En intégrant la catégorie de jeunes du Stade malien de Bamako au milieu des années 1980, Boubacar Sanogo ne faisait pas exception à tous ces enfants que les ainés du quartier amenaient dans les clubs pour donner un sens à leur talent. Son statut d’ailier de métier, ses qualités de dribbleur et de buteur lui garantissent une place de choix auprès des indéboulonnables Seydou Diarra Platini, Yacouba Traoré Yaba et Mahamadou Cissé Tostao. L’émergence du jeune prodige de N’Tomikorobougou oblige l’entraineur Molobaly Sissoko a revoir son dispositif d’assaut. Bien lui en prit, parce que celui que le public sportif finira par surnommer ” Sanogo ” tout court apportera un grand plus à l’attaque stadiste. Son homologue de l’équipe nationale, Kidian Diallo, lui emboitera le pas, en confiant l’animation de l’attaque des Aigles au jeune Sanogo. Come-back sur l’histoire de celui qui a forcé l’admiration du public sportif malien dans le cadre de la rubrique “Que sont-ils devenus ?”
La génération des Boubacar Sanogo était nos ainés au second cycle fondamental de Darsalam. Cependant, nous étions étonnés que l’entraineur du Stade à l’époque envoyait son véhicule le prendre à l’école, à la fin des cours de l’après-midi. Certes, on savait qu’il jouait au Stade, mais pourquoi le coach accordait-il tant d’importance à un type qui passait inaperçu dans la cour de l’école ? En son temps, il était très difficile pour nous de comprendre l’attitude de Molobaly Sissoko, parce que nous n’étions pas dans la même logique. La réalité est qu’il venaitt de découvrir les atouts du jeune dans l’animation du jeu offensif du Stade dans un contexte où il était indéniable que Yaba avait le secret des accélérations, Tostao était un rat des surfaces de réparation et Platini avait le don des buts (souvent anthologiques), surtout dans les moments difficiles. Mais l’arrivée de Boubcar Sanogo obligea l’encadrement technique des Blancs (le Stade) à utiliser Tostao comme un joker.
Ôtez-vous que je m’y mette !
Evoluant sur le couloir droit, Boubacar Sanogo était un ailier de métier, qui savait dribbler, centrer et marquer des buts. Très nonchalant et donnant l’impression de balancer dans ses mouvements, Sanogo ravageait tout sur son passage. La finale de la coupe du Mali de 1986, la coupe Cabral à Bamako en 1989, les rencontres des éliminatoires de la CAN de 1990 contre le Maroc et la Côte d’Ivoire sont des repères concrets pour rappeler les atouts d’attaquant de charme de l’enfant de N’Tomikorobougou.
Face aux Eléphants à Bamako, il a mis en déroute les défenseurs ivoiriens Obou Arsène et Aka Kouamé Basile à tel point qu’Oumar Ben Salah ne s’est pas s’empêché de faire des remontrances à ses deux coéquipiers. Bref, nous n’allons pas refaire l’historique des commentaires de Djibril Traoré et de feu Demba Coulibaly sur Boubacar Sanogo. Mais toujours est-il que le jeunot avait des qualités techniques exceptionnelles et une vision de buteur.
C’est au milieu de la saison 1984-1985 que Boubacar Sanogo a rejoint les juniors du Stade malien de Bamako par le canal d’un grand frère de quartier. Celui-ci le repéra dans les compétitions inter quartiers, pour l’amener dans la famille blanche. Sinon, il a fait ses débuts à côté des rails, non loin de la station Sékou Fofana dans l’équipe Gwa Forô (champ de gombo, en bambara).
