A 9 jours des élections présidentielles au Mali, l’opposition dénonce une vaste tentative de fraude. L’équipe de Soumaïla Cissé a annoncé l’existence d’un fichier électoral parallèle. Un fichier qui serait, selon le staff du candidat de l’Union pour la république et la démocratie (URD), frauduleux et différent de celui audité par l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) il y a quelques mois. A la fin d’avril, l’OIF l’avait certifié : « Le fichier électoral du Mali, contenant 8 000 462 électeurs répartis dans 23 041 bureaux de vote, est suffisamment fiable pour permettre la tenue des élections générales de 2018. »
En réponse à ces accusations, le gouvernement prétexte une erreur informatique.
Aujourd’hui, les Maliens souhaitent connaître leur véritable fichier électoral et interpellent l’imprimerie nationale française, l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et la Direction générale des élections (DGE).
L’imprimerie nationale de France
L’Imprimerie nationale (I.N. SA) est l’imprimerie de l’État français héritée d’une imprimerie créée en 1538 sous François Ier et qui deviendra ensuite l’Imprimerie royale instituée par le cardinal de Richelieu en 1640 à la demande de Louis XIII. C’est aujourd’hui une entreprise commerciale, dont l’État est l’unique actionnaire, et ayant le statut de société anonyme. Son président-directeur général est Didier Trutt depuis août 2009.
Le fichier vérifié par l’OIF est-il bien celui qui a été envoyé à l’Imprimerie de France, chargée de l’impression des 8 millions de cartes d’électeurs qui seront utilisées par les Maliens pour aller voter le 29 juillet ? Ou au contraire, est-ce le présumé fichier parallèle et frauduleux qui a été envoyé ? Le général Sangaré est formel : « Il s’agit du fichier audité. Constat d’huissier à l’appui. »
Le gouvernement a attribué le marché de la confection des cartes d’électeurs biométrique à l’imprimerie nationale de France en mai 2018. Le contrat prévoit la confection de 8 millions de cartes d’électeur.
L’Imprimerie nationale au cœur d’une enquête pour corruption en 2009
Une information judiciaire contre X pour “corruption d’agent public” notamment avait été ouverte dans le cadre d’une enquête sur l’Imprimerie nationale, soupçonnée de corruption dans l’attribution de marchés à l’étranger, selon l’AFP.
Cette information judiciaire, ouverte en juillet également pour “abus de biens sociaux et recel d’abus de biens sociaux”, avait été confiée à la juge d’instruction Françoise Desset, confirmant une information du Parisien.
Elle visait les conditions d’obtention de marchés à l’étranger par l’Imprimerie nationale, qui fabrique des documents officiels comme les cartes d’identité et les nouveaux passeports biométriques.
L’Imprimerie était soupçonnée d’avoir obtenu des marchés en Roumanie, en Géorgie, en Syrie et au Sénégal en échange du versement de pots de vin qui s’élèveraient à plusieurs centaines de milliers d’euros, selon la même source.
Lors d’un point de presse mardi après-midi à Paris, le secrétaire général de l’Imprimerie nationale Antoine Paoli s’était déclaré “confiant sur le fait qu’aucun salarié de l’Imprimerie Nationale n’avait perçu indûment de l’argent dans cette affaire”.
L’organisation internationale de la Francophonie (OIF)
En mai 2018, le Comité d’audit de l’OIF avait pourtant donné ses conclusions finales : « sur la base des résultats des analyses et des investigations auxquels sont parvenus les experts, le Comité d’audit conclut que le fichier électoral du Mali, contenant 8.000.462 électeurs répartis dans 23 041 bureaux de vote, est suffisamment fiable pour permettre la tenue des élections générales de 2018 ».
Une même histoire de fraude présumée qui se répète en RDC, après l’audit de l’OIF
L’audit du fichier électoral congolais par l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) fait craindre de possibles fraudes. 6,7 millions d’électeurs ont notamment été enregistrés sans empreinte digitale.
