Enseignant, écrivain, chercheur, chef de village de sa terre natale dans le « Jitoumou » (arrondissement de Ouélessébougou), Pr. Gaoussou Diawara s’en est allé, mardi dernier, après une vie pleine. Au nom du président de la République, Ibrahim Boubacar Keita, il a été fait commandeur de l’Ordre national par le Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga, mercredi à Badalabougou, au cours d’un hommage officiel.
Dès l’annonce de la nouvelle de son décès, une phrase prémonitoire prononcée, il y a un an lors de la remise du prix du meilleur écrivain de l’Association des écrivains africains à l’occasion de la célébration de la Journée de renaissance de la culture africaine, ne cesse de résonner dans ma tête. «Quand je ne serai plus là, je souhaite que les Maliens comprennent que mon combat a été la réhabilitation de la mémoire de Abubakari II ». Ce prix qui récompensait son roman « Avec 2000 bateaux il partit… La saga du roi mandé Bori », réédité en 2010 chez « La Sahélienne ».
Le Pr Gaoussou Diawara naquît en 1940 à Ouélessébougou. Après ses études secondaires, il part en ex U.R.S.S. pour suivre des études à la faculté d’art dramatique de l’Institut de littérature mondiale de Moscou. Il y soutient une thèse en lettres et retourne enseigner dans son pays. Auteur de nombreux écrits sur le théâtre européen et africain, il enseigne à l’Université du Mali, notamment à la Faculté des lettres, des arts et des sciences humaines, la mythologie grecque au DER de philosophie, le théâtre et la littérature en Afrique au DER des sciences de l’éducation, la dramaturgie au DER de lettres, la théâtrologie et la mise en scène.
Chevalier de l’Ordre national du mérite de France et chevalier de l’Ordre national du mérite du Mali, il est lauréat du prix UNESCO de la poésie et du prix RFI du concours théâtral interafricain. Il fut également président de l’Union des écrivains maliens et président du Centre malien de l’institut international du théâtre. Il est détenteur du prestigieux prix Lénine.
Le mois d’octobre 2017 a marqué les cinquante années d’enseignement du professeur émérite de théâtre que fut Gaoussou Diawara. C’est le couronnement d’une carrière riche, dense, toujours féconde au service de la création littéraire, théâtrale et artistique, avec en toile de fond une production intense et foisonnante d’œuvres littéraires et de fresques éminemment historiques sur le Mandé.
La valorisation de notre patrimoine culturel historique a toujours été son principal combat. Homme de culture, engagé sur tous les fronts de la lutte sociale et démocratique, cet éminent dramaturge pensait que le temps était enfin venu pour lui de se reposer, de prendre une retraite paisible mais surtout méritée (il n’a jamais rêvé d’une retraite dorée) auprès des siens, sur cette « terre sacrée » du Jitoumou. C’est donc pour magnifier ce beau parcours, qu’une cérémonie d’hommage lui sera dédiée par ses collègues, parents et amis, le 27 octobre 2017 dans sa maison de Ouléssebougou, transformée, au fil des années, en une bibliothèque savante.
L’homme de culture aimait répéter « qu’il y a réussir sa vie et réussir dans la vie. Il est aujourd’hui important pour la génération actuelle, de pouvoir faire la différence ».
La réédition de son livre sur Abubakai II était attendue depuis 1999. En effet, une édition limitée avait été faite par la NORAD, les services de la Coopération norvégienne.Gaoussou Diawara, Malien connu pour son combat de réhabilitation de Mandé Bukari dans son rôle historique de découverte du continent américain avant Christophe Colomb, passera la vitesse supérieure avec la publication d’un livre qu’il présente comme scientifique.
Le natif du Jitoumou s’élevait contre ceux qui pensent que le continent africain et les Africains n’ont rien apporté à la construction du monde. « L’Africain a toujours été accusé, à tort, de n’avoir jamais eu le courage et la curiosité de traverser l’océan » s’était-il indigné. Si Christoph Colomb a découvert le continent américain en 1492, en croyant avoir atteint les indes, le professeur indique que Abubakari II est parti en 1312 de l’actuelle Gambie en direction du continent américain. S’il n’y a plus de doute, après le livre du Pr. Gaoussou Diawara, que Abubakari II a existé et a même tenté la traversée de l’océan atlantique sans jamais y revenir, il se refuse d’affirmer qu’il a atteint l’autre rive.
Mais, il était convaincu que son départ n’a pas été accepté par les ancêtres qui ont demandé aux griots de ne pas parler de lui. Dans tous les cas, le livre « Abubakari II, explorateur mandingue » du Pr. Gaoussou Diawara, est une mine d’information sur une bonne partie de l’histoire de l’empire du Mali qui a été volontairement passée sous silence par les griots.
Le Pr Gaoussou a écrit une trentaine d’ouvrages dont des romans, recueils de poèmes, pièces de théâtre, essais et nouvelles. En outre, une cinquantaine d’œuvres dramatiques a été mise en scène par le maître. Parmi elles, « L’Aube des béliers », une pièce de théâtre qui fut lauréat du concours théâtral interafricain de Radio France internationale (ORTF) en 1975. C’est à partir de cette œuvre que des jeunes maliens et africains ont découvert l’auteur. Ainsi des générations d’enseignants et comédiens du Mali pleurent l’illustre disparu. Dors en paix professeur.