La terrible crise, sans précédent, qui a gravement secoué la grande concession Mali a fait vibrer fébrilement toutes les maisons des institutions, associations et organisations sans aucune exception. Ces secousses n’ont pas épargné la grande maison religieuse du Haut Conseil Islamique du Mali que préside l’Imam Mahmoud Dicko. C’est dans le but d’éviter une crise post-électorale à l’ivoirienne que le président Dicko et les membres de son bureau ont organisé, le 26 mai dernier, une journée de réflexion sur ce thème : « Le rôle des leaders musulmans dans la tenue d’élections apaisées et la réconciliation nationale ». Oui, le Mali vit une période exceptionnellement compliquée de son existence.
Dans son discours lu, le président du Haut Conseil Islamique a fait une bonne analyse contextuelle de la situation problématique d’un Mali désorienté dans un monde globalisé et monopolisé en ces termes :
« Le Mali, pays de culture de la paix, de la tolérance et du vivre ensemble se doit de retrouver ses valeurs cardinales de dignité, d’intégrité et de courage intellectuel et physique qui ont toujours caractérisé la qualité de vie hautement conviviale de notre société pluriculturelle forgée par toutes les communautés qui la composent. Cependant nous ne faisons pas fi des réalités du monde actuel car à mesure que les dimensions temps et espace se rétrécissent, les similitudes et les différences apparaissent plus distinctement et les défis deviennent alors communs. C’est pourquoi nous proposons une approche religieuse concertée entre tous les pays de l’espace de la CEDEAO. Cela permettra, à notre sens, de dissocier l’islam, miséricorde divine, de cette violence faite en son nom. En dépit de la victoire militaire une reconversion des mentalités est à envisager pour faire face aux interprétations erronées des préceptes de l’islam ».
Quant à son discours sans papier, l’éloquent imam Dicko a annoncé une importante décision à la grande masse musulmane précisant que le Haut Conseil Islamique ne donnera pas de consigne de vote aux musulmans lors de cette élection. Il justifie cette décision par le fait que le secrétaire général du Haut Conseil Islamique est aussi le président de la CENI, Commission Electorale Nationale Indépendante. D’autre part, les musulmans « sont suffisamment responsables pour savoir pour qui ils doivent voter », a-t-il commenté.
Concernant le renouvellement du bureau du Haut Conseil Islamique dont le mandat est terminé en janvier dernier, le président Dicko s’est clairement expliqué : « S’il y a un point…qui est facteur d’incompréhension, c’est bien l’organisation du Congrès du Haut Conseil Islamique…nous avons pris toutes les dispositions statutaires pour que ce congrès se tienne. Ce sont les responsables des familles fondatrices de Bamako qui nous ont demandé de ne pas organiser de congrès en cette période d’état d’urgence que vit le pays. Le président de la république par intérim est lui aussi du même avis. Il faut que les gens comprennent qu’il n’y a pas de problème ni de désaccord entre les musulmans, ce n’est qu’une question d’humeur qui arrive dans toutes les sociétés et toutes les organisations. Il n’y a pas de querelles entre nous. », a-t-il martelé en français.
Dans son allocution en Bambara, il a incité les musulmans à accomplir leur devoir de bons citoyens « …Vous devez sortir massivement pour élever le taux de participation à cette élection qui est pour nous un examen de sortie. L’intégrisme religieux ne marche pas dans ce pays. L’intégrisme laïc aussi ne marche pas non plus dans ce pays. La bonne intelligence, c’est de choisir le juste milieu.
Concernant cette affaire de congrès du Haut conseil, la crise qui prévaut nous empêche de le tenir… autour de ce congrès, il ne peut y avoir de conflit entre nous musulmans car je jure, au nom de Dieu, être prêt à tout concéder pour sauvegarder la concorde. S’il le faut, je vais quitter mon poste… A la fin de l’état d’urgence nous ferons le congrès…Mais si quelqu’un proteste contre cette situation, c’est son droit absolu d’avoir une autre opinion… », a noté, avec insistance, le président Dicko.