Si les experts de l’Organisation internationale de la Francophonie ont donné une bonne note à la CENI sur le caractère « inclusif, exhaustif, et actualisé » du nouveau fichier électoral, l’audit pointe l’aspect « perfectible » des données récoltées par la Commission. Trois éléments de l’audit de l’actuel fichier électoral sont particulièrement inquiétants : Electeurs fantômes », la désinvolture, un nouveau fiasco électoral.
Les experts de l’OIF révèlent tout d’abord que 16,6% des électeurs congolais ont été enrôlés par la CENI sans empreinte digitale, soit 6,7 millions de Congolais ! Un chiffre important comparé aux 40 millions d’électeurs recensés. L’OIF affirme également qui certains électeurs ont été enregistrés en l’absence de photo ou de dossier d’inscription, sans en relever le nombre. Selon l’opposant Martin Fayulu (Ecidé), il faut également rajouter les Congolais enrôlés avec moins de 10 empreintes, et qui ont donc la possibilité de voter plusieurs fois. Pour lui, 24% du fichier électoral pourrait être frauduleux.
Mais les découvertes des experts ne s’arrêtent pas là. À l’issue de l’audit du fichier électoral, l’OIF affirme ensuite que 400.000 électeurs n’atteindront pas l’âge de la majorité le 23 décembre 2018, jour de l’élection, et ont donc été enrôlés frauduleusement. Enfin, l’OIF estime que 2,3% des 54 millions des cartes d’électeurs vierges n’ont pas été restituées, soit 1,2 million de cartes « disparues ». La CENI affirme être à leur recherche.
Si on cumule les 6,7 millions d’électeurs enregistrés sans empreinte, les 400.000 mineurs frauduleux et les 1,2 million de cartes vierges « envolées », on obtient le chiffre de 8,3 millions d’électeurs qui « posent problème » pour la prochaine élection présidentielle de décembre. Un chiffre qui peut largement faire basculer une élection dans un mode de scrutin à un seul tour.
La Direction générale des élections (DGE)
C’est faux et archifaux. Il ne s’agit pas d’une volonté de fraude, mais d’une erreur informatique. L’Agetic [Agence des techniques de l’informatisation et de la communication] héberge le fichier électoral. Il y a eu une erreur dans l’application permettant cet hébergement. Cela va être corrigé », répond le général Siaka Sangaré, président de la Direction générale des élections (DGE), l’organe chargé de la gestion du fichier électoral.
Pourtant, au cours d’une conférence de presse animée le mercredi 16 mai 2018, le Général Siaka Sangaré, a rassuré en ces termes : « La direction générale aux élections a été créée par la loi n° 00-058 du 30 août 2000 portant loi électorale. Elle a pour missions :
1-L’élaboration et la gestion du fichier électoral notamment ; réceptionner les listes électorales établies ou révisées par les commissions administratives et transmises par le Ministère chargé de l’Administration Territoriale ; centraliser et traiter les informations relatives aux listes électorales afin d’élaborer ou d’actualiser le fichier électoral; déterminer le logiciel de gestion du fichier électoral biométrique; publier les données relatives au fichier électoral (affichage, internet et sms ); imprimer les documents électoraux (listes électorales, extraits de listes et listes d’émargement) ;
2-Financement public des partis politiques ;
3- Assistance à la CENI à sa demande. Tout ceci sous la supervision de la CENI. En ce qui concerne l’actualisation du fichier électoral, le conférencier a fait savoir que le fichier électoral est arrimé à celui de l’état civil et sa mise à jour fait appel à des dispositions légales et réglementaires formant son cadre juridique et implique une série de structures intervenant harmonieusement à travers un ensemble d’opérations séquentielles constituant un mode opératoire stabilisé. Il a également évoqué les forces et les limites du fichier électoral.
Les investigations effectuées selon lui, sur le fichier électoral biométrique audité font ressortir les éléments positifs comme : zéro doublon réel; zéro électeur sans prénom ou nom et sans données biométriques; zéro électeur mineur illégal (moins de 18 ans); zéro électeur sans lieu et bureau de vote; zéro bureau de vote sans électeurs; zéro bureau de vote de plus de 500 électeurs