Dans leur livre blanc intitulé « Pourquoi la prestation de serment de Monsieur Ibrahim Boubacar Keïta est une violation des lois de la République », les candidats Mohamed Ali Bathily, Oumar Mariko, Soumaïla Cissé, Choguel Kokala Maïga, Mountaga Tall, Moussa Sinko Coulibaly, Daba Diawara, Dramane Dembélé, Mamadou Traoré et Modibo Sidibé ont étalé toutes les violations des lois, de la réélection d’IBK à son investiture. D’où leur refus de reconnaitre ce dernier comme président la République.
Déçus de certaines pratiques peu orthodoxes de certains juges, précisément la violation des lois dont ils sont chargés de l’application et ses conséquences, notamment à l’occasion des deux tours de l’élection présidentielle en juillet et août 2018, les candidats précités ont, dans leur document, précisé que le juge n’est pas au-dessus de la loi, avant de rappeler sa mission : « Le juge doit se contenter de dire le droit, c’est-à-dire de l’appliquer et, à cette occasion, il sera amené à les interpréter sans les dénaturer. En aucun cas, il ne peut ignorer la loi ou lui substituer sa propre volonté. Si la demande lui en est faite, le juge a l’obligation de rendre la justice ».
Les candidats rappellent les dispositions des articles 8 et 10 des règles d’organisation et de fonctionnement de la Cour Constitutionnelle, ainsi que la procédure suivie devant elle
Ils ont ensuite déclaré que les membres de la Cour constitutionnelle sont obligés d’éviter d’avoir tout comportement qui pourrait porter atteinte à leur indépendance et à la dignité de leur fonction, les candidats rappellent l’article 8 de ladite loi qui stipule : « Les membres de la Cour Constitutionnelle ont pour obligation générale de s’abstenir de tout ce qui pourrait compromettre l’indépendance et la dignité de leurs fonctions. Ils ont l’obligation en particulier… de ne prendre aucune position publique sur les questions ayant fait ou susceptibles de faire l’objet de décision de la part de la Cour, de ne donner aucune consultation sur les questions relevant de la compétence de la Cour Constitutionnelle »
Pour ces candidats, l’obligation générale visée par cet article est renforcée par certaines obligations particulières que le juge constitutionnel est également tenu de respecter, notamment celles : de ne prendre aucune position publique sur les questions soumises à sa décision ou susceptibles de l’être ; de ne donner aucune consultation, aucun avis par écrit sur des questions pour lesquelles la Cour Constitutionnelle est compétente. « Ces obligations sont claires et précises. Les membres de la Cour Constitutionnelle doivent absolument les respecter. Elles ne doivent, sous aucun prétexte, être violées et ne sont guère négociables ».
En ce qui concerne l’article 10 de la même loi, elle précise : « La Cour a Constitutionnelle constate, le cas échéant, la démission d’office de celui de ses membres qui…aurait méconnu les obligations générales et particulières visées aux articles 3 et 8 ci-dessus ».
A les en croire, la démission d’office est un véritable couperet qui vient mettre fin à la qualité de membre de la Cour, de celui ou celle dont il sera prouvé qu’il (ou elle) a violé les obligations définies à sa charge par l’article 8. La sanction, selon eux, n’est soumise à aucune formalité dès lors que sa preuve ne souffre d’aucun doute et qu’il ne reste qu’à la constater et ce constat est dressé par la Cour qui n’a pas les moyens de se dérober. La loi l’engage à le faire, elle « constate » la démission d’office. « Si elle « fermait les yeux » sur les manquements commis par le membre qui aura violé les obligations instaurées par l’article 8 ci-dessus, il en résulterait que la Cour aura perdu son indépendance, sa neutralité et son impartialité, ce faisant, l’honneur et la dignité qui s’attachent à l’exercice de ses fonctions », écrivent-ils, avant de préciser que les articles 8 et 10 de la loi n°97-010 du 11 Février 1997 sont les textes qui ont été violés par les membres de la Cour Constitutionnelle, notamment d’abord par la présidente ladite Cour, Manassa Danioko, et ensuite par les autres membres.
Les violations de l’article 8 par la présidente de la Cour Constitutionnelle, Manassa Danioko
Sans détour, les candidats auteurs du livre blanc ont laissé entendre que pendant que le processus électoral avait déjà commencé, Madame Manassa Danioko, présidente de la Cour Constitutionnelle, a donné une consultation à Monsieur le Ministre de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation alors que l’article 8 lui interdit formellement de donner un caractère public à son avis. « La preuve de cette consultation est fournie par sa lettre n°082/P-CCM du 26 juillet 2018, constituant sa réponse à la demande dudit Ministre. Cette demande avait pour objet de requérir son avis sur l’interprétation de la loi n°2016-048 du 17 octobre 2016, notamment en ses dispositions qui traitent de la procuration », écrivent-ils.