Il n’aura passé qu’une saison avec sa catégorie d’âge. Artisan actif du sacre des juniors au tournoi de l’Amitié, il démontra à l’occasion de la coupe Corpo au compte de la Bmcd, que son précedent exploit n’était pas un fait du hasard. L’encadrement technique qui a eu les échos de sa progression le tient à l’œil . Pour avoir le cœur net et en technicien avisé, le coach Molobaly Sissoko organise un match entre les séniors et les juniors. Boubacar Sanogo n’en attendait pas moins pour se trascender et donner un signal fort à tous ceux-la qui murmuraient à côté qu’il est encore jeune pour intégrer la jungle occupée par Lassine Soumaoro, Mamadou Coulibaly dit Kouicy, Aly Diarra, Platini, Yaba, Tostao, Diofolo Traoré, Bréma Gueye, Boubacar Coulibaly dit buteur patenté, Kabirou Bah et autres. A la fin du match d’entrainement, Molo demanda publiquement au jeunot Sanogo de s’entrainer désormais avec les seniors. Il avait 19 ans. Cette décision du coach, selon notre interlocuteur, avait pour but de le responsabiliser et de le canaliser afin qu’il ne soit pas lui aussi un enfant égaré de la famille blanche. Sanogo, dans la cour des grands, ne se soucie pas de la concurrence ou ne se laisse pas dominer par la complaisance. Parce qu’il est sûr que le talent est comme le soleil. C’est-à-dire que nul ne peut le contenir quand il décide d’apparaitre. Donc, le jour où l’encadrement technique lui donnera une chance, il en profitera. Souvent convoqué pour ensuite être remercié dans les vestiaires, parfois abonné au banc de touche, Sanogo ne s’est pas laissé emporter par le découragement. Son batpême de feu à la faveur du tournoi d’ouverture de la saison 1985-1986, en finale de la coupe Bmcd contre le Réal, lui permettra de quitter carrement le banc. Introduit en deuxième mi-temps, il crée le désordre dans le bastion défensif des Scorpions pour offrir la victoire à son club qui s’impose au finish par 3 buts à 0. Comme une trainée de poudre, les nouvelles sur Sanogo dominent l’actualité sportive, dans les rues, à la radio et dans le journal Podium. Le lendemain de la rencontre, le terrain d’entrainement des Blancs est pris d’assaut par les supporters pour voir de près ce joueur qui, 72 h auparavant, ne representait pas grand-chose à leurs yeux devant les Platini, Abdoulaye Kaloga, Yaba etc . Cette popularité spontanée lui est-elle montée par la tête ? Non, répond Sanogo. Mais, il s’est dit que c’est le moment de serrer la ceinture pour être comme ses ainés qui ont écrit de belles pages de l’histoire du club et de l’équipe nationale.
A cœur vaillant , rien d’impossible, a-t-on coutume de dire, l’enfant de N’Tomikorobougou s’imposa vaillamment comme un élément incontournable de l’attaque stadiste par ses qualités de dribbleur et de buteur.
Et le rêve de Belgique
fut brisé !
Avec les Blancs, Boubacar Sanogo remporta deux coupes du Mali ( 1986 et 1988) et trois titres de champion. L’entraineur des Aigles Kidian Diallo, deboussolé par la débacle contre les Elephants de Côte d’Ivoire en 1985, (éliminatoires CAN 1986) opta pour un renouvellement progressif de son effectif. C’est dans cette optique que Boubacar Sanogo et d’autres révelations furent convoqués en équipe nationale. Inutile de rappeler que Sanogo n’a pas démerité. Le public sportif malien se souvient encore de ses pénétrations et dribbles éliminatoires lors du tournoi Cabral ( organisé en 1989 à Bamako avec à la clef le trophée de meillleur buteur ) et surtout les éliminatoires de la CAN de 1990 contre le Maroc (0-0 à Bamako et 1-1 à Marrakech) et face à la Côte d’Ivoire ( 2-2 à domicile et 3-1 à Abidjan). La même année de 1989, l’opportunité de signer un contrat professionnel lui sourit.
Comment ce rêve s’est-il transformé en cauchemar ? Boubacar Sanogo revient sur les pérégrinations entre Bamako et Bruxelles : “Dans le cadre de la coopération entre le Mali et la Belgique, il y avait l’entraineur belge qui a épaulé notre encadrement technique pour la coupe Amilcar Cabral. C’est lui qui m’a amené dans son pays pour évoluer au FC Maline. A notre arrivée, le club était parti en stage en Espagne. Mais les dirigeants ont suggeré que je reste pour trois mois au bout desquels je signerai un contrat. Mon mentor a refusé catégoriquement. Il m’amena dans un autre club, Beverène, où j’aurai pu rester après la réussite de mon test. Mais le problème qui s’est posé était relatif au quota de joueurs étrangers. J’ai pris la décision de rentrer au pays quand le technicien belge m’a proposé un club de troisième division. Puisqu’il n’a pas voulu accépter la première proposition, j’ai déduit qu’il cherche plutôt son intérêt sur mon avenir. J’ai plié bagages, malgré les nombreuses interventions”.
