Cela est incontestable : la génération de la fin des années 1970 et début 1980 de l’As Réal de Bamako est l’une des meilleures de l’histoire du club. C’était un groupe soudé, avec des individualités comme Driballon, Benny, Baraka. Il est regrettable que cette ” dream team ” des Scorpions soit disloquée pour des raisons qu’on pouvait éviter.
A défaut d’un procès pour ne pas remuer le couteau dans la plaie, nous sommes allés à la rencontre d’un élément de ce beau groupe du Réal : Ousmane Doumbia dit Man. Après avoir fait les beaux jours des Noirs et Blancs, il a transféré au Stade malien de Bamako, puis a brusquement quitté le Mali pour la France au top de sa forme. Par le canal d’un de ses amis, Yacouba Sogoré de l’Omh, nous avons pu le retrouver pour parler de sa carrière, de sa vie en France et des raisons qui ont motivé son départ pour l’Hexagone.
Ousmane Doumbia dit Man, c’est l’histoire de deux finales de Coupe du Mali remportées dans deux clubs différents. D’abord celle de 1980 qui a opposé le Djoliba au Réal, avec un but victorieux du pied gauche magique du Scorpion Beïdy Sidibé dit Baraka (1-0). Et celle de 1986 où le coach Molobaly Sissoko du Stade malien de Bamako, face à une équipe engagée du Djoliba AC, confina Ousmane Doumbia dans un rôle de régulateur et de stabilisateur du milieu stadiste, aux côtés de Bréma Gueye et Abdoulaye Kaloga (2-1).
Et pourquoi ne pas rappeler ce but anthologique de trente mètres que Man a marqué en finale de la coupe Jumbo face à son ancienne équipe l’As Réal en 1987 ? Il ne saurait être un abus de langage en affirmant clairement qu’Ousmane Doumbia était l’un des joueurs les plus sérieux et disciplinés de sa génération.
Sobre et discipliné !
Nous l’avons d’abord connu à l’As Réal de Bamako au début des années 1980. Comme la plupart des jeunes de la capitale, ayant comme principale distraction le tour des terrains d’entrainement et les internats des clubs, nous avons quand même côtoyé pratiquement toute cette génération de l’époque. Très sobre, Man pratiquait un football séduisant, dépourvu de tout gris-gris. C’est l’une des raisons fondamentales qui ont fait qu’il a évolué à tous les postes : milieu au Réal, meneur de jeu au Stade malien et parfois latéral droit en équipe nationale où il a passé sept ans (1980 à 1987) en tant que titulaire.
Profession : Régulateur
Man avec Beny lors de la finale de la coupe du Mali de 1980
Dans la vie de tout homme, il arrive une période d’autoévaluation. La conclusion découle sur deux interrogations : Faudrait-il continuer sur la même ligne ? Faut-il entamer une nouvelle ligne ? Et c’est à cette phase de son existence que l’enfant de Bolibana, Ousmane Doumbia, a déduit que certes la pratique du football lui a évité de tomber dans les travers de la jeunesse et lui a donné beaucoup de relations, mais il a aussi influé négativement sur ses études.
Les primes quasi inexistantes en club, dérisoires en équipe nationale, lui permettent-elles de se forger un bel avenir ? Non ! Alors, il débarque en France en novembre 1987. Une fois dans l’Hexagone, il gagne un boulot et signe un contrat avec Massy, un club de troisième division. Et ce jusqu’en 1995, quand les obligations professionnelles le contraignent à arrêter le football.
Nous avons profité de sa journée de repos pour parler de sa carrière. Laquelle a commencé au début de l’année 1974 à l’Africa Sport de Bolibana, puis dans la catégorie de jeunes de l’As Réal un an plus tard. Son assiduité et les matches d’entrainement entre les juniors et l’équipe senior le propulseront en 1977 dans l’équipe A du Réal, auprès des Seydou Traoré dit Guatigui, Idrissa Maïga dit Métiou, Mamoutou Doumbia, feu Souleymane Diakité dit Akran, Laye Fabri, Soumaïla Diakité dit Pelé, Alou Bagayoko, Amadou Vieux Samaké. C’est l’une des meilleures générations de l’As Réal, pour avoir disputé trois finales de coupe du Mali : l’édition de 1978 (jouée en deux éditions) que le doyen feu Demba Coulibaly de l’Ortm a qualifiée de celle de la vérité remportée par le Djoliba, et la revanche des Scorpions en 1980. C’est le seul trophée de coupe du Mali remporté par Man avec les Scorpions. A cela, s’ajoutent deux titres de champion en 1982, et 1983. Le Réal avait encore été défait en 1981 par le Djoliba, et toujours en finale de la coupe du Mali.
