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Soumaila Cissé: ni républicain, ni démocrate
Publié le jeudi 30 aout 2018  |  Info Matin
Lancement
© aBamako.com par Momo
Lancement de campagne du Candidat Soumaila Cisse
Bamako, Le 8 juillet 2018 le Candidat Soumaila Cissé a lancé officiellement sa campagne au Boulevard de l`indépendance
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Pour réitérer sa position sur les résultats officiels proclamés par la Cour constitutionnelle déclarant élu président de la République son adversaire de toujours, le Chef de la fronde et de la contestation aveugle, le très honorable Soumaila Cissé a choisi (voyons-y une simple coïncidence), comme en août 2013, comme cadre l’Hôtel Salam.

Dans le cadre de cet établissement feutré au bord du Djoliba, l’ancien ministre des Finances et l’ancien président de la Commission de l’UEMOA, qui y a, comme dans ses habitudes, donné rendez-vous à son monde, celui du « tout sauf IBK », conquis et acquis à l’inéluctabilité de sa prédestination à charge suprême. Dans ses grandes aises, celui qui s’auto-proclame, si facilement, spolié de sa victoire, fulmine ce jeudi 23 août.

5 ans de déni
Le tout dans sa Déclaration du 23 août est un plaidoyer pro domo, une diatribe injure à l’intelligence, à travers laquelle Soumaila Cissé tente de justifier les raisons de son déni, de sa contestation, du rejet des résultats et de la non-reconnaissance de l’élection du président IBK.
Convaincu comme il l’a martelé le 17 août que « si on exclut les résultats issus des bourrages d’urnes avérés dans de nombreux bureaux de vote des zones de l’Office du Niger et de la CMDT, ainsi que les résultats tout simplement fantaisistes dans de très nombreuses localités du Nord du pays », il sort « vainqueur de l’élection présidentielle avec 51,75 % des voix contre 48,25 % à notre adversaire », Soumaila Cissé verse en conjecture et accuse.
L’échec n’étant pas sur son registre (on se rappelle, « c’est moi ou le chaos »), Soumaila désigne les bouc-émissaires de son naufrage électoral : la Cour constitutionnelle et « l’arrêt rendu par la cour constitutionnelle n’a malheureusement donné aucun signe d’apaisement ». Soumaila Cissé appelle ses partisans et ses compatriotes à vivre « cette situation douloureuse et potentiellement dangereuse… comme une injustice flagrante, une violation grave des droits des Maliens ». Et à se révolter. Parce que, le Peuple a été spolié, son avenir volé. Oubliant que la colère est mauvaise conseillère, il décrète : « l’injustice et l’impunité engendrent la colère. La colère d’un peuple est donc de droit quand son avenir est volé ! Au-delà de ma personne et de l’espérance partagée, seul le peuple malien compte et mérite le respect », ajoute-t-il.
L’argument de la reconnaissance « sans difficulté la victoire du Président ATT et plus récemment en 2013 (celle d’IBK) en le félicitant à son domicile avec ma famille est-il décisif ?
Au nom de ce respect sacré pour le peuple du Mali, osons donc poser les bonnes questions pour avoir les bonnes réponses.
Comment un homme au parcours si éloquent jusqu’à ce qu’il s’inocule le venin de l’ambition se retrouve-t-il dans un si piteux populisme de bas étage après avoir prouvé à maintes occasions, toute la mesure de son attachement à la paix sociale et à la cohésion nationale en tant que républicain et démocrate ?
En d’autres termes, le « J’ai déjà prouvé à maintes occasions, toute la mesure de mon attachement à la paix sociale et à la cohésion nationale en tant que républicain et démocrate.
En 2002, j’ai reconnu sans difficulté la victoire du Président ATT et plus récemment en 2013, dans un geste exemplaire et unique salué dans le monde entier, la victoire de mon aîné, le président sortant en le félicitant à son domicile avec ma famille », fait-il de Soumaila Cissé un républicain ?