La suite des événements confirme l’adage selon lequel un malheur ne vient jamais seul. A son retour au Mali, Boubacar Sanogo est victime d’une blessure au genou contre l’AS Réal de Bamako. Ce choc entraina une intervention chirurgicale en 1990 en France entièrement financée par son club, le Stade malien de Bamako. Contre toute attente, il s’est avéré que cette opération n’a pas été une totale réussite. Boubacar Sanogo décida de retourner en France pour une deuxième intervention. A l’immédiat, les Stadistes n’ont pas pu payer ses frais, mais ils ont promis de les rembourser intégralement.
Si Zoumana Sacko, en son temps Premier ministre de la Transition d’ATT a payé son billet, Sanogo dit avoir financé son opération à 3 990 000 Fcfa. Mais le drame est que, jusque-là, les dirigeants n’ont pas tenu leur parole.
A-t-il apporté les pièces justificatives ? A-t-il approché les dirigeants du club ? Comment les choses se sont-elles passées ? Sanogo est catégorique dans son argumentation : ” Avant mon départ pour la France, les dirigeants m’ont promis de rembourser mes frais. Dommage qu’à mon retour, rien n’y fit. J’ai apporté toutes les pièces justificatives de mon opération. Le directoire me disait toujours d’attendre. En 2005, l’année du sacre du club en coupe CAF, on pouvait certes me rembourser, mais Boukary Sidibé dit Kolon n’a pas tenu parole. Parce qu’il a dit à l’ex président Dioncounda Samabaly que je serai remboursé dès que l’argent de la CAF va tomber. Il n’a pas honoré son engagement, pourtant sur les rétombées du sacre du Stade, il s’est fait rembourser toutes les dépenses qu’il a engagées dans le club. Il est incompréhensible que les dirigeants se fassent rembourser sur le dos du club quand l’occasion se présente et que quand il s’agit du remboursement des joueurs, ces mêmes dirigeants trainent les pieds. Ceux qui sont venus après les présidents Dioncounda Samabaly, Mahamadou Samaké dit Sam ont tendance à me rouler dans la farine. Je veux parler de Boukary Sidibé dit Kolon et Me Boubacar Karamoko Coulibaly. Ce dernier a même cessé de prendre mes appels. C’est une promesse que le club a prise pour moi. Donc, il doit s’en acquitter quel que soit le changement de directoire. Mais …..”.
Après sa période de convalescence et de réeducation, Sanogo reprend sa place au Stade et en équipe nationale pour les éliminatoires de Tunis 1994. Mécontent du traitement que lui réserve l’entraineur feu Mamadou Keïta dit Capi, il décide de quitter l’équipe nationale. Sur le coup, le président de la Femafoot à l’époque, Amadou Diakité, le dissuade d’une éventuelle décision et lui conseille de rester dans le groupe jusqu’à ce que Capi aille au bout de sa logique. Qu’est-ce qui pouvait motiver cette animosité entre l’entraineur et lui ? Sanogo donne sa version des faits : “Capi avait des directives parfois dérangeantes pour l’ambiance dans le groupe. A ma manière, je n’étais pas d’accord. Donc, il m’arrivait d’adopter des comportements pour chauffer le coin et créer l’ambiance dans le groupe . Il a compris que je suis en train de brader son autorité. Il n’a pas hésité à me remercier”.
De cette date jusqu’à sa retraite en 1999, Boubacar Sanogo s’est contenté de jouer avec son club, même s’il n’était plus animé par cet engouement de ses debuts au Stade en 1985.
Le football l’a-t-il nourri ?
L’enfant de N’Tomikorobougou dit qu’il ne saurait être un ingrat vis-à-vis de la disicpline, mais vu son talent, il méritait mieux et aurait sans doute gagné plus, si son contrat en Belgique avait été concluant.
Ses bons souvenirs ? Ce sont ses prestations contre la Côte d’Ivoire et le Maroc, le tournoi Cabral et son trophée de meilleur buteur, et enfin ses titres de meilleur joueur en 1988 et 1989. Comme mauvais souvenir, Boubacar Sanogo retient ses deux blessures qui ont eu un impact sur sa carrière.
Marié et père de cinq enfants, il a décroché un emploi à l’Asecna, quelques mois seulement après sa retraite footballistique, par le canal de son grand-frère. Malgré son emploi du temps, il suit de très près le football malien dont il a contribué au rayonnement.
O. Roger SISSOKO