Le Syndicat libre de la magistrature (SYLIMA) et le Syndicat autonome de la magistrature (SAM), observent depuis quelques semaines une cessation de travail, transformée en ce lundi 27 aout 2018 en une grève illimitée. Les juges demandent la sécurisation des juridictions et du personnel judiciaire et la relecture de leur statut avec la revalorisation de la grille salariale. Ces deux points ont été largement expliqués aux hommes de médias le mercredi 29 août 2018 par M. Mahoumoud Kassogué, secrétaire général du SAM au cours d’un point de presse qu’il a animé au siège du SAM.
Depuis plusieurs semaines, pas de casiers judiciaires, ni de certificats de nationalité, ni de procès-verbaux ou d’autres documents, encore moins d’audiences dans les juridictions maliennes. Pour cause, la grève des deux syndicats de la magistrature.
Dans son explication, M. Mahoumoud Kassogué, secrétaire général du SAM, non moins Procureur au Tribunal du Pôle économique, dira que cette grève loin d’être fantaisiste, reste nécessaire, parce que dit-il «poussés par l’insécurité et la précarité». Pour lui, les points de revendications ne sont pas nouvelles parce que datant de 2014 et 2015. Il expliquera qu’il y a eu accord sur plusieurs points et d’autres reportés pour plus tard. «Pour la mise en œuvre des points d’accords, nous avons été butés à la mauvaise foi inqualifiable de la partie gouvernementale. Nos partenaires n’ont pas tenu leur parole ; c’est pourquoi nous sommes en grève» dit-il.
Sécurisation des juridictions et des personnels judiciaires
Parlant d’abord du premier point qui concerne la sécurisation des juridictions et du personnel judiciaire, il dira « il n’est un secret pour personne que depuis le 16 novembre 2017, la Magistrature malienne vit des heures sombres ; parce que le camarade Sounkalo Koné, président du Tribunal de Niono a été enlevé par des hommes armés à son domicile, siège de sa juridiction». Depuis, aucune nouvelle de lui. Sa famille et les magistrats sont inquiets. Pour lui, le juge Sounkalo Koné a été enlevé parce que l’Etat n’a pas su assurer sa sécurité. Il poursuivra en expliquant que quand les hommes armés enlevaient le juge Koné, il n’y avait aucun agent de sécurité à son domicile.
Car pour lui si l’Etat envoie quelqu’un travailler, surtout dans un service de répression, il doit assurer sa sécurité. Pour lui, ce cas prouve que la protection des magistrats a été reléguée au second plan et constitue une question dérisoire pour le gouvernement. « Après l’enlèvement du camarade Sounkalo, le gouvernement avait tenté de prendre des mesures pour la localité de Niono, mais quelques mois après ces simples mesures ont été dégradées pour la partie gouvernementale » ajoute-t-il. Toujours concernant ce point, il faut noter que les syndicats des juges ont eu des discussions avec le gouvernement le 1ier juin 2018.
Il faut retenir qu’au cours de ces négociations, l’Etat avait fait des promesses fermes qu’à partir du 30 juin au plus tard, les mesures sécuritaires allaient être renforcées autour de toutes les juridictions et des personnels judiciaires. « Malheureusement au 30 juin, il n y a eu aucune amélioration du dispositif, mais au contraire le dispositif existant a été dégradé : là où il y avait trois agents, il n’y a qu’un aujourd’hui et là où il y avait un, il n’y a plus » a-t-il expliqué. Sur ce point, il dira que le gouvernement trouve comme prétexte que les agents ont été envoyés en formation. Aussi, cet état des faits a été notifié à la partie gouvernementale qui n’a pris aucune mesure jusque-là. En somme, sur le volet sécuritaire, le gouvernement n’a pas tenu ses engagements.
Relecture du statut et revalorisation de la grille salariale
S’agissant de ce point, il faut aussi retenir que les revendications datent de 2014 et 2015. Expliquant cette revendication, le secrétaire général du SAM, M. Mahoumoud Kassogué dira qu’ils ont fait des études très sérieuses, parcourant les documents qui régissaient la magistrature dans tous Etats de la sous-région, de la CEDEAO, UEMOA, et d’autres sous-régions et continents. Il poursuivant en disant que faisant cela, nous sommes arrivés à une moyenne qui est l’indice 3500 que nous avons demandé au gouvernement qui a trouvé que c’était trop.
Pour lui, là, les négociations ont permis d’avoir une augmentation de 10 points d’indice sur les salaires courant l’année 2017 et que le reste allait être réexaminé au cours de la relecture du statut. «De bonne foi nous avons accepté et il était prévu que le projet de statut allait être bouclé au 31 mai 2017 et déposé sur la table de l’Assemblée nationale » dit-il. Pour ce faire, ajoute-t-il «un expert a été commis pour produire un rapport d’où il ressort que pour mettre les magistrats à l’aise il fallait que l’indice plancher soit de 700 points et l’indice plafond de 2500 points ».
Pour rappel, ledit document a été validé et avec l’onction du ministre de la Justice. Mais, rien n’a été fait pour l’aboutissement de point. Pire, explique M. Kassogué, le document a été retiré à trois reprises à l’examen du Conseil des ministres et une fois il est arrivé sans la grille. Aussi, il souligne que le gouvernement a allé jusqu’à dire que le document validé avec l’onction du ministre de la Justice ne l’engageait pas. Ce qui était inacceptable pour les juges.
«Et, encore, c’est ce même gouvernement qui mène une campagne de communication en disant qu’on a tout donné aux magistrats ; ce sont les enfants gâtés. Nous disons qu’aucun engagement n’a été respecté par le gouvernement, rien» indique-t-il. Pour lui, c’est là que les magistrats ont constaté l’échec des négociations et sont allés en grève pour une semaine.
Pour le secrétaire général du SAM, après deux semaines de grève, le gouvernement n’a pas daigné les rencontrer. Mais, dit-il, c’est quand nous avons entamé une grève de 10 jours ouvrables que des missions de bons offices ont été engagées. «Ouverts, toujours au dialogue, nous avons eu des échanges avec les ministres en charge de la Sécurité et celui des Finances » ajoute-il. Pour lui, ces discussions ont permis de comprendre que le gouvernement ne voulait pas négocier sur l’aspect financier.
Il importe de retenir l’incidence financière de cette revendication s’élève à près de 2 milliards de F CFA par an.
«C’est dans cette confusion que le gouvernement a demandé à ce que nos salaires soient retenus. On ne nous menace pas. Nous sommes debout comme un seul homme et déterminés à aller jusqu'au bout. Nous ne céderons à rien» a-t-il indiqué.
Notons que, selon notre interlocuteur, la grève est suivie à près de 100% sur toute l’étendue du territoire national. Mais, en attendant, c’est le citoyen qui souffre le martyre.