Un groupe d’experts internationaux composé des représentants de l’ICROM, de l’ICOMOS, de CRATerre, de l’Ecole du patrimoine culturel africain, de la Bibliothèque nationale de France, du groupe Aga Khan, et de l’Union européenne, s’est rendu à Tombouctou, afin de procéder à une évaluation technique et déterminer les priorités d’action de réhabilitation et de conservation à mener
Une mission conjointe organisée par notre pays et l’UNESCO a travaillé du 31 mai au 6 juin sur les dégâts subis par le patrimoine culturel et les manuscrits anciens de Tombouctou pendant l’occupation du nord. Dans un premier temps des experts du ministère de la Culture conduits par Mme Sy Aminata Haïdara, la secrétaire générale a rassemblé les premiers éléments. Puis c’est Lazar Elondou du Comité du patrimoine culturel de l’UNESCO qui a conduit un groupe d’experts internationaux composé des représentants de l’ICROM, de l’ICOMOS, de CRATerre, de l’Ecole du patrimoine culturel africain, de la Bibliothèque nationale de France, du groupe Aga Khan, et de l’Union européenne, s’est rendu à Tombouctou, afin de procéder à une évaluation technique et déterminer les priorités d’action de réhabilitation et de conservation à mener.
C’est pour communiquer les premiers résultats de cette mission d’évaluation que le ministère de la Culture a organisé, en collaboration avec ses partenaires une conférence de presse. C’était vendredi à l’hôtel de l’Amitié. Tout un panel de conférenciers s’est relayé pour tenter d’éclairer la lanterne de l’opinion nationale et internationale. Il s’agit de Bruno Maïga, notre ministre de la Culture, Auréien Agbénonci, coordinateur résident des Nations unies, Juma Shabani, coordinateur du bureau multi-pays de l’UNESCO à Bamako Lazar Elondou, chef de la Section Afrique au Comité du patrimoine de l’UNESCO, de Richard Zink chef de la délégation de l’Union européenne au Mali et de Lassana Cissé, directeur national du patrimoine culturel.
D’entrée de jeu, Lazar Elondou, tire sur la sonnette d’alarme en disant que l’étendue des dégâts subis par le patrimoine culturel est plus énorme qu’on ne l’imaginait. La destruction de certains mosaulées avait très médiatisée, mais la mission s’est rendue compte qu’il y en avait d’autres destructions qui ont eu lieu dans la clandestinité. Quant aux mosquées, elles avaient également subi des dommages. Mais les bâtiments, construits en terre en général, ils n’ont pu bénéficier des entretiens réguliers comme c’était le cas en temps normal. Les gens n’avaient plus les moyens d’effectuer le crépissage annuel. Le musée municipal était abandonné par crainte des djihadistes. Presque tous les équipements de l’Institut d’étude et de recherche Ahmed Baba ont été détruits, sans compter la brûlure d’un certains nombre de manuscrits. Si de nombreux manuscrits ont pu être transférés à Bamako, dans de mauvaises conditions parfois, ceux qui sont restés cachés ont subi de nombreux aléas naturels.
Quant au patrimoine culturel immatériel, il était presque menacé de disparition car aucune manifestation n’a pu se tenir comme celles, très importante, effectuées lors de la célébration du Maouloud. L’urgence est donc d’établir des priorités dans les actions à mener, a-t-il conclu.
Le ministre de la Culture a tenu à saluer la sollicitude de nos partenaires dans cette épreuve. Il a rappelé que l’UNESCO a organisé en février, en collaboration avec la France et notre pays une journée consacrée à la recherche de moyen et de méthode pour la sauvegarde du patrimoine culturel, mis en danger par l’occupation du Nord par des djihadistes. Puis la résolution 2100 du Conseil de sécurité des Nations-unies consacre, parmi les actions à mener après la libération, la sauvegarde du patrimoine culturel. Pour Aurélien Agbenonci, cela est une première de la part de cette institution onusienne. « Les questions de sécurité et de réparation culturel sont toutes sur le même pied d’égalité dans cette résolution » a-t-il constaté.
Quant à l’Union européenne, elle est déjà prête à aider notre pays pour la sauvegarde du patrimoine culturel mis à mal par les occupants, explique Richard Zink. L’UE dispose d’un fonds rapide et flexible afin de venir au secours du patrimoine culturel malien.
Un Comité national du patrimoine culturel a été mis en place au sein du ministère de la Culturel a révélé Lassana Cissé. Il travaille à l’élaboration d’un programme global de réhabilitation du patrimoine culturel sur l’ensemble du territoire national. En effet, a rappelé le directeur du patrimoine culturel, de nombreuses zones comme le pays Dogon, la ville de Djenné et Gao ont aussi pâti des conséquences de cette occupation. On a par exemple assisté à une recrudescence du trafic des biens culturels.
