Dans le cadre de la campagne pour la présidentielle 2018, le président de l’UDD et ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Tiéman Coulibaly, a ouvert un espace de débat démocratique sur sa page Facebook. Ainsi, a-t-il offert l’opportunité de débattre du bilan et du nouveau projet de société du président-candidat Ibrahim Boubacar Keïta. En répondant à une question sur l’agriculture, il avance des chiffres qui méritent qu’on s’y attarde un peu car mettant en évidence les acquis d’IBK dans un domaine clé de la croissance économique et les défis du futur. Nous nous intéressons notamment à la production du riz qui a atteint 2,92 millions de tonnes en 2017-18, soit une hausse de 5 % par rapport à la campagne précédente (2,78 Mt) selon le ministère de l’Agriculture.
«Partant de la conviction que notre émergence viendra du développement et de la modernisation de l’agriculture, nous avons posé un acte majeur par rapport aux ressources allouées à ce secteur», a déclaré Tieman Hubert Coulibaly, président de l’UDD (parti membre majorité présidentielle) et ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, en introduisant sa réponse.
Ce jeune leader politique rappelle que le Protocole de Maputo avait fixé à 10 % des ressources budgétaires les efforts en direction de l’agriculture en Afrique. Pour rappel, en 2003, le sommet des chefs d’État et de Gouvernement a adopté la Déclaration de Maputo sur le Programme détaillé de développement de l’agriculture africaine (PDDAA) en établissant les grands objectifs de croissance annuelle à 6 % du PIB agricole et l’affectation d’au moins 10 % des dépenses publiques au secteur agricole.
Ce à a quoi le Mali était parvenu avec Amadou Toumani Touré. Mais, rappelle M. Coulibaly, «le président IBK a décidé que, au Mali, nous y consacrerions 15 % au lieu des 10 prévus. En chiffres réels, nous y avons mis en moyenne 15,1 %. Cela nous a permis quelques actions pour améliorer la productivité réelle».
Ces efforts ont permis, entre autres, l’aménagement et la mise à disposition de 86 543 ha sur une prévision de 100 000 ha ; la mise à disposition d’importants équipements agricoles subventionnés par l’Etat permettant d’équiper 562 111 exploitants agricoles de 1300 tracteurs, 500 motoculteurs, 1000 multicultures, 1000 semoirs, 1000 charrettes, 400 batteuses, 400 décortiqueuses et 100 motopompes ; la subvention au cours de la campagne 2017-2018 de 150 784 tonnes d’engrais au profit des producteurs autour de 27 milliards de F Cfa. Malgré les scandales qui les ont entachés (qualité de l’engrais, coût d’acquisition de certains équipements comme les tracteurs), ses initiatives ont eu un impact réel sur la production agricole.
La production céréalière est ainsi passée de 5 736 092 tonnes en 2013-2014 à 9 295 974 tonnes en 2017-2018, soit une augmentation de 62,06 %. Celle du coton est également en forte progression avec 728 500 tonnes en 2017-2018 contre 440 000 tonnes en 2013-2014, soit une augmentation de 65,57 % permettant au Mali de reprendre sa place de 1er producteur en Afrique subsaharienne. Selon Tieman H. Coulibaly, les recettes en faveur des cotonculteurs au cours de la campagne 2017-2018 se sont chiffrées à 193 milliards de F Cfa.
Ces investissements ont aussi favorisé l’accélération de la diversification de la production agricole à travers la promotion des cultures émergentes. Il faut surtout retenir la production de 52 674 tonnes de sésame, 103 364 tonnes de pastèques, 75 600 tonnes d’anacarde, 7016 tonnes de pois sucré, 38 589 tonnes de gingembre, 2 903 tonnes d’oseille de Guinée, 11 770 tonnes de soja et 4 500 tonnes de gomme arabique. Sans compter l’augmentation des exportations de mangues du Mali passées de 25 955 tonnes en 2013 à 28 984 tonnes en 2017 sur une production estimée à 570 000 tonnes. «Ces cinq dernières années, le taux de croissance moyen du produit intérieur brut (PIB) est de 5,5 % et cela illustre nos efforts», a conclu Tieman Hubert Coulibaly.
Le bilan est éloquent puisque les prévisions son largement dépassées. Et il est regrettable que le gouvernement n’ait pas su bien communiquer sur ces acquis d’un mandat dont le bilan suscite des polémiques. «Pendant ces 5 ans, il n’y a pas eu une communication adéquate par rapport aux actions gouvernementales», a d’ailleurs commenté un internaute. C’est pourquoi le ministre Tieman Coulibaly est à féliciter pour «ce brillant éclaircissement sans démagogie aucune».
