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Séquestration de citoyens par l’Etat malien, violations des droits fondamentaux : le retour de l’Etat policier
Publié le jeudi 13 septembre 2018  |  Soleil Hebdo
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Dr. Mamadou Bakaye Dembélé, enseignant-chercheur, spécialiste du droit processuel à l’USJPB, s’interroge sur les récentes arrestations des hommes politiques et met en relief ses inquiétudes.

«Le Mali, à l’instar de toute société, se réserve le monopole exclusif de réprimer les comportements qui seraient de nature à troubler l’ordre social. Cette mission essentielle à la survie de l’Etat est confiée au service public de la justice. L’efficacité de la répression des infractions exige souvent des services de la justice de placer les personnes soupçonnées en garde à vue ou en détention provisoire avant jugement qui fixera leur sort. La garde-à-vue et la détention provisoire ne signifient alors pas culpabilité. C’est pourquoi d’ailleurs, le recours à ces mesures demeure l’exception, le principe étant la liberté.

En toute hypothèse, les lois pertinentes formant le code de procédures pénales fixent des délais impératifs que l’autorité ne pourrait en aucun cas déroger sous aucun prétexte. À titre d’exemple pour la garde-à-vue, le délai de droit commun est de 48 heures, qui peut être prorogé de 24 heures sur autorisation du Parquet. Toute violation de ces délais constitue une séquestration de la personne soupçonnée par l’Etat. La séquestration consiste à retenir une personne enfermée contre son gré en dehors des procédures légales ou judiciaires.

Sachant que le délai de détention ou de garde-à-vue fut expiré, retenir enfermé le présumé contre son gré en violation de la loi n’est que la séquestration. Aucun prétexte ne pourrait justifier le dépassement des délais de garde-à-vue et ceux de la détention provisoire. Plusieurs dysfonctionnements ont été constatés par rapport à l’application correcte de ces exigences et cela ne saurait être un secret pour personne.

La situation est encore beaucoup plus complexe aujourd’hui avec la grève des magistrats qui a pour conséquence le maintien des milliers de citoyens enfermés en attente de jugement ou de poursuite dont les délais ont été largement dépassés. En effet, la grève des magistrats avancée pour justifier le dépassement desdits délais constitue un faux prétexte. Les droits fondamentaux des milliers d’honnêtes citoyens sont violés, car séquestrés par l’Etat malien.

Si les magistrats sont en grève, c’est le problème des magistrats et cela n’engage que les magistrats. Cette grève n’engage en rien le citoyen, ce n’est pas son problème. Si les autorités sont mécontentes ou ne sont pas d’accord avec les revendications des magistrats, cela aussi est le problème des autorités de l’Etat, cela n’engage en rien le citoyen. Son droit à la justice ne doit pas être aliéné même momentanément, même en période de crise interne intense, de grève de ceux-là qui doivent assurer cette justice.

De manière évidente, l’obligation de rendre la justice s’impose à l’Etat en toute circonstance. Que l’Etat le veuille ou pas, qu’il y ait grève des juges ou pas, même en période de guerre, l’Etat est tenu de rendre la justice, lorsque le citoyen en fait la demande. L’Etat ne peut se prévaloir d’aucun obstacle à cela. Il n’existe pas d’exception à l’obligation qui incombe à l’Etat de rendre la justice dès lors que le citoyen en
fait la demande. L’Etat malien est aujourd’hui justiciable devant la Cour africaine des droits de l’homme pour séquestration des citoyens.

Pour cela, il appartient simplement aux victimes de saisir la Cour africaine pour obtenir la condamnation du Mali. La saisine de la Cour africaine est conditionnée à l’épuisement des voies de recours au niveau national. Ces recours ne sont même pas présentement possibles au Mali, à fortiori de pouvoir les épuiser. C’est pourquoi la Cour africaine doit asseoir sa compétence pour que les victimes de séquestration puissent obtenir réparation des préjudices subis. En cela, la Cour africaine des droits de l’homme aurait contribué conséquemment à la protection des droits fondamentaux des présumés au Mali».

Zan Diarra

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