Républicain, Soumaila Cissé ?
Si la Grèce a inventé la démocratie, l’Italie a inventé la République… Soit l’idée d’un État fort, qui se substitue aux individus pour accomplir des tâches que les individus seuls ne peuvent remplir.
Le républicanisme, comme la République, est un concept trans-partisan. Être républicain, c’est au-delà d’être favorable au régime instauré la République, c’est être partisan de la République et être attaché à ses valeurs, à ses principes.
La République est une ; ses valeurs et ses principes sont connus. Elles sont universelles, immuables. Elles ne sont pas à géométrie variable. Elles ne peuvent être selon le bon vouloir ou au gré des ambitions contrariées.
Non désolé, pour la gouverne de Soumaïla Cissé. Qu’on dise les choses telles qu’elles sont. On ne peut se définir républicain pour avoir accepté hier le verdict des urnes et refuser aujourd’hui l’expression de la souveraine volonté du peuple exprimée, à travers ses suffrages et vouloir garder le même manteau.
Pourquoi ne pas donner acte à Victor Hugo écrit dans « Choses vues » : « des républicains de l’espèce dite « républicains farouches » ne sont autres que des autocrates retournés. Ils disent : « La République, c’est nous ! » absolument comme Louis XIV disait : « L’Etat, c’est moi !». Dans le cas de Soumaila Cissé, « c’est moi ou le chaos ».

Nulle exagération aucune !
Un coup d’œil dans le rétroviseur sur les 5 dernières permettra à tous les observateurs de la scène politique nationale de déceler le vrai de l’ivraie. L’inventaire des actes et propos tenus par l’homme permettra clairement d’établir que Soumaila Cissé est un républicain sélectif qui n’a jamais trop cru à la légitimité par les urnes.
Pour lui, le pouvoir s’acquiert, se conquiert, s’arrache. Le 29 avril 2018, au Palais de la Culture lors de la cérémonie officielle de signature du Manifeste de la coalition pour l’alternance et le changement, Soumaila Cissé ne l’a-t-il pas explicitement dit : « Si IBK refuse de céder le pouvoir, il ne nous restera plus qu’à le lui arracher, car, ce n’est pas sa propriété privée ! » (La Sirène du 7 mai 2018).
Comme si la règle « jamais deux sans trois » ne pouvait aucunement prospérer, après avoir reconnu avoir été battu deux fois (2002, 2013), Soumaila Cissé affirme à faire froid dans le dos : « je ne céderai pas, en votre nom, à faire établir votre victoire par tous les moyens légaux politiques et pacifiques.
C’est pourquoi je rejette catégoriquement et sans équivoque les résultats proclamés par la Cour Constitutionnelle. Par conséquent, je ne reconnais pas élu… le Président déclaré par elle.
Cette institution s’est discréditée en se constituant prisonnière volontaire d’un régime autocratique. »

Démocrate versatile
Logiquement implacable pour ceux qui ont en mémoire les déclarations de Soumaila Cissé le mardi 13 août 2013 dans le même hôtel Salam sur la question.
Après sa défaite reconnue au second tour tenu le 11 août 2013, le candidat de l’URD s’était fait une conviction qu’il avait exprimée ainsi, ce jour : « … la prochaine fois, je passerai… ».
Non, cet homme, Soumaila Cissé, n’a jamais été un républicain encore moins un démocrate. Derrière ses complaintes et ses dénonciations en apparence vertueuse, il y a une implacable constance de déni de démocratie et une logique de pronunciamiento (dénonciation, orchestration mensonge, manipulation, intoxication) qui a fait dire au président du Rassemblement pour le Mali, le Dr Bokary Tréta que « l’opposition malienne est putschiste ».
Hier, comme aujourd’hui, Soumaila Cissé est dans sa logique dénonciatrice. Pour ceux qui se rappellent, en 2013, il avait brandi les mêmes accusations avec presque les mêmes mots :

1. De l’arbre qui ne doit pas cacher la forêt
Vendredi 2 août 2013, exigeant lors d’une conférence de presse que des mesures concrètes soient prises pour juguler la fraude qui a caractérisé selon lui le premier tour du 28 juillet, Soumaïla Cissé affirme : « l’arbre de la grande mobilisation du peuple malien le 28 juillet ne doit pas cacher la forêt de l’impréparation, de la mauvaise organisation et de la fraude qui ont caractérisé le premier tour de l’élection présidentielle », en mettant fin au système de bureaux de vote parallèles et officieux, en sécurisant le bulletin de vote et le processus de dépouillement.
Le 23 août 2018, Soumaila Cissé paraphrase : « J’avais conclu ma déclaration après les résultats provisoires du 2e tour par cette phrase qui résumait parfaitement la situation électorale : « L’arbre de la fraude et ses feuilles de corruption ne peuvent cacher longtemps la forêt de l’espoir et du changement ». Ce n’était en aucun cas l’expression d’un quelconque état d’âme, mais l’affirmation de mon état d’esprit.

