Le processus électoral est toujours émaillé d’accusations de fraudes et de suspicions de bourrage d’urnes dans notre pays. Sur la question, l’ancien secrétaire général du ministère de l’Administration territoriale, Mamadou Seydou TRAORE, non moins expert du Pool d’Observation Citoyenne du Mali (POCIM), met les hommes politiques face à leur responsabilité. «S’il y a bourrage d’urnes, c’est l’opposition et la majorité qui ont bourré. On a demandé à chacun de désigner des assesseurs, si on bourre devant vous, ça veut dire que vous êtes complice», a-t-il tranché.
Interpelé sur la question lors d’une conférence de presse du POCIM à l’hôtel Radisson, ce samedi 11 août 2018, l’expert du POCIM, qui a une longue expérience dans le processus électoral au Mali, a renvoyé l’opposition et la majorité dos à dos sur cette polémique qui a toujours fait monter le mercure en périodes électorales dans notre pays.
Par rapport à la suspicion de fraudes et accusations de bourrage d’urnes, le conférencier s’interroge en ces termes : «Il n’y a pas de suspicions, il y a la volonté politique qui manque. C’est la classe politique qui décide qu’on aille dans cette direction et ça va se faire. S’il y a bourrage d’urnes, c’est des Maliens qui sont dans les bureaux de vote. Les assesseurs de l’opposition et de la majorité étaient présents dans les bureaux de vote. S’il y a bourrage d’urnes, c’est l’opposition et la majorité qui ont bourré. Ce n’est pas le ministère de l’Administration territoriale qui a établi les procès-verbaux. C’est les présidents désignés par l’administration plus les représentants de l’opposition et ceux de la majorité qui ont établi les procès-verbaux ensemble. Lors des derniers scrutins, c’était l’Administration seule qui désignait les assesseurs, maintenant qu’on a demandé à chacun de désigner ses assesseurs, si on bourre devant vous, ça veut dire que vous êtes complices.
Concernant le système de collecte des données, quand j’étais secrétaire général, j’avais mis en place un système internet, il y avait le réseau RAC, et le fax. Et je prenais la précaution de désigner les gens de l’opposition pour aller faire la collecte des données. Pour internet par exemple, c’est le présentant de la SADI qui s’occupait de ça, puisqu’ils étaient les plus grands contestateurs. Je ne sais pas si ce système continue, mais si ce n’est le cas, vous verrez que les gens vont toujours dénoncer des manipulations de résultats, mais ils ne pourront pas vous donner de preuves. Au Mali, on parle beaucoup, mais quand il s’agit d’aller aux faits, vous ne trouverez personne. L’élection se déroule dans les bureaux, mais la centralisation se fait au ministère de l’Administration territoriale. A partir de ce niveau, à moins que les hackers n’intervienne dans le réseau informatique pour pirater, sinon, ce n’est pas possible. Par ce que, ça vient en version papier, il s’agit maintenant de compiler. Si les candidats qui contestent arrivent à récupérer tous leurs procès-verbaux, ils pourront ressortir réellement ce qu’est la réalité. On peut frauder à tout moment dans une élection, j’ai assisté au Venezuela au dépouillement, malgré le vote électronique, les gens ont contesté. Il y a des techniques qui se font dans les bureaux. Mais c’est les agents électoraux qui le font. Pour cela, il faut qu’ils soient intègres. Si les gens ne sont pas intègres, ça sera difficile. A Bamako, par exemple, on achète tout le bureau. Je sais de quoi je parle. De 1991 à maintenant, je suis dans le processus. Il faut que les candidats et les partis forment leurs agents. Qu’ils soient convaincus qu’ils sont en mission d’intérêt public, qu’ils respectent le code de déontologie pour la transparence des élections.
En Côte d’Ivoire et au Gabon, par exemple, le dispositif informatique pour la collecte des données a fait du bruit. Même si nous mettons ça en œuvre ici au Mali ça risque d’être la même chose. La tabulation se fait au niveau des états-majors, et pour mettre fin à la polémique, j’aurais souhaité que chacun publie ces données après la proclamation des résultats provisoires et définitifs. En ce moment, on saura qui a fait quoi. Il faut aller modérément, nous savons qu’il y a la fraude, mais cette fraude, c’est les agents électoraux qui la font dans les bureaux. Mais à la centralisation provisoire, s’il n’y a pas les hackers, c’est presque la même chose que ce qui est sorti des bureaux de vote. Déjà, en 2013, on était parvenu presqu’aux mêmes résultats que l’administration. A 20 heures déjà, le dimanche, nous nous savions que l’actuel président était président avec 77%. Les deux acteurs étaient prévenu à partir d’ici. Pour les élections, il ne faut pas se passionner, il faut faire des analyses froides.
Sur le délai jugé trop court entre le premier second de la présidentielle au Mali, il a estimé qu’une révision de la Constitution est nécessaire sur ce point.
«Il s’agit de faire une modification de la Constitution. Son fondement, c’est la constitution. On a tenté la révision constitutionnelle plusieurs fois, mais on n’arrive pas à le faire. Il faudrait que les gens se mettent d’accord, de ne pas une faire une révision constitutionnelle, mais une modification de la constitution pour changer le délai et permettre à la campagne pour le second tour de se dérouler normalement», a-t-il expliqué. Selon lui, cela demande un dialogue politique entre les acteurs. Déjà, en 2013, le POCIM avait faits des recommandations faites par les observateurs nationaux et internationaux dans ce sens à l’issue des élections de 2013», a-t-il conclu.