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L’Afrique perd un grand ami : Le Professeur Samir Amin n’est plus !
Publié le mardi 14 aout 2018  |  Le Pays
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Dimanche, 12 août 2018, l’altermondialiste Samir Amin s’en est allé. Ce Franco-Égyptien qui n’a eu d’autres amis que l’Afrique, notamment les Maliens et les Sénégalais, a su associer le militantisme et l’enseignement. Le monde entier perd un grand intellectuel.

Professeur à Poitiers, à Vincennes, à Dakar, fondateur de l’Institut africain de développement économique et de planification, agrégé en sciences économiques, Samir Amin est mort le dimanche 12 août dernier à Paris. Ce penseur marxiste est auteur d’une cinquantaine d’ouvrages dont Le Développement inégal. Ouvrage l’ayant propulsé mondialement en tant qu’altermondialiste. Rappelons que la principale lutte que n’a cessé de mener ce professeur est celle contre le capitalisme, l’impérialisme qui détruit les jeunes États africains. Ecrivain marxiste, il n’a jamais cessé de voir les États africains en victime. L’une de ses caractéristiques fondamentales constitue son optimisme quant au développement de l’Afrique. Rappelons également qu’il a été conseiller de Modibo Keita entre 1960 et 1963.

Parlant de la sécurisation du Mali, ce professeur n’a pas manqué de faire comprendre que ce pays, ainsi que la plupart des pays du Sahara, souffrent d’un projet qu’il intitule « Sahélistan », une entreprise existant depuis De Gaulle, mais mise en œuvre aujourd’hui par les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Allemagne. Néanmoins, il est resté convaincu que le Mali peut être sécurisé par les militaires maliens : « La reconstruction de l’armée malienne relève du tout à fait faisable. Le Mali de Modibo était parvenu à construire une force armée compétente et dévouée à la nation, suffisante pour dissuader les agresseurs comme le sont les islamistes d’AQMI aujourd’hui. Cette force armée a été systématiquement détruite par la dictature de Moussa Traoré et n’a pas été reconstruite par ses successeurs. Mais le peuple malien ayant pleine conscience que son pays a le devoir d’être armé, la reconstruction de son armée bénéficie d’un terrain favorable. L’obstacle est financier : recruter des milliers de soldats et les équiper n’est pas à la portée des moyens actuels du pays, et ni les États africains ni l’ONU ne consentiront à pallier cette misère. »

Samir Amin s’est dit dit confiant en la capacité du peuple malien à relever les défis et cela contrairement à ce que pensent des esprits malintentionnés qui font croire que ce peuple n’est pas mûr pour la démocratie. « Le peuple malien bénéficie depuis la chute de Moussa Traoré de libertés démocratiques sans pareilles. Néanmoins cela ne semble avoir servi à rien : des centaines de partis fantômes sans programme, des parlementaires élus impotents, la corruption généralisée. Des analystes dont l’esprit n’est toujours pas libéré des préjugés racistes s’empressent de conclure que ce peuple (comme les Africains en général) n’est pas mûr pour la démocratie ! On feint d’ignorer que la victoire des luttes du peuple malien a coïncidé avec l’offensive « néolibérale » qui a imposé à ce pays fragilisé à l’extrême un modèle de lumpen-développement préconisé par la Banque mondiale et soutenu par l’Europe et la France, générateur de régression sociale et économique et de paupérisation sans limites », disait Samir Amin en 2013 lors d’une conférence.

Sur l’intervention française au Mali lors de la crise de 2012, le grand professeur et théoricien du marxisme ainsi que du maoïsme avait fait comprendre sa vision des faits : « L’intervention française au Mali est-elle l’exception à la règle ? Oui et non. C’est la raison pour laquelle j’appelle à la soutenir, sans néanmoins penser le moins du monde qu’elle apportera la réponse qu’il faut à la dégradation continue des conditions politiques, sociales et économiques non seulement du Mali, mais de l’ensemble des pays de la région, laquelle est elle-même le produit des politiques de déploiement du capitalisme des monopoles de la triade impérialiste (États-Unis, Europe, Japon), toujours en œuvre, comme elle est à l’origine de l’implantation de l’Islam politique dans la région. »

Nonobstant tous ces problèmes auxquels le Mali se trouve confronté, Samir Amin n’a jamais désespéré. Il a toujours vu la possibilité de reconstruire cette nation qui se caractérise par sa bravoure : « […] La reconstruction du Mali passe désormais par le rejet pur et simple des « solutions » libérales qui sont à l’origine de tous ses problèmes. »

Notons qu’à la suite de son décès, le président sénégalais, Macky Sall, n’a pas manqué d’exprimer ses émotions tout en évoquant tout l’amour de cet illustre monsieur pour l’Afrique et les Africains: « Il avait consacré toute sa vie au combat pour la dignité de l’Afrique, à la cause des peuples et aux plus démunis. Avec la disparition du Pr Samir Amin, la pensée économique contemporaine perd une de ses illustres figures. Mes condoléances émues au nom de toute la Nation. »

Notons enfin que Samir Amin est un véritable militant qui n’a cessé d’interpeler la conscience mondiale pour la suppression de la Banque mondiale, du FMI ainsi que de l’OMC puisque des outils au service du capitalisme. Il était favorable à la redéfinition de l’ordre mondial. Il part en grand homme en laissant derrière lui une immense nostalgie de sa pensée radicale qui disait les choses telles qu’elles étaient.

Fousseni TOGOLA
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