2. Revendication de la victoire
Le candidat de l’URD, qui sentait déjà sa défaite, avait invité le 2 août 2018, le gouvernement et les partenaires du Mali à prendre des mesures rigoureuses pour permettre l’expression claire et nette de la volonté du peuple. Ce qui ne l’avait pas empêché de crier victoire : « Notre victoire, la victoire du Mali, est toute proche ! Ensemble, nous restaurerons la paix au Nord, nous rétablirons la sécurité et la stabilité dans le pays. Ensemble, nous saurons combattre les bandits, les terroristes et le terrorisme » (Source : AFP 02 août 2013 20h53).
Dans les cordes en 2018, il appelle à la résistance sans jamais dénoncer à la victoire : « Marchons pour que votre libre choix soit reconnu.
Marchons pour imposer votre victoire.
Marchons pour investir en votre nom votre candidat qui ne trahira pas vos espoirs. Je vous en fais le serment.
Je le proclame haut et fort : Ensemble, nous avons gagné cette élection présidentielle. Ensemble, nous sommes vainqueurs. Les légitimes vainqueurs sortis des urnes ».

3. Des fraudes jamais prouvées
Dans une déclaration faite le 11 aout 2013, la coordination de campagne de Soumaila Cissé annonce que ses mandataires, délégués et autres agents électoraux «ont fait l’objet d’intimidation, d’interpellation et même des détentions par les forces de l’ordre» lors de la journée du second tour de la présidentielle. Selon Gouagnon Coulibaly, coordinateur national de la campagne du candidat Soumaïla Cissé, ces irrégularités ont «gravement entaché la crédibilité» des résultats (Afp).
En réaction aux accusations de fraudes énoncées par le camp du candidat Soumaïla Cissé concernant le scrutin du 2e tour de l’élection présidentielle au Mali, le chef de la mission d’observation électorale de l’Union africaine (UA), ex-Premier ministre du Togo, Edem Kodjo, avait répondu : « Je n’ai aucune preuve entre les mains. Il appartient à la Cour constitutionnelle de dire si les allégations qui ont été faites sont fondées. Nous n’avons rien observé ».
De son côté, la mission d’observation électorale de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a affirmé lundi que le scrutin du second tour s’est déroulé «de manière libre, transparente et crédible». (Xinhua).
Le 13 aout 2013, interrogé sur ses accusations de fraudes, Soumaïla Cissé a toutefois relevé ne pas désavouer son directeur de campagne Gouagnon Coulibaly qui, la veille, avait dénoncé dans des médias de la place, des cas de fraudes dans le déroulement de l’élection. M. Cissé a préféré « pour ne pas parler autrement » dénoncer des «dysfonctionnements », évoquant, à ce propos, les cas d’ «urnes trouvées dans des mosquées » dans deux quartiers de la capitale dimanche matin (11 aout 2013), ainsi que des « urnes remplies » à 8 heures déjà, ou encore de cette personne qui roulait en moto avec une urne remplie. Il a également souligné que «l’armée est intervenue dans les élections ». (Alkhabar)

Hiatus ou Duplicité ?
N’est-ce pas surprenant de la part d’un homme qui déclarait, il y a quelques heures seulement : « Ibrahim Boubacar Keita a gagné ces élections de la plus belle manière. Je me dois de le féliciter, contrairement à la tradition du coup du fil, j’ai préféré une tradition malienne de me présenter chez lui, dans son domicile, de lui souhaiter tous les succès qu’il mérite… Je déclare solennellement accepter les résultats que le Gouvernement proclamera. Je n’introduirai aucune requête auprès de la cour constitutionnelle ».
En effet, quinze (15) heures après s’être rendu chez son ainé la veille pour le féliciter de sa victoire, Soumaila Cissé, candidat malheureux de l’Urd au second tour de la présidentielle de 2013, avait organisé une conférence de presse dans la mi-journée de ce mardi 13 août 2013 à l’Hôtel Salam.
Pour l’histoire, outre de nombreux journalistes encore vivants, Soumaïla Cissé, et son épouse Mme Cissé Astan Traoré, on notait la présence de l’ancien président de l’Assemblée nationale, Ali Nouhoun Diallo, l’ancien ministre N’Diaye Ba, l’ancien président du CESC Jeamille Bittar…
Les propos de celui qui se déclare ce jour-là « démocrate », « républicain », et être « pour l’avenir de la démocratie et pour l’avenir de mon pays » tranche toutefois avec la logique et la sincérité que commandait l’histoire. En voici un extrait : « les 1er et 2e tours ont été émaillés d’irrégularités qui ont entamé largement la sincérité et la crédibilité de cette élection. L’instrumentalisation de l’armée et l’utilisation de l’appareil du commandement à des fins partisanes ont atteint une proportion jamais égalée dans ce pays. La période électorale a malheureusement été l’occasion d’une campagne nauséabonde de stigmatisation recourant à l’ethnie, à la région et à la religion. Ceux qui sont descendus dans les bas-fonds de l’ethnicisme, du racisme et de la division des Maliens ont rendu un trop mauvais service à notre pays qui se bat pour réaffirmer son unité et sa cohésion ».