L’avenir en France
Les Réalistes ont fait six ans pour encore accéder à une finale de coupe du Mali. C’était en 1987 contre le Sigui de Kayes. Mais Ousmane Doumbia dit Man avait transféré au Stade suite à un incident avec les dirigeants du club. Incident qui a provoqué une véritable saignée chez les Scorpions. Que s’est-il réellement passé ? Man revient sur les faits : “Le Réal est parti au Burkina Faso pour un match amical qui a été finalement annulé pour des raisons dont je ne me rappelle plus. L’équipe a rencontré d’énormes problèmes. Il a même fallu l’implication de notre compatriote Drissa Keïta, à l’époque fonctionnaire de la Cédéao, pour qu’on soit hébergé.
Les dirigeants ont négocié un autre match, les joueurs de leur côté ont demandé des retombées financières. Comment pouvons-nous quitter Bamako pour Ouagadougou sans que les dirigeants ne songent à nous donner un peu de sous. Cela a fait l’objet de tractations entre nous. Finalement, nous avons accepté de jouer. Mais les responsables n’étaient pas d’accord avec notre attitude. Donc, une fois à Bamako, ils ont convoqué une réunion et décidé d’une suspension des joueurs. Ils finiront, quelques temps après, par lever la sanction des autres, mais pas pour moi. Là, je me suis dit que c’est autre chose. Il ne me restait plus qu’à quitter le club. “
Pourquoi Man n’a pas bénéficié de circonstances atténuantes au même titre que ses autres camarades sanctionnés ? Parce qu’il était le capitaine et porte-parole du groupe, répond-t-il. Dans ce contexte, vu l’intransigeance des joueurs, les dirigeants ont pensé que Man, en plus de son statut de capitaine, était également le meneur et l’instigateur du mouvement.
L’enfant de Bolibana s’est senti victime d’une injustice et il a pris une décision qui semblait être pour lui la meilleure. Face à un tel incident ayant conduit au divorce, le transfert de Man au Stade malien n’a fait l’objet d’aucun compromis. Puisque le talent de Man est connu de tous, sa titularisation au Stade n’a posé aucun problème.
L’entraîneur des Blancs à l’époque, Molobaly Sissoko, profita de ses qualités pour lui confier le rôle de dépositaire du jeu stadiste, à un moment où le trio Platini-Yaba-Tostao était intraitable. Son aventure au Stade aura duré deux saisons (1985-1986 et 1986-1987). Il remporta sa deuxième coupe du Mali en 1986 face au Djoliba.
Se rappelle-t-il de ses bons souvenirs ? Oui, répond l’enfant de Bolibana, c’est surtout cette finale de coupe du Mali de 1980, qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive et qui constitue une revanche pour le Réal. Pour la simple raison que les mauvais souvenirs de sa génération au Réal sont les éditions de coupe du Mali de 1978 et 1981 remportées par le Djoliba.
Que pense-t-il du football malien ? Man répond et propose : “Je suis de très près l’évolution du football malien. J’apprécie beaucoup les différentes performances de nos équipes nationales, surtout l’exploit des jeunes. Seulement, je regrette un peu le manque de suivi de ces jeunots pour qu’ils soient, le lendemain, l’ossature de l’équipe nationale senior. Sinon, avec les qualités de nos catégories d’âge, le Mali doit être imbattable dans la sous-région. Mais tout cela relève du suivi. A mon avis, il faut accentuer la politique de jeunes et faire un suivi permanent “.
Vivant paisiblement en France, Ousmane Doumbia dit Man est marié et père de deux enfants.