Y. DOUMBIA
—-
Protection renforcée des biens culturels : GRANDS TRAITS D’UN PLAN D’ACTION
Un séminaire national sur la protection renforcée des biens du patrimoine mondial du Mali a commencé samedi au Centre international de conférences de Bamako sous la présidence du ministre de la Culture Bruno Maïga. Il s’agit au cours de cette rencontre de définir une stratégie conjointe, gouvernement malien-UNESCO, de mise en œuvre d’un plan d’actions pour une protection renforcée des biens culturels, déterminer les actions prioritaires pertinentes à mettre en œuvre à court et moyen termes et définir des axes d’intervention en fonction des premiers diagnostics faits notamment à Tombouctou dans différents secteurs du patrimoine culturel les plus affectés par l’occupation du nord par les djihadistes et narco trafiquants.
Pour cela, a promis Bruno Maïga, des moyens humains, matériels et financiers seront mobilisés.
Dans le souci d’assurer une exécution cohérente du Plan d’action, le gouvernement a déjà pris des dispositions réglementaires par la création d’un Comité national pour la réhabilitation du patrimoine détruit des régions du nord. Ce comité œuvrera en parfaite intelligence avec les professionnels et experts venant d’autres horizons pour l’implémentation efficiente des actions ciblées. Quant à l’UNESCO, elle est engagée dans une opération d’envergure de sauvegarde d’urgence comparable aux grands projets de sauvegarde des Monuments de Nubie d’Abou Simbel en Egypte, et du site d’Angkor au Cambodge où se tiendra très la 37è session du Comité du patrimoine mondial du 16 au 27 juin 2013.
Pour le ministre de la Culture les terroristes qui occupaient le nord de notre pays se sont attaqués aux valeurs culturelles précieuses, ils cherchaient à détruire notre identité culturelle et par ricochet entraver le développement global harmonieux du pays. Les conséquences des malheureux évènements survenus sont multiples : crise sans précédent du tourisme culturel, avec ses corollaires de manque de revenus pour les communautés et les acteurs du tourisme, diminution drastique d’activités culturelles et de fréquentation des sites patrimoniaux (Tombouctou, Djenné, Mopti, Pays Dogon, etc.) ; recrudescence du phénomène du vol et du trafic illicite d’objets d’art, destruction de manuscrits anciens. A cela s’ajoutent l’interdiction d’événements culturels et de spectacles à caractère festif ou de réjouissance, et la baisse de la production artisanale. L’économie de la culture est en forte baisse ; les artistes et autres opérateurs culturels sont durement frappés et sevrés de ressources financières générées par la culture, l’artisanat d’art et le tourisme culturel.
Pour Juma Shabani, le directeur du Bureau multi-pays de l’UNESCO de Bamako, son institution sera toujours aux côtés du Mali dans le cadre de la protection et de la sauvegarde du patrimoine culturel. Il a rappelé que la mission conjointe qui vient de s’achever nous a permis d’évaluer les dégâts subis par le patrimoine culturel et les manuscrits à Tombouctou.
Pour la commission du patrimoine bâti, la restauration des mausolées détruits, la réhabilitation des cimetières et de toutes les autres sont envisagées, tout comme le crépissage de la mosquée de Djingareyber. Il faudra dès à présent faire l’état des lieux des bibliothèques des manuscrits dans les régions du nord, créer les conditions de conservation des manuscrits, créer les conditions de conservation électronique (numérisation) des manuscrits, et préparer le retour des manuscrits à Tombouctou.
La Commission Musées estime qu’il faut réhabiliter et équiper les musées ; recruter former du personnel pour les musées ; acquérir des collections pour les musées ; collecter et documenter les artéfacts et traces de la crise en vue de montrer la mémoire de l’occupation des régions par les djihadiste; doter les musées d’un statut juridique ; confectionner et implanter des signalétiques pour rendre les musées plus visibles. Enfin elle estime qu’il faut mettre la dimension musée dans le plan d’action de la commission dialogue et réconciliation.
Enfin, la Commission patrimoine immatériel propose : de procéder à la relance des activités d’expression culturelle, de faire des campagnes de sensibilisation sur les médias avec l’aide des leaders d’opinion, les leaders communautaires, les praticiens et détenteurs de savoir-faire ; entreprendre des mesures de sauvegarde et de revitalisation des éléments du patrimoine culturel immatériel par la création d’espace d’expression : festival et autres rencontres d’expression culturelle, utilisation des espaces des musées et autres institutions, etc.