Les pouvoirs publics annoncent des stocks potentiels suffisants, des prix stables et une exonération de 66.000 tonnes de sucre
L’approvisionnement correct, la disponibilité, l’accessibilité et la question des prix des produits de grande consommation à la veille du mois de Ramadan restent une grande préoccupation dans notre pays. En effet, chaque année, à l’approche du mois béni de Ramadan, les consommateurs maliens renouent avec la traditionnelle angoisse de voir la spectre de la pénurie s’installer avec son corollaire de spéculation sur les produits de première nécessité.
L’expérience passée montre que ces craintes ne sont pas toujours infondées. Il faut rappeler que chaque année, dès l’annonce du mois de Ramadan, les commerçants s’entrainent à jongler avec les étiquettes des produits de grande consommation, notamment le riz, le mil, le sucre, le lait et l’huile, la farine, la datte et la viande. En réaction, chaque année pour contrecarrer ce phénomène solidement installé dans nos habitudes, le département en charge du commerce multiplie les initiatives pour approvisionner et maintenir les prix en l’état, du moins pour les produits de grande consommation. L’Etat n’hésite pas à lancer des opérations « exonération » et à accorder des facilités aux importateurs de sucre, de riz, de lait et d’huile et d’autres produits très sollicités pendant la période.
66.000 tonnes de sucre seront exonérées. Partant d’une bonne intention, ces opérations n’ont pas toujours produit les résultats escomptés à cause d’un approvisionnement insuffisant des différents marchés en marchandises exonérées. C’est seulement à partir de 2010 que l’Etat a installé un système de contrôle intensifié pour suivre les marchandises exonérées des ports aux marchés.
Pour corriger les imperfections des années passés, le département du commerce a également créer un cadre de concertation permanent avec le Conseil national des prix regroupant les importateurs, commerçants grossistes, les détaillants, les associations de consommateurs, les représentants des syndicats des travailleurs. Ainsi, depuis 2010, les consommateurs observent une certaine stabilité des prix sur les produits de grande consommation pendant le ramadan.
Cette année, des dispositions particulières sont de nouveau prises assurer un approvisionnement correct du pays en produits de grande consommation et surtout conserver des prix accessibles aux consommateurs. Le Conseil des prix s’est donc réuni durant le week-end pour cerner la situation des stocks et préciser les décisions à prendre pour bien préparer le ramadan. La rencontre était présidée par le ministre de Commerce et de l’Industrie, Abdoul Karim Konaté, et a regroupé l’ensemble des membres du conseil.
Le ministre a d’abord évalué les stocks des produits de grande consommation. Abdoul Karim Konaté note à ce propos que le marché céréalier de notre pays se caractérise ces temps-ci par la stabilité des prix voire quelques fluctuations à la baisse par endroits. Ces fluctuations concernent le riz local Gambiaka à Niono, Dogofri, Shiango et Sokolo, le mil sur plusieurs marchés ruraux de la région de Ségou et le maïs à Dioïla et Bla. Ainsi, l’état d’approvisionnement des marchés est satisfaisant malgré une diminution des offres paysannes due essentiellement à la baisse de la demande.
La situation des stocks des produits de grande consommation est satisfaisante de façon générale, a-t-il constaté. Cependant, pour écarter tout risque de pénurie sur le sucre, le département a décidé de lancer une opération d’exonération sur ce produit. « Après discussion avec le département de l’Economie, des Finances et du Budget, le ministère de Commerce vient de lancer une opération d’exonération sur 66.000 tonnes de sucre à partir de ce mois jusqu’au 31 août. Un cahier de charges soigneusement élaboré à l’intention des importateurs, définit les conditions d’adhésion à l’opération. Je viens donc rappeler aux importateurs que le non respect de ce cahier de charge engendrera des sanctions », a-t-il indiqué.
Le ministre Konaté a révélé que des opérateurs économiques avaient également sollicité une exonération sur le riz. Une proposition à laquelle le patron du département du commerce n’a pas adhéré à cause du niveau du stock de riz jugé suffisant et surtout à cause de la situation économique toujours sensible de notre pays. « L’Etat est engagé sur beaucoup de fronts notamment la dotation des agriculteurs en engrais, ce qui permettra de booster les récoltes mais aussi et surtout de relancer les activités économiques. Je préfère donc privilégier les solutions pérennes sur des solutions temporaires comme l’exonération qui n’ont que des résultats momentanés. Cette année, il n’y aura donc pas d’exonération sur le riz et sur les autres produits, seul le sucre sera exonéré », a-t-il insisté. Simultanément, il tenu à rassurer les consommateurs : il n’y aura ni pénurie ni hausse de prix et la surveillance du marché sera intensifiée pendant la période par les agents de la direction nationale du commerce et de la concurrence.