Quand le président de l’Union des Jeunes Musulmans du Mali(UJMMA), Mohamed Macky Bah, proteste et propose
C’est un peu plus de 48 heures avant ces propos ci-haut tenus par le président, Mahmoud Dicko, que le président de l’Ujmma, Mohamed Macky Bah, a fait une sortie médiatique pour dénoncer certaines situations au sein du Haut Conseil Islamique du Mali. Il a vu d’un mauvais œil des mouvements de certains jeunes musulmans et le non renouvellement du bureau du Haut Conseil Islamique dont le mandat est arrivé à terme le 31 janvier dernier.
Dans le but de vous faire bien comprendre le réel climat qui règne au sein de cette communauté musulmane, nous avons rencontré le président, Mohamed Macky Bah, qui nous a explicité sa compréhension de la situation.
- Option : Bonjour monsieur Bah, à quelques trois jours de la journée de réflexion du Haut Conseil Islamique, vous avez fait des dénonciations publiques de certaines situations, pourquoi ?
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- Mohamed Macky Bah : Notre récente conférence de presse à la quelle vous faites allusion était basée sur deux principaux points :
Le premier est la condamnation des comités islamiques en installation dans nos mosquées par certains jeunes pour les prochaines élections.
Nous avons constaté que des jeunes installent ces comités islamiques au nom de l’UJMMA alors que nous, les responsables, ne sommes pas préalablement informés. Nous avons ensuite su que l’installation de ces comités est une mission pilotée par le deuxième secrétaire à la jeunesse du Haut conseil Islamique. Alors que nous de l’Ujmma croyons que la sensibilisation et la mobilisation peuvent être faites sans la création de ces comités dans nos mosquées. Le ministère des Affaires religieuses et du Culte qui a été informé d’une telle pratique avait cru que c’est l’œuvre de l’Ujmma. Celle-ci étant constituée de la crème des associations de jeunes musulmans. Donc, l’Ujmma est la plus connue dans ce milieu juvénile. Beaucoup de gens, avant de comprendre, s’en prennent à nous. Même le fils du grand Imam de Koutiala était venu me voir. Nous recevons de l’intérieur des appels de demande de renseignement sur le sujet. Nous ne pouvions pas continuer à nous taire face à de telle implantation, même temporaire, de ces comités électoraux dans les mosquées. Ainsi nous avons tenue la conférence de presse pour demander au gouvernement d’intervenir contre une telle politisation de nos mosquées qui est socialement dangereuse.
Le deuxième concerne le non renouvellement du bureau du Haut Conseil Islamique depuis près de 6 mois.
Selon l’article 57 du texte réglementaire, le bureau du Haut Conseil doit être renouvelé au terme de son mandat. Si la situation d’état d’urgence du pays n’a pas empêché l’installation de ces comités islamiques électoraux, sous la couverture du Haut Conseil, elle ne devrait pas être un obstacle au renouvellement d’un bureau dont le mandat est terminé. L’Ujmma est membre du Haut Conseil comme plusieurs autres associations musulmanes. L’Ujmma a toujours souhaité que le Haut Conseil soit, dans ce processus électoral, un arbitre qui ne donne pas de consigne de vote.
Nous avons rappelé la légalité sans aucune méchanceté. Car, nous avons dit qu’à défaut de pouvoir tenir le congrès, le Haut Conseil doit installer un bureau provisoire. Il n’est pas du tout interdit que le président actuel, Dicko, soit choisi pour diriger ce bureau provisoire. J’ai vu un journal qui a titré que « Macky Bah réclame la démission de Mahmoud Dicko » et un autre mentionne : « Les jeunes musulmans exigent le départ de Dicko ». Ces déclarations ne sont que des déformations de l’information. L’Ujmma n’a ni écrit ni parlé de cela. Beaucoup ne savent pas que l’Ujmma a trois présidents d’honneur que sont : Mahmoud Dicko lui-même, Chérif Ousmane Madani Haidara et le grand Imam de Bamako, Kokè Kallé. Ce lien respectueux ne doit pas nous empêcher d’exprimer nos craintes mais sans aucune haine.
A la lumière de ces propos pondérés, l’on comprend aisément que la grande Communauté musulmane malienne qui est largement démocratisé reste ouverte aux débats d’idées dans le respect et la confiance mutuels.