Suite à l’élection présidentielle du 29 juillet et 12 août 2018, le Mali amorce une phase décisive de son processus démocratique entamé en 1992. Sur cinq ans qu’entreprendre en premier ? Qu’entreprendre plus tard ? Tout comme il y a des urgences et des priorités immédiates, il y a lieu de s’attaquer à certaines problématiques en début de quinquennat et d’autres qui peuvent attendre, ou même parfois auxquelles on ne peut s’attaquer avant que les premières aient été résolues. Qu’entreprendre pour commencer ? Où marquer d’emblée la volonté de l’Etat et son effort principal ?
Les défis sont nombreux et il importe de parvenir à une solution définitive à la crise multiforme politico-sécuritaire, sociale, alimentaire et nutritionnelle par des réformes politiques et institutionnelles, de défense et de sécurité, ceci afin de parer à la crise humanitaire et de promouvoir le développement socio-économique, culturel, la justice, et la réconciliation.
Le succès de l’étape actuelle de la consolidation de la démocratie dépend en grande partie de la capacité des Maliens à résoudre les défis immenses de reconstruction politique, sécuritaire, sociale et économique du pays en diluant les séquelles laissées par des décennies de politique de rupture engendrée par les différents régimes au pouvoir depuis l’indépendance en 1960. Ainsi en tirant les enseignements du processus démocratique, les autorités maliennes doivent se doter d’un instrument-cadre, par exemple un livre blanc sur la paix, la gouvernance, la reconstruction et le développement. Les principes de base de ce programme national pourraient engendrer un plan d’actions global s’inscrivant dans la durée et devrait tenir compte des besoins immédiats de la population en s’appuyant sur les forces vives de la société de manière inclusive.
Il importe de rappeler que changer le Mali ne saurait être le fait ni de l’Etat, ni d’une seule personne, mais que la participation de tous est indispensable pour atteindre les objectifs souhaités pour un développement durable. Un Etat se conduit, mais à cet effet une vision et une stratégie doivent l’inspirer. De ce fait, le projet de société qui a servi de base à la campagne électorale devrait désormais servir à poser des actes visibles de tous, susceptibles de toucher rapidement la vie quotidienne de chacun. Il s’agit de marquer immédiatement que le temps de l’action est arrivé. En outre, il y aura lieu de marquer l’autorité de l’Etat et de démontrer très concrètement l’état d’esprit qui désormais va présider à sa conduite par le Président de la République. Il s’agira entres autres priorités d’atteindre un développement équilibré du pays, de promouvoir une plus grande cohérence et des échanges accrus entre les régions du Nord, Sud et Centre du pays, et de renforcer la cohésion du développement du Mali au profit de l’ensemble de ses habitants. Il s’agira également de rattraper le retard des régions les plus défavorisées en termes d’investissements structurants (transports et télécommunication, environnement, agriculture…) et sociaux (santé, éducation…).
Aussi, la paix et la sécurité doivent être garanties à tous les citoyens sur toute l’étendue du territoire national. L’esprit de cohésion nationale doit être renforcé et étendu à l’ensemble du pays et la violence endémique qui sévit dans les communautés du Centre et du Nord doit être endiguée et éradiquée. Ce programme a besoin que le gouvernement mette en place des forces de sécurité formées et sensibilisées au respect des droits humains fondamentaux, bien équipées et motivées, contribuant à établir un climat apaisé et sécurisé pour les populations. En outre, des mesures pourraient être prises à la fois pour créer des conditions favorables à l’investissement et à la sécurité humaine. La réconciliation nationale, la refondation de l’Etat, l’amélioration du processus électoral et la mise en place d’un gouvernement représentatif, l’engagement de tous les partis politiques représentés à l’Assemblée nationale en faveur du programme gouvernemental de paix, de reconstruction et de développement doivent favoriser cette réconciliation nationale.
Le programme aurait pour objectif de faire un lien entre la croissance, la gouvernance, le développement, la reconstruction, et la réconciliation. Il s’agira essentiellement de fournir l’accès aux infrastructures et services modernes tels que l’électricité, l’eau, l’assainissement, l’irrigation, les télécommunications, les transports, la santé, l’éducation et la formation aux populations sur le territoire national. Ceci favorisera le développement économique dans son ensemble pour une prospérité partagée et équitable afin d’atteindre une cohésion nationale et une paix durable. Il s’agira en l’occurrence d’adopter une démarche stratégique évolutive et modulable visant à planifier et prioriser les politiques publiques en intégrant un processus d’évaluation. Véritable outil de gouvernance, le Plan Stratégique d’Actions (2018-2023) devrait permettre d’anticiper les enjeux, de répondre aux besoins des populations et d’améliorer les relations de l’Administration avec les citoyens.
Modibo Mao MAKALOU
M.B.A./Economiste financier
Ancien Sherpa de l’Union Africaine et du NEPAD
Membre du Groupe d’Etudes sur l’Efficacité de l’Aide de l’Organisation pour la Coopération et le Développement Economiques (OCDE)
Membre du Comité Consultatif de l’Union Economique et Monétaire de l’Afrique de l’Ouest sur les Partenariats Public-Privé