Stocks rassurants et prix stables. L’exonération ne concernant que le sucre signifie que les stocks des autres produits courants sont bons. Le ministre Konaté a assuré que, de façon générale, ces stocks sont rassurants et que les prix resteront stables.
Pour le riz, le stock sur territoire est estimé à 64.919 tonnes soit 28 jours de consommation. Et les stocks sous douane ont été évalués à 5.763 tonnes. Quant aux cargaisons aux ports, ils sont estimés à près de 25.790 tonnes. Les offres de riz sur les marchés ruraux s’élèvent, elles, à 313 tonnes avec des prix évoluant en fonction de l’offre et la demande, surtout dans les zones de production. Ainsi, dans la zone de l’Office du Niger et de l’Office riz Ségou, les prix sur les marchés ruraux ont été compris entre 225 et 280 Fcfa/kg. Sur les marchés de consommation de la capitale, les catégories de riz importé ont été vendues entre 350 et 500 Fcfa/kg.
Une autre céréale très prisée des consommateurs est le mil. Les quantités de mil transigées sur les marchés ruraux suivis par l’Observatoire des marchés agricoles sont estimées 377 tonnes contre 1.227 tonnes auparavant soit une diminution de 69%. Et les prix ont évolué entre 115 et 150 Fcfa/kg contre 122 à 150 Fcfa/kg. Le prix à la consommation du mil a oscillé entre 175 et 250Fcfa/kg comme la semaine écoulée dans les marchés de la capitale.
Quant au sorgho et au maïs, leurs prix sont restés stables dans la fourchette de 100 à 125Fcfa/kg pour le sorgho et 90 à 120Fcfa/kg pour le maïs. Les quantités offertes sur les marchés ruraux ont diminué de 30% pour le sorgho et 28% pour le maïs par rapport à la semaine d’auparavant soit de 105 tonnes contre 159 tonnes pour le sorgho et 60 contre 71 tonnes pour le maïs.
Les prix et les stocks des produits importés restent rassurants. Ainsi, le sucre, deuxième produit d’importation après le riz, affiche une stabilité voire une baisse. Dans les capitales régionales, les stocks grossistes ont été estimés à 23.805 tonnes contre 27.685 tonnes la semaine passée. Les stocks sous douane sont évalués à 2.048 tonnes contre 1.006 tonnes la semaine écoulée. Les stocks aux ports de transit sont estimés à 8.899 tonnes contre 8.290 tonnes la semaine d’avant. Ainsi les stocks sur le territoire sont aujourd’hui estimés à 42.729 tonnes dont 9.876 tonnes au niveau de Sukala S.A. soit un total de 92 jours de consommation nationale.
Le prix au détail du sucre est resté compris entre 450 et 550Fcfa/kg. Ce qui donne un prix moyen de 508 Fcfa/kg contre 572 Fcfa/kg à la même période l’année dernière soit une baisse de 11%.
L’huile alimentaire très consommée pendant la période de Ramadan est majoritairement importée. Les stocks d’huile sont aujourd’hui évalués à 3.629 tonnes chez les principaux grossistes. Et les stocks sous douane s’élèvent à 784 tonnes. Ainsi, le total sur le territoire s’élève à 5.456 tonnes soit un mois de consommation. Quant au prix détail, il évolue entre 750 et 900 Fcfa/litre.
Pour la farine de blé, le stock sur le territoire est estimé à 10.175 tonnes contre dont 9000 tonnes dans les unités industrielles, 1.154 tonnes aux ports de transit et 494 tonnes chez les grossistes dans les capitales régionales. Cette quantité couvre plus de 76 jours de consommation nationale. La farine de blé est vendue entre 400 et 500 Fcfa/kg.
Et le lait, s’inquiéteront les futurs jeûneurs ? Actuellement, les stocks disponibles sur le territoire sont évalués à 2.537 tonnes. 483 tonnes sont déjà chez les grossistes soit 31 jours de consommation. Les stocks de lait sous douane s’élèvent à 2.054 tonnes. Il n’y aura donc pas de pénurie de lait.
Cette année, les consommateurs ne devraient donc pas se faire du mauvais sang. A moins d’un mois du Ramadan, l’approvisionnement semble garanti et les prix maitrisés. Les grands mouvements se concentreront sur le sucre avec une intensification prévue des opérations d’importation.
Mais pourquoi n’est-on pas totalement rassuré ? Principalement car le public reste hanté par de mauvaises expériences où batterie de mesures et belles garanties n’avaient pas empêché les spéculateurs de tondre la laine sur le dos de naïfs consommateurs. Ce sera différent cette année, nous promet-on. Touchons quand même du bois.