Pour Soumaila Cissé « force est en effet de reconnaitre que les bourrages d’urnes, en particulier dans des localités du Nord, dans et les zones CMDT et Office du Niger sont des faits avérés qu’on ne peut plus encore décemment et ouvertement nier. »… D’après ses calculs de 2018, « si on exclut les résultats issus des bourrages d’urnes avérés dans de nombreux bureaux de vote des zones de l’Office du Niger et de la CMDT », c’est lui qui sort « vainqueur de l’élection présidentielle avec 51,75 % des voix contre 48,25 % à notre adversaire ».
Oubliant qu’ «une élection présidentielle ne relève pas d’une simple arithmétique » selon l’expression du président Jacques Chirac, Soumaila Cissé avait affirmé aussi le 13 août 2013 qu’il s’était « amusé à un simple calcul. Il y a beaucoup de bureaux de vote à 300 votants. Supposez que l’on prenne deux petites minutes pour voter : 300 votants fois deux, cela fait 600 mn, ce qui équivaut à 10h. Les bureaux ont ouvert à 8h et sont fermés à 18h, cela veut dire qu’il y a un flux continu, sans interruption, sans bavardage. Et regardez le nombre de bureaux de plus de 300 personnes. Tout cela nous interpelle ».

Que vaut la parole de Soumi ?
Comme le soulignait le confrère de la Mutation à l’époque (30 aout 2013), « en multipliant des déclarations contradictoires alors qu’il venait de poser un geste hautement salutaire pour la consolidation de la démocratie, Soumaila Cissé vient de démontrer son vrai visage en prouvant qu’il est loin d’être un républicain convaincu à moins que l’homme ne souffre de bouffées dilatoires ».
En tout cas, Soumaila Cissé est tout sauf le républicain et le démocrate dont il veut faire croire aux Maliens. En tout cas, ses déclarations sont loin de rimer avec ses actes.
Devant la presse le 13 août 2013, Soumaila Cissé a pris des engagements :

1. Contribuer à la paix, au rassemblement, à réconciliation des cœurs et des esprits
« J’aime bien contribuer à la paix, mais une personne seule ne fait pas la paix, c’est pour cela que j’ai été voir le Président pour poser un acte. C’est pourquoi j’ai dit à tous mes partisans que nous avons perdu les élections, que nous devons rester dignes et accepter la défaite. Ceci doit nous amener à un comportement vertueux par notre propre intégrité, par le rassemblement de nos forces, par l’étude de la situation, de manière à voir qu’est-ce qu’on peut faire pour le Mali demain. Dans ce cas, nous devons faire en sorte qu’il y ait une vraie réconciliation des cœurs et de l’esprit. Nous allons contribuer au rassemblement, à la réconciliation, nous serons disponibles pour aider toutes les bonnes volontés de l’intérieur comme de l’extérieur pour que la paix se consolide dans notre pays », avait-il soutenu.

2. Ne pas ouvrir une page de contestation et d’instabilité
« Pour ce qui me concerne, je ne poserai aucun acte, ne tiendrai aucun propos susceptible d’affaiblir mon pays ou de porter atteinte à la cohésion de notre nation… C’est au regard de la fragilité du pays que mes alliés et moi ne souhaitons pas ouvrir une page de contestation et d’instabilité au Mali. Alors, nous déclarons solennellement accepter les résultats que le gouvernement proclamera…
C’est une nouvelle ère qui s’ouvre pour notre pays. La plateforme politique constituée autour du Front pour la démocratie et la République (Fdr) jouera toute sa partition dans l’œuvre de régénération de notre processus démocratique, de reconstruction du pays et de restauration de la paix et de la stabilité.
Nous construirons un groupe alternatif, nous ferons des propositions, nous critiquerons s’il le faut. Nous ferons avancer la démocratie par les contradictions, des propositions, des alternatives. C’est de cela que notre pays a besoin. Je pense qu’avec mes amis, nous aurons l’occasion de définir notre ligne politique et notre agenda ». Quelle évaluation peut-on faire de ces promesses et engagements ? Comment Soumaïla Cissé s’est-il comporté depuis ? Où veut-il conduire le pays ?

Affaire à suivre
Par Sidi DAO
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