Suite aux mouvements d’humeur à Bamako et les contestations nourries autour des résultats du second tour de la présidentielle du 12 août dernier, la communauté internationale basée à Bamako sort de son silence et rappellent surtout les deux camps à l’ordre et à la retenue. La communauté internationale et l’Ambassade des États unis à Bamako, partenaires stratégiques du Mali, réaffirment leur soutien et leur engagement aux autorités et au peuple du Mali pour un processus électoral calme et respectueux.
C’est un secret de polichinelle que depuis le 13 août 2018, le dispositif sécuritaire a pris une ampleur importante, à Bamako et dans les capitales régionales, en prélude de proclamation provisoire par le ministre de l’Administration territoriale, ce jeudi des résultats du second tour de l’élection présidentielle qui a opposé le président sortant, Ibrahim Boubacar Keïta, à Soumaila Cissé, chef de file de l’opposition.
Au soir du dimanche dernier (jour du scrutin deuxième tour de la présidentielle) la tension était perceptible de part et d’autre.
Les déclarations accentuent la crainte de voir le pays basculer dans une crise postélectorale. Et pour cause, le chef de file de l’opposition a d’ores et déjà déclaré qu’il ne reconnaîtra pas les résultats que doit annoncer le ministère de l’Administration territoriale.
D’ailleurs, ses partisans sont même descendus dans les rues de Bamako pour fêter la victoire de leur mentor, dans la nuit du dimanche au lundi dernier. « Boua yaa bla, Fanga Kura sigila », scandaient les manifestants (Le vieux a laissé, et un nouveau pouvoir parlant de Soumi s’est installé).
Du côté du président sortant, le directeur de campagne de l’Alliance Ensemble pour le Mali, Boukary Tréta, a affirmé, mardi 14 août, dans la soirée que les résultats issus du système de centralisation de ‘’notre QG de campagne indiquent que le candidat Ibrahim Boubacar Keïta serait réélu de manière large et confortable’’.
Au regard du mercure qui ne cesse de monter, les mesures de sécurité ont été renforcées au niveau de plusieurs lieux stratégiques de la capitale.
Le 13 août, lendemain du vote, lors d’un point de presse, organisé dans ses locaux, le général Salif Traoré, ministre de la Sécurité intérieure, qui s’est présenté en uniforme, a soutenu : « Nous avons déployé des agents des Renseignements généraux, mais aussi des militaires et des policiers en civil. Déjà, la manifestation du 11 août, qui avait rassemblé les pro-Soumaïla Cissé pour protester contre les « fraudes », avait ravivé les craintes. Dans la foule, à côté des slogans réclamant la transparence du scrutin, certaines pancartes invitaient implicitement l’armée à intervenir.
Malgré les assurances d’un scrutin transparent et démocratique données par les observateurs nationaux et internationaux, Tiébilé Dramé, le directeur de campagne du candidat Soumaïla Cissé, continue de crier à fraude et au bourrage d’urnes. Aussi, le camp de la restauration de l’espoir a-t-il déjà retiré son représentant, Abdouramane Diarra, de la Commission nationale de centralisation des résultats.
« J’ai claqué la porte [de la Commission] pour dénoncer les bourrages d’urnes que nous constatons dans les résultats qui [nous] arrivent du terrain », a-t-il confié aux confrères de RFI.
Cette déclaration contraste avec les constats des observateurs nationaux et internationaux, qui sont à tous les niveaux d’organisation du scrutin. Les observateurs indiquent ne pas avoir constaté de ‘’fraude’’.
«Je peux affirmer que nos observateurs n’ont pas observé de fraudes, mais des problèmes d’irrégularités procédurales», comme «deux cas de procès-verbaux pré signés et pré remplis» avant la fin du scrutin, a déclaré la députée européenne.
La cheffe de mission a aussi mis en exergue les «améliorations» apportées par les autorités dans l’organisation de ce scrutin, déterminant pour l’avenir du Sahel, tout en réitérant «ses appels à la transparence» pour la publication «dès que possible» de la liste détaillée des bureaux de vote fermés dimanche et l’intégralité des résultats provisoires, bureau de vote par bureau de vote.
Si les observateurs de Caritas-Mali ont constaté une très faible affluence dans les bureaux de vote, ils se sont félicités du bon déroulement du scrutin, dans un climat serein et apaisé.
« En conclusion, la bonne tenue du scrutin dans les 692 bureaux de vote observés démontre que les défis majeurs ont été relevés, notamment sur les points liés à la transparence et à la sincérité du vote », a déclaré Théodore Togo, conférencier principal.
Quant à la Mission d’observation électorale de l’Union africaine au Mali, elle « considère que le 2e tour de l’élection présidentielle s’est déroulé dans des conditions acceptables », au vu des éléments d’appréciation, dont elle dispose.
Aussi, selon la mission de l’UA, des accusations de fraude ou de tentatives de fraude ont été portées par les deux camps l’un envers l’autre.
Toutefois, précise-t-elle, ‘’la Mission ne détient, à ce stade, aucun élément tangible’’ et invite les parties à utiliser les procédures légales en la matière pour faire la lumière sur ces cas.
Face à cette montée d’adrénaline au niveau des deux camps, la Communauté internationale basée à Bamako a, dans un communiqué, réaffirme, hier mercredi, son soutien au Mali et son engagement envers les autorités et le peuple du Mali ‘’pour un processus postélectoral calme et respectueux’’.
Elle rappelle aux deux candidats ‘’leurs engagements en faveur de campagnes pacifiques avant et après le processus électoral’’.
La communauté internationale et l’Ambassade des USA à Bamako encouragent fortement les candidats et leurs partisans à utiliser les canaux légaux et constitutionnels pour régler les différends.
« La Communauté internationale se tient aux côtés des Maliens de tout bord politique, qui travaillent ensemble pour faire avancer la démocratie, renforcer la prospérité, la gouvernance et la sécurité dans leur grand pays », précise le communiqué, qui rassure également que la Communauté Internationale ‘’continuera à travailler avec les Autorités élues du Mali pour une paix durable et une véritable sécurité dans tout le pays’’.