Dans le cadre de la promotion de la culture et des talents maliens, votre quotidien d’information, d’analyse et d’enquête est allé à la rencontre d’un jeune prodige malien, Alpha Saloum Haidara. Il est poète, écrivain, mais également promoteur et directeur général de la jeune maison d’édition malienne, Innov Éditions. Il nous parle aujourd’hui, en tant que poète, de son ouvrage Nos cris et nos larmes. Entretien !
Le Pays : Comment expliquerez-vous votre amour pour l’écriture ?
Alpha Saloum Haïdara : Être écrivain, je ne sais pas si je l’ai voulu ou pas. En tout cas, à un moment de ma vie, je me suis retrouvé dedans sans pour autant savoir réellement ma vraie motivation. L’écriture est un coin de ma vie que j’ai commencée très petit. Je ne sais pas quelle peut être la motivation d’un enfant de 10 à 12 ans qui commence à griffonner déjà des textes. Depuis à cet âge-là, je composais des textes et notamment des poèmes pour des amis, mais aussi avec l’intention d’en publier. C’est la raison pour laquelle il me serait difficile de donner une justification à ma motivation d’écrivain. Mais aujourd’hui, si on me demande pourquoi j’écris, je pourrais aisément répondre à cette question en soutenant que parce qu’il y a trop d’injustices, la jeunesse se trouve dans une situation assez critique. Une jeunesse qui a besoin d’être conscientisée par rapport à beaucoup de sujets. Je me dis qu’en tant que jeune écrivain, nous pouvons conscientiser cette jeunesse en étant une sorte de vitrine, d’ambassadeur afin que la jeunesse puisse prendre conscience de ses propres maux ainsi que de ceux de la société tout en essayant de trouver la solution.
Parlons de votre livre, Nos cris et nos larmes, de quoi parle-t-il ?
Ce livre n’est autre que la traduction de ce que vit l’Afrique, de tous ses problèmes qui ne sont que des faux problèmes. Je me dis alors que je ne pourrais en aucune manière me taire tant que l’Afrique se trouve dans cette situation déplorable et lamentable. Je ne peux pas comprendre, un continent qui est d’une richesse extraordinaire, mais qui vit une pauvreté extrême. C’est absurde ! D’un côté, cette absurdité relève de la responsabilité de l’Africain lui-même parce qu’il s’est laissé malmené par les autres. Il faut avoir le courage de le dire, il importe que l’Africain essaie de vivre sa vie d’Africain, de croire en ses réalités, de croire en ses capacités pour que les choses puissent véritablement changer. Au Mali par exemple, nous avons un sous-sol extrêmement riche, mais il faut voir le train de vie des Maliens, c’est pitoyable dans un pays comme tel. Or, les Occidentaux eux-mêmes quittent leur continent pour venir ici. Cela ne traduit autre chose que la richesse de notre pays, de notre continent.
C’est pour vous dire que, dans ce livre-là, j’essaie de mettre la lumière sur ces phénomènes et de dire aux Africains que nous vivons des faux problèmes et qu’il nous importe de trouver coûte que coûte la solution en travaillant. On ne peut pas vouloir réussir et ne pas être acteur de cette réussite. Si l’Afrique demeure dans cette situation critique aujourd’hui, c’est parce que l’Africain a toujours été passif. On est toujours là à être spectateur de notre destin. Cela doit véritable changer. Pour que cela se fasse, il convient que la jeunesse change de comportement. Il faut qu’elle comprenne que c’est à elle de se lever et de se battre pour que l’Afrique puisse devenir ce qu’elle devrait toujours être et qu’elle n’a jamais su être à cause de sa nonchalance.
« Nos cris et nos larmes » constituent un véritable cri de cœur, mais aussi de cris d’espoirs. Il faut que l’Africain comprenne qu’il y a beaucoup d’espoirs pour qu’on puisse aller de l’avant. Si nous reconnaissons nos défauts, nous avons la possibilité de mettre fin à tout ça. Seule la jeunesse est la couche sur laquelle il faudrait compter pour ce faire. Il importe de comprendre que cette résolution des problèmes ne peut se faire du jour au lendemain, il faut de la patience, de l’endurance, de la détermination, de la persévérance, de l’abnégation, du courage, etc. Tous ceux-ci sont nécessaires pour une Afrique émergente et développée.
En outre, il convient d’ajouter que le problème de l’Africain constitue également la méchanceté vis-à-vis de son prochain. Il faut qu’on essaie véritablement de créer l’amour de son prochain. Il ne sert absolument à rien de vouloir du mal à son prochain, à son semblable. Ce n’est qu’ensemble qu’on parviendra à créer une Afrique unie et forte, une Afrique battante. Mais, hélas ! Cette méchanceté contribue énormément au retard de l’Afrique. Tu vois un frère sur un bon chemin sur lequel tu n’as pas les compétences requises, encourage-le, peut-être que sa compétence servira à quelque chose pour ce continent.
En Afrique, nous parlons beaucoup de la solidarité, mais en réalité, je ne vois pas le vrai visage de cette solidarité. C’est l’hypocrisie pure et dure qui gangrène cette société. Cela doit cesser si nous voulons aller de l’avant. L’occident qui nous désempare de tous nos biens réussit parce que les Occidentaux sont solidaires entre eux, ils essayent de s’aimer, de trouver la solution à leurs maux.
Au lieu donc de nous entre-déchirer, nous ferons mieux de nous donner la main si nous voulons que ce continent aille de l’avant. Le poème « Servante d’Afrique », par exemple, traite de cette problématique qui consiste au fait que les Africains veuillent quitter cette situation misérable, mais ils se permettent d’enfoncer des frères dans la même situation. Je ne peux pas comprendre que ceux que nous appelons ici les aide-ménagères et qui quittent leur village à la recherche de mieux-être se font manipuler n’importe comment. Aucune perspective dans cette situation.
La dépigmentation constitue également un autre point clé de ce recueil de poèmes. Les Africains eux-mêmes veulent fuir l’identité noire en se décapant la peau. Tout ceci montre que l’amour revient sur beaucoup d’aspects. Pendant que tu n’arrives pas à supporter ta propre peau, comment vas-tu supporter tes problèmes et trouver la solution ?
S’agit-il alors d’un livre panafricaniste ?
Je ne suis pas panafricaniste en réalité. Je suis plutôt réaliste parce que je ne décrie pas seulement les maux de l’Afrique. Rien ne m’empêcherait de décrier les mauvais traitements qu’on fait subir à un frère français ou américain. J’essaie juste de défendre les intérêts de l’Afrique, les intérêts du monde, les intérêts de ceux qui sont injustement accusés et injustement maltraités. Voilà le sens de mon combat.
Pourquoi semblez-vous aimer plus le statut poète à celui d’éditeur ?
J’aime beaucoup le mot poète parce que c’est la poésie dont je suis nourrie à travers ma personne depuis des années, depuis tout petit. S’il m’arrive d’un point de vue professionnel d’être éditeur et qu’on me vole ce statut de poète pour ne plus m’appeler poète, mais plutôt éditeur, cela me frustre. L’appellation poète est un titre que j’ai toujours aimé. Le lien entre la poésie et moi est un lien véritablement sacré.