Élection présidentielle au Mali – Barkhane, G5 Sahel… “C’est la honte de notre pays” selon Moussa Traoré. Entretien exclusif de TV5MONDE avec l’ancien président du Mali.
Moussa Traoré a régné pendant 23 ans sur le Mali. Depuis sa chute, sa parole est rare. Il répond en exclusivité aux questions de TV5MONDE sur la prochaine présidentielle mais aussi sur l’armée et la sécurité dans le pays.
L’opposition malienne dénonce de nombreuses anomalies dans le fichier électoral et crie à la fraude. Est-ce un mauvais signal pour l’élection présidentielle dimanche 29 juillet ? L’ancien président Moussa Traoré, resté au pouvoir pendant 23 ans considère qu’"il faut régler cette question avant dimanche" pour "trouver une solution de paix" :
Moussa Traoré, l’un des pères de l’armée malienne, donne aussi son point de vue sur ce qui ne fonctionne pas au sein de cette armée aujourd’hui. Il pointe du doigt notamment le matériel de l’armée malienne qui "a disparu" ou "est devenu obsolète", selon lui.
Qu’en est-il de la présence militaire étrangère au Mali ? "C’est la plus grosse honte de notre pays et de notre peuple", s’insurge l’ancien président :
Retour sur la présidence de Moussa Traoré
Moussa Traoré, c’est d’abord l’histoire d’une accession au pouvoir incongrue. En novembre 1968, un groupe de jeunes officiers renverse le père de l’indépendance, Modibo Keita.
Lieutenant inconnu à l’époque, Moussa Traoré se retrouve propulsé au premier rang. C’est le temps des promesses et des bonnes intentions. En toile de fond, un assouplissement de la doctrine marxiste :
Nous allons réalisé la réconciliation nationale, procéder au redressement économique et financé, et après l’abolition de toutes les institutions, revenir à une vie politique normale
Déclaration de Moussa Traoré en février 1977
Mais les actes tarderont à suivre. La Constitution adoptée en 1974 maintient le parti unique. Il faudra 5 ans de plus pour voir des élections contestables. Moussa Traoré obtient 99 % des suffrages.
Son régime autoritaire étouffe toute forme de contestation jusqu’au tournant de l’année 1991 . Unies pour réclamer le multipartisme, les forces d’opposition créent le "Mouvement démocratique".
Un climat révolutionnaire gagne Bamako. Femmes, travailleurs, étudiants, tous descendent dans les rues de la capitale malienne. Le pouvoir réprime dans le sang : "Le 22 mars, c’était le vendredi noir pendant le mois de Carême, on a commencé à mettre des barricades. Le matin, quand les forces de l’ordre sont sorties pour essayer de calmer la situation, il y a eu des provocations. Ca me rappelle surtout la fumée qui traversait le ciel de Bamako le vendredi noir, et puis les balles, le sang qui coulait, les gens qui jonchaient le sol", témoigne Mamadou, étudiant à l’époque.
Moussa Traoré promet une ouverture démocratique. Mais c’est trop tard ! Le 26 mars 1991, il quitte le pouvoir comme il était arrivé, par un coup d’Etat militaire.
Jugé dans son pays, une première pour un chef d’Etat africain, le dictateur déchu est condamné à mort. D’abord pour le meurtre de 200 manifestants, puis pour détournement de biens publics avec son épouse.
Mais le Général revient en grâce. Moussa Traoré est libéré en 2002 par Alpha Oumar Konaré, le président élu après la révolution... décision prise au nom de la "réconciliation nationale".