C'est un soutien de taille que vient d'engranger Soumaïla Cissé, qui affrontera dimanche dans les urnes Ibrahim Boubacar Keïta au second tour de la présidentielle : le chérif de Nioro, qui compte parmi les trois chefs religieux les plus puissants du Mali.
Soumaïla Cissé est en quête de soutiens. Arrivé second avec 17,78 % des suffrages exprimés, loin derrière Ibrahim Boubacar Keïta, crédité de 41,70 %, le candidat de la plateforme « Ensemble restaurons l’espoir » en a besoin en vue du second tour, prévu le 12 août. Mardi, c’est à Nioro du Sahel, près de la frontière avec la Mauritanie, qu’il est allé en chercher auprès du puissant guide spirituel Mohamed Ould Bouyé Haïdara, surnommé le chérif de Nioro.
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La rencontre a eu lieu dans l’une des villas d’accueil du chef religieux, en présence de ses trois fils, qui ont parfois assuré le rôle de traducteur entre ce dernier, qui s’exprime en hassanya (arabe dialectal parlé au Mali et en Mauritanie), et Soumaïla Cissé, qui lui répondait en bambara. Les deux hommes ont échangé pendant un peu plus d’une heure.
À l’issue de la rencontre, le chérif de Nioro, qui avait apporté son soutien à Aliou Diallo au premier tour, a tenu des propos sans ambiguïté au chef de file de l’opposition : « Au premier tour, j’ai soutenu Aliou Diallo. Aujourd’hui, Aliou n’est plus dans la course, sa place vous revient. (…) Pour vous faire élire, nous avons décidé de multiplier nos efforts par trois. Vous êtes notre candidat au second tour de l’élection présidentielle. »
Visiblement satisfait, Soumaïla Cissé a pour sa part salué un homme « extrêmement ouvert » et « très au fait de ce qu’il s’est passé à Bamako et dans le reste du pays : le bourrage des urnes, l’accaparement de l’élection… »
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« Il met le Mali au-dessus de tout le monde et de tous les candidats », a-t-il ajouté, affirmant s’être « nourri » des conseils et « orientations » donnés par le chef religieux. « Nous en tiendrons compte dans tout ce que nous ferons », a conclu le candidat.
Quel poids électoral ?
De quel poids électoral peut se prévaloir le chérif de Nioro ? Descendant de Cheikh Hamallah, fondateur de la branche hamalliste de la confrérie Tidjane, considéré comme la figure religieuse « historique » du pays, il dispose d’un poids symbolique très fort, ainsi que d’importantes ressources financières. Avec Mahmoud Dicko et Madani Haïdara, ils forment le trio des chefs religieux les plus influents au Mali.
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À Bamako, certains considèrent que « les 8 % de voix obtenues par Aliou Diallo viennent des électeurs du chérif de Nioro », comme l’estime un membre de la direction de campagne de Soumaïla Cissé. L’homme d’affaires a, de son côté, fait savoir qu’il ne donnerait pas de consigne de vote pour le deuxième tour, laissant la liberté de choix à ses électeurs.
En 2013, le chérif de Nioro avait soutenu Ibrahim Boubacar Keïta lors de la campagne présidentielle. Mais au fil du quinquennat, les relations entre les deux hommes se sont dégradées. La rupture a été consommée en 2017, lorsque le chérif de Nioro s’est opposé frontalement à IBK. Sur instruction de l’État turc, le groupe scolaire Horizon – qui appartient à Fethullah Gülen, l’ennemi juré du président turc Recep Tayyip Erdogan -, a alors été fermé à Bamako.
« Le chérif de Nioro, qui a des connexions avec ce prédicateur, avait demandé à IBK de ne pas laisser la fermeture intervenir. Le président malien n’avait pas réagi, privilégiant les bonnes relations entre le Mali et la Turquie », rapporte une source proche de la présidence, qui souligne que cette intervention du chef religieux sur un dossier « qui relève de la souveraineté de l’État », a agacé le président malien.