Incapacité à anticiper sur les événements ou la mollesse de sa diplomatie due en partie à sa trop grande propension à ne tenir compte que « des intérêts particuliers » au détriment de ceux du Mali et de la communauté internationale ? En tout cas, Alger se voit « évincée » pour de bon de ce qui constituait jusqu’ici «son arrière-cour»: le dossier Malien.
Lors des négociations entre le Gouvernement et les groupes armés au nord, qui sont tenues au cours du weekend dernier et ce, jusqu’à ce jour mercredi, sous l’égide du médiateur désigné de la CEDEAO, Blaise Compaoré, l’Algérie a brillé par son absence à ce processus ayant abouti à un accord devant permettre la tenue d’élections présidentielles sur l’ensemble du territoire, y compris à Kidal.
Après avoir longtemps défendu « une solution politique », Alger semble perdre la main, voire être écartée dans règlement de la crise malienne qui se joue à ses frontières.
A sa place, un nouvel acteur s’est imposé en véritable « maître et faiseur de paix » dans la crise qui a tant secoué le Mali : le Burkina Faso.
Médiateur pour l’Afrique de l’Ouest, le Président burkinabé, Blaise Compaoré, vient d’arracher un préaccord en parrainant ces négociations qui doivent permettre, dans le meilleur délai, le redéploiement de l’administration générale, des services sociaux de base, des forces de défense et de sécurité au nord du Mali et en particulier à Kidal.
L’Algérie, qui avait parrainé un accord entre le MNLA et Ansar Dine, ne prend pas part aux dites négociations.
Une absence qui intrigue au plus haut point.
Le pays de Bouteflika a-t-il pris ses distances vis-à-vis du dossier malien ou a-t-il été simplement écarté du règlement de la crise après avoir longtemps fait part de sa volonté de voir le conflit malien se résoudre de manière politique ?
A l’analyse des péripéties de la crise actuelle qui secoue le Mali, l’on estime que ce pays, qui considérait jusqu’ici le nôtre comme son « arrière-cour », a été dessaisi de la question pour avoir fait cavalier seul en créant un cadre de dialogue et de négociations parallèle à la médiation ouest africaine, sachant pertinemment que c’est cette dernière qui était reconnue par la quasi-totalité des instances internationales (Union Africaine, Union Européenne, Nations Unies, entre autres).
Alger avait fait preuve, il y a quelques mois, d’une grande débauche d’énergie pour tenter de mettre d’accord les frères ennemis du MNLA et de Ansar Dine.
En décembre dernier, et alors que des informations insistantes faisaient état de la présence de délégations des deux groupes dans la capitale algéroise, la diplomatie algérienne annonçait en grande pompe la signature d’un accord dans lequel les deux groupes s’engageaient à cesser toute hostilité et s’opposaient à toute intervention militaire dans la région.
Un accord présenté comme une victoire de la diplomatie nationale, mais qui n’aura pas survécu longtemps aux dissensions qui opposent les belligérants dans la région.
La mise à l’écart de ce pays voisin, reconnu pour «sa parfaite connaissance » du dossier malien en particulier et celui du Sahel africain en général, pourrait s’expliquer également par son entêtement et son opposition à toute intervention armée aux portes de ses frontières.
L’on se souvient encore de cette course contre la montre qui s’est engagée entre Alger et Paris qui divergent sur le dossier malien. Alors que la France a demandé le feu vert de l’ONU pour une intervention militaire, l’Algérie s’efforce de rallier les pays de la région à une solution politique.
En visite à Alger le 16 juillet dernier, Laurent Fabius, le ministre français des Affaires étrangères, a vainement tenté de convaincre les Algériens pour qu’ils s’impliquent dans une solution militaire à la crise malienne à laquelle Paris travaille depuis au moins l’élection de François Hollande.
Ce dernier, face à cette réticence algérienne, s’est emporté à Malte en marge du sommet des 5+5 (Europe du Sud/Maghreb) en ces termes très durs : « Il y a des pays qui peuvent être réticents, mais ils ne sont pas ceux qui vont au Conseil de sécurité faire obstacle puisque nul ne fera obstacle ».
Autre raison qui pourrait expliquer la disqualification de l’Algérie : ses tergiversations, hésitations et de tâtonnements diplomatiques qui ont fait que ce pays, cramponné aux principes de l’intangibilité des frontières, n’a pas su prendre les bonnes décisions qui s’imposaient aux bons moments. Aujourd’hui, malheureusement, Alger est condamnée à adopter une position inconfortable d’observateur plutôt que d’acteur incontournable à laquelle elle était jusque-là habituée dans la gestion et le règlement des rebellions au Mali.
Cependant, quoi qu’on puisse reprocher à ce pays, il n’est un secret pour personne que depuis l’indépendance du Mali en 1960 et le départ des derniers soldats français du pays le 20 janvier 1961, l’Algérie se posait comme « la tutelle » naturelle de la paix et la stabilité au Mali.
Pour preuve, toutes les rébellions et tentatives de rébellion auxquelles le Mali indépendant a été confronté se sont, de façon générale, réglées grâce à la « bienveillante sollicitude » du grand voisin algérien. Il en a été ainsi en 1963, 1992, 2006 et récemment en2009 avec les résultats que l’on connait.
Mais, ceci ne doit pas occulter le fait qu’à l’analyse, on se rend compte qu’à part le Pacte national signé en 1992 et dont la mise en œuvre a certes été marquée par des hauts et des bas, tous ces autres « Accords » signés sous l’égide de l’Algérie, au grand bonheur de ses détracteurs, n’ont jamais contribué à apporter des solutions idoines aux problèmes véritables qui se posent dans cette partie du territoire faisant partie intégrante d’une situation de sous-développement et de précarité généralisée pour l’ensemble des populations du pays, sans exception et sans exclusive aucune.
En cela, tous les Maliens du sud, de l’ouest, de l’est, du nord et du centre sont logés à la même enseigne.
Cependant, tout n’est pas perdu pour ce géant de la région. En effet, malgré la forte implication de la France et le désormais leadership établi de la médiation burkinabaise, qui va dans le sens du planning élaboré par Paris, Alger a encore la possibilité de jouer un rôle déterminant dans le suivi et la consolidation de la paix dans la partie septentrionale du pays.
Aussi, ce pays qui a toujours manifesté une solidarité «effective» et «concrète» au Mali, peut-il jouer un rôle capital en s’engageant résolument aux côtés de la communauté internationale en jouant entièrement toute sa partition pour une victoire quasi certaine contre le terrorisme, le narcotrafic et le crime organisé sous toutes ses formes dans la bande sahélo-saharienne.