Au lendemain de l’élection présidentielle malienne, le leader de la Coalition du peuple pour l’Azawad (CPA) a choisi de s’exprimer sur la donne politico-militaire dont il faut désormais tenir compte.
Le Comité du Conseil de sécurité de l’ONU a mandaté fin 2017 un groupe d’experts chargé d’enquêter et de recueillir des informations pouvant servir à désigner et sanctionner les personnes ou entités qui, par leurs actes, violent, entravent, menacent la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali, signé en mai 2015 puis en juin 2015 par la CMA (Coordination des mouvements de l’Azawad), la Plateforme (groupes armés progouvernementaux) et l’État malien pour mettre fin au conflit dans le nord du pays, qui avait éclaté au début de l’année 2012.
Depuis sa signature, la mise en œuvre de l’accord de paix d’Alger accuse un retard conséquent qui a poussé le Conseil de sécurité à adopter un régime de sanctions contre les individus entravant son application, mais ses sanctions n’ont à ce jour pas été effectives. Le groupe d’experts, qui a durant cinq mois sillonné le pays afin de consulter un large éventail de parties prenantes, a rédigé ses conclusions dans un rapport qui a été rendu public mardi dernier.
Dans ce rapport, les experts disent avoir recueilli des informations qui démontreraient « que des membres des groupes armés signataires et des factions dissidentes étaient impliqués dans des attaques dirigées contre les forces armées et de sécurité maliennes et dans la criminalité organisée, et qu’ils menaçaient de recourir à la violence pour être inclus dans l’accord, compromettant ainsi indirectement son application », et que « certains membres des groupes armés qui coopèrent à l’application de l’accord étaient impliqués dans des activités terroristes », notamment dans plusieurs attaques qui ont ensuite été revendiquées par le GSIM (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans).
Ces observations des experts ramènent sur la table la question des liens parfois étroits qu’entretiennent les groupes armés signataires de l’accord de paix avec les mouvances terroristes et la nécessité de mettre en place des sanctions réellement effectives. Fait inédit, le rapport cite nommément des personnes ou entités considérées comme responsables et donc potentiellement sanctionnables par le Conseil de sécurité.
À l’instar de Mohamed Ousmane Ag Mohamédoun, leader de la CPA (Coalition du peuple pour l’Azawad), faction politico-armée dissidente de la CMA, accusée d’avoir « très activement contribué à retarder la mise en œuvre de la paix et la réconciliation » dans les régions de Tombouctou et Gao et dont le chef d’état-major, Alkassoum Ag Aboulaye, aurait, selon le rapport des experts, participé à plusieurs attaques revendiquées par le GSIM.
La CME (Coordination des mouvements de l’entente), une coalition formée de dissidents des groupes signataires dont la CPA fait partie, aurait, toujours selon le rapport, menacé de recourir à la violence pour garantir leur inclusion dans l’accord de paix d’Alger. Mohamed Ousmane Ag Mohamédoun a accepté de s’entretenir avec le Point Afrique pour s’expliquer sur ces accusations qu’ils jugent « surprenantes » mais non fondées.
Le Point Afrique : Le rapport final du Groupe d’experts indépendants de l’ONU sur le Mali à l’intention des membres du Conseil de sécurité pointe du doigt le rôle de certains groupes armés parmi lesquels la CPA, qui serait impliquée dans des activités terroristes. Qu’en est-il exactement ?
Mohamed Ousmane Ag Mohamédoun : Vous savez, nous sommes en total déphasage avec ces concepts, ces visions de terrorisme ou de proximité avec le terrorisme. Nous avons notre histoire, nous avons d’abord été un mouvement de libération séparatiste. Avec la signature des accords de Ouagadougou, nous avons officiellement et solennellement renoncé à l’indépendance, de même, ceux qui avaient l’ambition d’installer la charia dans le pays ont aussi renoncé. Nous nous sommes inscrits dans la dynamique d’une République du Mali laïque.
Les incohérences de certains responsables du MNLA à l’époque nous ont amenés à créer la faction dissidente du CPA et c’est comme ça que nous nous sommes retrouvés à Alger pour négocier un statut pour les régions de l’Azawad. Après huit mois de négociation, nous avons compris qu’il n’y aurait pas meilleur document que cet accord et nous avons pris l’engagement de le signer le 15 mai 2015. Mais, en le signant, nous sommes devenus des ennemis, on a créé des oppositions. Maintenant que certains de nos opposants racontent que nous coopérons avec les terroristes, ils sont libres de dire ce qu’ils pensent, c’est de bonne guerre ! Mais notre position est claire et officielle, nous n’avons pas une histoire commune avec ces milieux terroristes.