Le gel des prêts des institutions de Brettons Woods et d’autres partenaires financiers, la suspension du droit de vote du Mali pour non-paiement de cotisations, la sulfureuse affaire Michel Tomi, la débâcle militaire à Kidal… ce sont là, entre autres, des faits humiliants qui ont marqué le mandat calamiteux de IBK. Au-delà, le Mali, pendant ces cinq dernières années, vu son honneur et son image souillés, sur tous les fronts.
Le régime de Ibrahim Boubacar Keita s’est abonné tout au long de son mandat aux scandales politico-financiers qui ont fortement dégradé l’image du Mali. L’un des scandales le plus retentissant demeure l’achat d’un l’avion présidentiel en mai 2014 par le gouvernement malien. Cet avion a été acquis à la suite d’un montage financier opaque de type mafieux mêlant sociétés-écrans et hommes d’affaires douteux. Hors de toute inscription budgétaire, 20 milliards de francs CFA ont été sortis des caisses de l’Etat pour acquérir un Boeing 737 non encore immatriculé au nom du Mali.
Cet achat controversé n’a pas manqué de susciter les critiques acerbes des institutions de Brettons Woods. Un porte-parole du Fonds monétaire international (FMI) a ouvertement critiqué, lundi 19 mai 2014, depuis Washington, l’achat de ce jet Boeing par la République du Mali. “Nous sommes préoccupés par la pertinence de récentes décisions telles que l’achat d’un avion présidentiel d’une valeur de 40 millions de dollars (29,5 millions d’euros)”, a déclaré ce représentant du FMI.
Selon lui, cette transaction témoigne des “faiblesses” dans la gestion des finances publiques du pays, affirmant également que le prochain prêt du FMI au pays serait en conséquence “retardé”. Le porte-parole de l’institution n’a par ailleurs pas exclu que cet achat ait été, en partie, financé par des précédents prêts du Fonds.
De son côté, la Banque mondiale a elle indiqué suivre la situation “avec inquiétude”. L’achat du jet présidentiel n’a par ailleurs pas fait l’objet d’un appel d’offres en bonne et due forme. Les institutions de Brettons Woods ne se sont pas limitées aux critiques. Très vite, les sanctions ont suivis. Ainsi, le 25 juin 2014, la Banque mondiale a reporté, le versement de son aide au Mali, après le Fonds mondial international (FMI), dans l’affaire de l’achat de l’avion présidentiel qui ne finit pas d’alimenter les débats, et d’interroger les bailleurs de fonds.
Il s’agit d’un appui budgétaire de 63 millions de dollars dont l’approbation de décaissement était prévue le 29 mai 2014 par le conseil d’administration de l’institution financière mondiale En attendant qu’ une évaluation de la gestion par le Mali de ses finances publiques » soit conduite, cette aide budgétaire sera bloquée selon la directrice de la Banque mondiale, Sri Mulyani Indrawati. A la suite du FMI et de la banque mondiales, plusieurs bailleurs tels, l’Union européenne (UE), la Banque africaine de développement (BAD) ont suspendu à leur tour des prêts d’un montant de 4,4 milliards de dollars.
Suspension du droit de vote du Mali à l’ONU : le scandale de l’avion présidentiel est passé par là…
Le 3 juin 2015, les maliens abasourdis apprennent que le droit de vote de leur pays à l’Organisation des Nations unies (Onu) est suspendu pour cause d’arriérés de cotisation sur deux bonnes années qui concernent sans équivoque la gestion IBK. Incompétence, négligence ou signe de dérive du pouvoir en place ? Du jamais vu depuis l’indépendance de notre pays !
Après vingt-quatre heures de silence, le gouvernement fini par réagir à travers des explications du premier ministre à la télévision sur la suspension des droits de vote du Mali aux Nations unies. « Nous vivons avec un immense regret cette décision de suspension. L’attitude de certains cadres nous a conduits à cette extrémité. Notre pays, fier de son honneur et de sa dignité, s’est toujours acquitté de ses cotisations au niveau des instances internationales. Nous ne méritons pas cela », a déclaré le premier ministre Modibo Keïta au cours d’une intervention au journal télévisé de 13 heures de l’ORTM, mardi 26 janvier 2016. « Je présente les excuses du gouvernement à ce peuple si fier. L’erreur est injustifiable. On l’assume. Je prends l’engagement que tout sera réglé dans les plus brefs délais. »
Le 3 juin 2015, à la demande du ministère des affaires étrangères, un ordre de transfert de 200 millions de FCFA en faveur des Nations Unies a été donné au Trésor public, selon le premier ministre. Mais « le numéro de compte communiqué n’était pas le bon. L’argent est donc retourné au Trésor. Les fonctionnaires qui ont reçu ce retour n’ont pas pris les dispositions qui s’imposaient pour corriger l’erreur. Notre diplomatie a failli », regrette Modibo Keïta. Dès le lendemain de ce one-man-show, le Comité syndical des travailleurs du Trésor public, n’ayant certainement pas les mêmes moyens que le Premier ministre pour s’accaparer pendant un bon moment de la radio et de la télévision nationales, a usé d’un moyen rapide et efficace pour régir : l’internet.
