Dans le cadre de la Semaine de célébration du centenaire du palais présidentiel, le Quotidien national, L’Essor, dans son édition du 29 mai 2006, a publié une contribution intitulée : “Koulouba, une victoire de la volonté humaine sur la nature”. Larges extraits.
Historique : Avec l’agrandissement de la colonie du Soudan, on pensa à remplacer [la capitale] Kayes par Bamako. Le projet fut jugé sans grand intérêt en 1895 par le général Louis Edgar de Trentinian, gouverneur de l’époque. Et pour cause : la ville était insalubre, la chaleur y régnait en raison des collines la privant du vent frais du nord. Mais avec l’arrivée du chemin de fer en 1904, les autorités coloniales, par un décret du 18 octobre 1904, décidèrent le déplacement de la capitale. De Trentinian demanda alors et obtint le transfert des militaires sur le plateau ventilé de Kati et celui de l’administration du territoire sur la colline de Koulouba […] Haut lieu par son emplacement, Koulouba l’est aussi par sa conception et par les institutions qu’il abrite. A ce titre, il a été et demeure un témoin privilégié de l’édification de ce pays.
Le site : Au point de vue morphologique, le plateau mandingue est protégé par une carapace qui détermine un escarpement vigoureux dominant la plaine. Ces belles falaises longent le fleuve à petite distance en un rebord abrupt. Alors que le lit du Niger est de 320 mètres, on relève les cotes d’altitude suivantes à la limite du plateau : 404 m à Koulouba, 413 m au Point G. Le plateau se relève lentement vers l’intérieur atteint 473 m à la bifurcation de la route Koulouba-Point G, 493 m au Point G lui-même et 504 m au radiophare de Lassa Koulou. En contrebas du plateau s’étale la plaine du fleuve Niger. La ville s’y étend. Cette plaine n’est pas absolument plate. Il y a d’abord une pente légère depuis le pied des falaises jusqu’au fleuve : le stade Ouézzin (ex-Assomption) par exemple […].
Koulouba était un promontoire aride, inhabité et accessible seulement par un sentier sinueux et difficile. Pourquoi ce site ? On a pu y voir des raisons climatiques (moins de moustiques), militaires (facilité de défense), sentimentales (prestige d’un palais dominant orgueilleusement la plaine nigérienne). L’aménagement de ce site, choisi pour sa salubrité et sa sécurité, était considéré par certains comme couteux et inutile. La cité administrative de Koulouba, née de la volonté de l’administration coloniale française, s’est installée sur les collines épousant les sommets de deux d’entre elles. C’est un quartier paisible et verdoyant dont la vie tourne au tour du palais et de quelques bâtiments administratifs. Il a été bâti de toutes pièces pour une ville devenue capitale de colonie le 15 mai 1908.
La conception : Il devint opérationnel en 1908 après 4 ans de travaux. Le siège du pouvoir a été rationnellement aménagé. Il constitue une unité cohérente, bien que composé d’espaces représentant des intérêts particuliers. Contrairement à d’autres villes situées sur des plateaux et devenant des centres économiques, la cité administrative de Koulouba, voulue par le Général De Trentinian et réalisée sous la direction du capitaine de Génie, Lepoivre, est conçue comme une acropole incarnant le pouvoir politique et demeure un exemple unique de l’urbanisme en Afrique.
Des multiples plans proposés, celui choisi a été dessiné avec précision. Sa forme s’accorde avec la colline. L’espace est ordonné et organisé. La disposition et l’architecture des maisons ont été pensées pour émerveiller. Koulouba, autrefois surnommé “la colline inspirée”, est une œuvre de prestige, symbolisant par son style voulu et son organisation spatiale la puissance de l’autorité qui y est installée […]
La fière allure de Koulouba a incité les gouverneurs à y construire leur palais et leur ville administrative avec probablement des raisons sanitaires (moins de moustiques) qui ont joué pour le Point G, cité médicale. Peut-être aussi ont-ils été obsédés par le souvenir de tant d’acropoles européennes qui avaient jadis leur justification dans la défense plus que dans la beauté du panorama (Athènes, etc.)
L’environnement : Sur la colline s’étend la réserve forestière de Koulouba. Le terme de forêt semble prétentieux. Il s’agissait de taillis, d’arbustes assez rabougris qui, dans l’esprit des fonctionnaires des Eaux & Forêts, devaient devenir des arbres véritables (caïlcédrat, néré, karité, kapokier, etc.) Véritable prouesse de la technique, une voie nouvelle, remplaçant l’ancienne abrupte et pénible, serpente entre les collines des points G et F et franchit allègrement un dénivellement de plus de 106 mètres. Le promontoire aride et inhabité ne pouvait être atteint que par des sentiers sinueux. Afin d’aménager cet espace, de gros travaux seront effectués. Les troupes, auxquelles s’ajoutent les “indigènes” réquisitionnés, édifient en premier lieu une route qui remonte depuis la plaine de Bamako de pente abrupte de 108 mètres de dénivellement. Cette voie empierrée permet l’acheminement des matériaux de construction, notamment des pierres extraites des carrières au pied de la colline.
Le long de la voie unique et à des distances régulières, sont érigés des bâtiments administratifs au nombre d’une trentaine, la plupart en pierre du pays. Il n’a pas été prévu de murs d’enceinte comme pour permettre à la fois aux Maîtres des lieux d’avoir l’œil sur l’ensemble et aux habitants de contempler la nature environnante des plateaux et de la plaine. Une abondante végétation (arbres et fleurs) régulièrement taillée et soigneusement entretenue contribuait à l’adoucissement du climat. L’alimentation en eau de la colline est établie : des sources avoisinantes sont captées et des pompes mécaniques sont installées permettant de remonter l’eau du fleuve. […]
En 1915, la Poste initialement prévue à Koulouba, est édifiée dans la plaine, à proximité de la gare routière. De plus l’accroissement de la population rend ce bâtiment plus utile en ce lieu. L’architecture de cet édifice est légèrement modifiée à l’occasion de ce déplacement. L’idée de construire la totalité des bâtiments administratifs sur la colline est abandonnée, notamment en raison du coût de la construction. La voie débouche sur la grande place du Palais. Celui-ci domine l’ensemble à l’exception du château d’eau. Sa situation à la lisière de la colline en fait un observatoire privilégié et des édifices de Koulouba et de la vallée de Bamako. Sa conception et sa majesté magnifient le pouvoir qui y habite.
Koulouba demeure un lieu en dehors de l’agglomération et incarne le pouvoir politique. Cette cité est conçue comme une acropole : le palais du gouvernement implanté à la lisière de la pente dominant la ville est l’aboutissement de la voie venant de la plaine, celle-ci étant bordée par les bâtiments de l’administration et finissant sur une grande place depuis laquelle on accède au palais. […]” (L’Essor du 29 mai 2006, P.4).