appartenant à des propriétaires coutumiers. Il n’a donc pas respecté les textes régissant l’attribution de concessions rurales (formalité de publicité, cahier de charges). La dimension des terrains (300 m²) et la présence des équipements collectifs (lycées, marchés) dans les plans de morcellement font que ces terrains ne sont pas des concessions rurales mais des concessions à usage d’habitation. L’ex préfet de Kati, M. Ibrahima Sylla et ses associés seront interrogés dans les semaines à venir sur ces faits qui risquent de renvoyer de nouveaux spéculateurs fonciers derrière les barreaux.
Rassemblés par Drissa Tinéné
Lutte contre la corruption :
De nombreux cadres des impôts aussi dans la ligne de mire de la justice
Les faits incriminés dans le rapport 2012 du bureau du vérificateur Général concernent aussi et surtout la gestion des ressources fiscales. Lors de la remise dudit document au procureur du pôle économique Mohamed Sidda Dicko, Amadou Ousmane Touré, en rappelant les missions assignées à son institution a expliqué que parmi ces rapports sectoriels sept recensent des faits constitutifs d’infractions à la loi pénale. Ils ont trait à l’encaissement des recettes fiscales par le Centre des Impôts de la Commune II du district de Bamako, exercice 2008, 2009, 2010 ; l’encaissement et le reversement des recettes fiscales par le centre III des Impôts du district de Bamako, exercice 2008, 2009 et 2010 ; l’encaissement et le reversement des recettes fiscales par le centre des impôts de la Commune IV de Bamako, exercices 2008, 2009 et 2010 ; exercices 2008, 2009 et 2010 ; la mise en œuvre des exonérations accordées aux opérateurs du secteur minier exercices 2008, 2009 et 2010 ; la gestion des opérations de recettes à la Direction des Grandes Entreprises.