«Boua Foronto», prosaïquement un vieux sévère, est le sobriquet attribué à un guérisseur traditionnel du Mandé qui exerce présentement son art dans la Région de Kayes. Mais la seule évocation de ce surnom peut faire sursauter de peur le citoyen lambda. Mais «Boua Foronto» n’est autre que Siriman Kéïta, féticheur de renom qui s’occupe maintenant du traitement des malades mentaux dans le quartier de Kayes N’Di. Ce mot Bamanan «foronto» désigne le piment, un condiment reconnu pour sa saveur piquante. Fait étonnant, l’appellation de son secteur «Tièkélen-Bougou (l’habitat d’un seul homme)», peut provoquer un sentiment d’inquiétude chez quelqu’un.
Lorsque le citoyen ordinaire arrive dans le centre médical (un traitement de malades mentaux), créé par Siriman Kéïta, il a l’impression de se retrouver dans une forteresse. Un grand portail noir empêche de découvrir l’intérieur de la cour. Notre équipe de reportage a dû attendre l’arrivée d’un deuxième émissaire pour pouvoir accéder au domicile du guérisseur traditionnel. Et l’interrogatoire auquel on est soumis peut intimider le visiteur. Mais, une fois à l’intérieur du centre, la peur se dissipe peu à peu.
Le visiteur découvre des gens assis sous des hangars faits de paille ou de bois et des maisons en banco ou en semi-dur (banco mélangé de ciment). Certaines chambres n’ont même pas de portes. Une fois installé sous le hangar, le sentiment de confiance renaît chez le visiteur car, il se retrouve en face d’un communicant qui explique son travail. Sa maison n’est pas entièrement clôturée et débouche sur un ravin. Un tour du centre nous a permis d’avoir une idée sur la situation des pensionnaires qui sont répartis en deux groupes selon le sexe. Il y a des Maliens, mais aussi des Sénégalais et des Mauritaniens. Le centre héberge 54 personnes.
Le thérapeute nous présente un déficient mental, ressortissant de Kolokani, et fraîchement venu d’un placer. Il côtoie, dans des conditions de vie précaires, d’autres malades mentaux qui réclamaient au maître des lieux de l’arachide. Ils seront tout de suite servis. Certains malades mentaux défèquent dans les chambres où ils ont creusé, eux-mêmes, des trous. Les déficients mentaux agressifs sont enchaînés pour ne pas fuir.
«Boua Froronto» explique :«ici, il n’y a pas de comprimés ou de piqûres pour nos malades. Nos médicaments proviennent de la brousse puisqu’il s’agit de feuilles et d’écorces d’arbre et des plantes». La prise en charge d’un malade mental chez le thérapeute est fixée à 310.000 Fcfa. Mais, ceux qui sont satisfaits de ses prestations, lui apportent plus, dans certaines situations. Mais le thérapeute explique avoir des difficultés de recouvrement puisque certains paient une avancée de 100.000 Fcfa et ne reviennent plus au centre.
Le guérisseur exerce au vu et au su de la police et des services de santé. « Il n’y a pas de collaboration formelle entre nous et ce thérapeute traditionnel. Mais quelquefois, il nous réfère des malades», avoue le Dr Oumar Magassa, médecin-directeur du centre de santé communautaire (CSCOM) de Kayes N’Di. «Son centre a un caractère d’intérêt public. Boua Foronto rend d’importants services à la communauté», assure Ousmane Diallo, commissaire principal de la police du 2è arrondissement de Kayes N’Di. L’utilité du centre de traitement de Siriman Kéïta est admise dans la ville de Kayes.