Mettre fin aux exonérations pour valoriser le riz local
En cette période de campagne, c’est de cela que les Maliens ont besoin pour faire un choix judicieux le 29 juillet 2018. Et nous n’avons pu nous empêcher de nous introduire par la brèche pour mieux analyser les acquis afin de baliser les défis pour les années à venir, notamment pour le président Ibrahim Boubacar Keïta s’il est réélu.
Nous nous sommes surtout appesantis sur le riz qui est de plus en plus la céréale de base des Maliens, notamment dans les centres urbains, et dont le coût greffe sérieusement les dépenses de consommation des foyers. La production de riz est ainsi passé de 2 211 920 tonnes pendant la campagne 2013-2014 à 2 707 555 tonnes en 2017-2018, soit une augmentation de 22,41 %.
Le Mali mise sur une production rizicole de 3,14 millions de tonnes en 2018-2019, soit une hausse de plus de 7,5 % par rapport au résultat de la saison dernière. Cette croissance sera tributaire de la progression des rendements (au lieu de l’agrandissement des superficies), d’une meilleure disponibilité et d’une utilisation efficace des engrais et des semences par les exploitants.
La filière riz représente l’une des réussites du Mali. Deuxième producteur de la céréale en Afrique de l’Ouest derrière le Nigéria, le Mali est aujourd’hui l’un des rares du continent à être autosuffisant. La culture de la graminée se fait presque dans tout le pays mais principalement le long du fleuve Niger dans les régions de Ségou, Mopti et Gao. Sans compter les bassins rizicoles des affluents du Niger dans les régions de Sikasso et Koulikoro.
«Nos besoins de consommation annuelle de riz sont évalués à 852 924 tonnes», a précisé M. Tieman H. Coulibaly dans son exposé. C’est dire que la satisfaction de ces besoins est largement dépassée depuis l’accession au pouvoir du président Ibrahim Boubacar Keïta. Mais cela n’est pas perceptible pour le Malien lambda. Et ce n’est pas la communication seulement qui est en cause. Ce qu’il faut surtout déplorer, c’est que cela n’est pas ressenti au niveau des prix. Le riz local est loin d’être compétitif car concurrencé par les importations exonérées. «Le sac de riz a-t-il diminué ou non ? Avons-nous cessé d’importer du riz ? Est-ce que nous consommons plus le riz produit au Mali ou celui importé ?» Autant de questions posées par un intervenant au débat sur Facebook (le ministre n’avait pas encore répondu quand nous rédigions cet article).
Refuser de rester un pays pourvoyeur de matières premières
Les efforts consentis par le gouvernement pour améliorer la production rizicole ne profite visiblement qu’aux opérateurs économiques du secteur qui sont des intermédiaires gourmands entre les producteurs et les consommateurs. Ils achètent à bas prix aux premiers nommés pour finalement réaliser des bénéficies énormes aux dépens des seconds.
Puisque notre production de riz couvre nos besoins, nous devons faire aussi en sorte que cette production soit à la portée des consommateurs à des prix abordables. Il est donc nécessaire de réduire progressivement l’importation du riz par une taxe plus conséquente et mettre définitivement fin aux exonérations qui tuent les productions locales.
Cela ne sert à rien de continuer à investir dans une filière qui ne profite pas à la population dans sa grande majorité. La réflexion doit être menée pour que cette abondante production puisse réellement contribuer à l’autosuffisance alimentaire en la rendant accessible, donc à des prix abordables.
Le défi aujourd’hui, d’une manière générale, c’est de créer plus de valeur ajoutée par la transformation locale. Cela ne se fera pas sans des heurts diplomatiques parce que beaucoup de «pays amis» ont tout intérêt à ce que le Mali reste dans son statut handicapant de pourvoyeur de matières premières. Ce qui fait de l’émergence économique une utopie.
Le Mali est inondé de produits importés de partout, notamment de Chine et des Emirats arabes unis. De nos jours, les Chinois ont investi même le petit commerce au Mali, livrant une concurrence déloyale aux commerçants. Ce qui explique en partie le refus d’accorder des visas à nos commerçants importateurs. Le pragmatisme diplomatique doit exhorter notre pays à prioriser le transfert de technologies comme cadre partenarial.
C’est bien de consacrer aujourd’hui 15,1 % à l’agriculture. Mais ces efforts seront inutiles si cela ne se ressent pas sur le quotidien du Malien lambda et s’ils ne contribuent pas à faire du secteur un pôle de croissance économique de notre pays, donc le socle de son émergence socio-économique !