En effet, le secrétaire général du Comité syndical des travailleurs du Trésor public, Aguissa Zouladéini Maïga s’est exprimé à travers le site d’information et c’est un cinglant démenti qui est publié : « Après renvoi des ordres de transfert par la Bceao le 05 Juin 2015, le 08 Juin, le Trésor a saisi par lettre officielle l’ordonnateur, la Direction du budget, pour qu’elle transmette les numéros de compte corrects. Cela n’a pas été fait. Le 27 août 2015, le Trésor a adressé une nouvelle correspondance à l’ordonnateur pour alerter encore ».
C’est donc la confusion, à laquelle d’ailleurs le régime IBK a habitué les Maliens. Mais puisqu’il faut un agneau sacrificiel, l’ambassadeur du Mali à l’Onu, Sékou Kassé, a été relevé de ses fonctions. Ne fallait-il commencer par son chef, le ministre des Affaires étrangères qui n’a pas su prendre les devants pour éviter pareille humiliation ?
Michel Tomi : l’ami encombrant d’IBK
Autre scandale qui défraya la chronique pendant le mandat de Ibrahim Boubacar Keita : L’affaire Michel Tomi : le nom de Tomi apparait pour la première fois sur la scène publique lors de l’achat de l’avion présidentiel. Cet achat aurait été effectué grâce à son intermédiaire. Très vite, la justice française travaille à clarifier les contours des actions de Michel Tomi dans cette affaire. Finalement, en juin 2014, il est mis en examen pour, notamment, corruption d’agent public étranger, abus de confiance et recel d’abus de bien social.
La justice française s’intéresse à l’origine de ses revenus et à ses relations avec Ibrahim Boubacar Keïta, sur lequel il fait peser de forts soupçons. Les liens avec IBK ne font alors l’ombre d’aucun doute. Le chef de l’Etat attribue même au « parrain des parrains » corses, le titre « d’ami ».
Durant l’élection présidentielle, IBK a voyagé avec les avions d’Afrijet mais Michel Tomi dément avoir financé sa campagne.
En juin 2018, la justice française a finalement prononcé un « non-lieu » en faveur de Michel Tomi, « attendu qu’il ne résulte pas de l’information (judiciaire), charge suffisante contre » lui. Mais, même avec ce « non-lieu », la crédibilité du chef de l’Etat aura été sérieusement entaché par les relations troubles qu’il entretien avec le sulfureux homme d’affaire corse.
Débâcle militaire à Kidal : l’humiliation de trop !
Le 21 mai 2014, les Forces armées passent à l’offensive à Kidal. Après quelques heures de combat, elles sont contraintes de battre en retraite…
Tout a commencé samedi 17 mai par la visite à Kidal du premier ministre Moussa Mara. Nommé en avril 2014, il tenait à se rendre dans la ville de Kidal pour se présenter en garant de la souveraineté nationale sur l’ensemble du territoire. Les groupes armés l’avaient mis en garde. Ils qualifiaient sa visite symbolique de provocation alors que le dialogue entre les deux camps est au point mort. La France et la Minusma (la force des Nations unies) avaient également alerté les autorités des dangers d’un tel déplacement. Et comme prévu, la virée a dégénéré. Moussa Mara a été contraint de se réfugier dans le quartier général de la Minusma, avant d’être exfiltré en hélicoptère sous la protection des forces françaises. Les combats ont coûté la vie à plusieurs hauts fonctionnaires, tués dans les locaux de la préfecture.
Le mardi 21 mai suivant, les forces maliennes tentaient de réinvestir Kidal et de prendre leur revanche, malgré de nouveaux avertissements. Claironnée par Bamako, l’attaque tourna court au bout de cinq heures d’affrontements au fiasco. Formés en partie par l’Union européenne, les troupes maliennes n’ont pas tenu le choc.
IBK cherchait depuis une issue à la crise, mais le pouvoir semblait flotter comme en apesanteur. Mamadou Camara, le ministre de la Communication de l’époque, expliquait: «Ce qui s’est passé est inadmissible: l’armée ne peut pas prendre de décision sans le pouvoir politique. Le président n’a pas donné son feu vert et le premier ministre ne partira pas».
La posture a depuis évolué, mais ne suffit pas pour calmer l’opposition. «Le départ du ministre de la Défense n’est pas suffisant. Le premier ministre Moussa Mara est à l’origine de ce désastre. Il doit démissionner rapidement pour sortir de l’impasse dans laquelle nous a plongé le gouvernement», assène Tiébilé Dramé, l’architecte des accords de cessez-le-feu de Ouagadougou, signés en juillet 2013 entre le gouvernement intérimaire et les groupes armés .
C’est donc un pouvoir malien affaibli qui sera contrait de revenir, faute d’autre option, à la table des négociations pour signer l’accord de paix. Accord dont l’application sur le terrain peine toujours.