Donc, selon eux, en violant l’obligation qu’elle avait de ne point donner cet avis, elle s’est ainsi exposée elle-même à la sanction prévue par l’article 10 qui n’est autre que sa démission d’office qui doit être constatée par la Cour.
Pis, avancent les plaignants, en plus de cet avis ainsi incriminé, elle s’est encore permise d’émettre un second avis constituant un commentaire de son propre arrêt, l’arrêt n°018-03/CC/EP du 08 août 2018 portant proclamation de résultats définitifs du 1er tour de l’élection présidentielle.
Ces deux commentaires violent l’article 8 des règles d’organisation et de fonctionnement de la Cour Constitutionnelle, ainsi que la procédure suivie devant elle et elle doit être sanctionnée aux termes de l’article 10 de la loi 97-010 du 11 février 1997. Donc, les autres membres doivent d’office constater sa démission. Elle ne peut donc rendre un jugement et si elle rend, il est nul et non avenu, selon les candidats.
Les autres membres de la Cour constitutionnelle aussi violent la loi du 11 février 1997 en son article 10
Pour ces candidats, les huit autres membres de la Cour, sous la présidence nouvelle de leur doyen d’âge, devaient statuer sur la violation de l’article 8 de la loi n°97-010 du 11 février 1997, et constater « la démission d’office » de Madame Manassa Danioko, la présidente défaillante, en application de l’article 10 de ladite loi. Malheureusement, déplorent-ils, ceux–ci aussi failli. L’ancien magistrat, Mohamed Aly Bathily, estime qu’une telle attitude équivaut, de leur part, à la désorganisation et au dysfonctionnement de la Cour Constitutionnelle. « C’est là, forcément, la forfaiture telle qu’elle est punie comme un crime par les articles 72 et 73 du Code pénal », laisse-t-il entendre. C’est à suite à cela que la plainte pour forfaiture a été déposé contre eux.
Mohamed Ali Bathily et consorts évoquent les raisons de la plainte pour forfaiture
A en croire le contenu du livre blanc, Le 31 août 2018, les candidats Soumaïla Cissé, Mohamed Ali Bathily, Choguel Kokala Maïga, Daba Diawara, Dramane Dembélé, Mamadou Traoré, Mountaga Tall et Moussa Sinko Coulibaly ont, par l’entremise du Cabinet de Maître Magatte A. Seye, porté plainte pour forfaiture et coalition de fonctionnaires contre la Constitution et la loi. Ladite plainte est portée contre les membres de la Cour Constitutionnelle pour des cas de flagrants crimes, en ce sens qu’ils ont été portés à la connaissance de l’opinion publique et de la Cour Constitutionnelle dès leur commission.
Pour ces candidats qui ne reconnaissent pas IBK comme président de la République, la poursuite des membres de la Cour constitutionnelle n’est nullement soumise à la plainte des parties civiles, elle doit être faite d’office par les parquets compétents.
L’investiture d’IBK viole la loi
Pour les signataires de ce document, IBK ne peut être investi à travers les résultats proclamés par Manassa Danioko qui est considérée comme ayant démissionné. « La prestation de serment est intervenue le 4 septembre 2018 alors que, déjà, le 31 août 2018, une plainte était déposée contre l’ensemble des membres de la Cour Constitutionnelle pour forfaiture, coalition de fonctionnaires et complicité de ces infractions », écrivent-ils.
Quant à la Cour Suprême, comme précise le livre blanc, au nom de la primauté de la loi elle devait, sur la base de la plainte à elle adressée, prendre des mesures conservatoires, notamment afin d’empêcher la prestation de serment qui n’est, de toute évidence, que la conséquence des proclamations de résultats faites en violation des lois. « En se privant de prendre ces mesures, les membres de la Cour Suprême n’ont pu que s’engouffrer et s’enfermer eux-mêmes totalement dans lesdites infractions, objet de la plainte adressée à leur juridiction », déplorent-ils. Les candidats Soumaïla Cissé, Mohamed Ali Bathily, Choguel Kokala Maïga, Daba Diawara, Dramane Dembélé, Mamadou Traoré, Mountaga Tall et Moussa Sinko Coulibaly n’en décolèrent pas et affirment : « Aucune investiture ne peut juridiquement être fondée sur la proclamation de résultats définitifs d’une élection présidentielle, lorsque cette proclamation constitue le corps des infractions pour lesquelles les membres de la Cour Constitutionnelle sont poursuivis ».
Pour ces candidats, le fait que la Cour Suprême ait fait prêter serment Ibrahim Boubacar Keïta, le 4 septembre 2018, ne peut que prolonger et aggraver les violations toutes flagrantes des lois en matière électorale et en matière pénale. Ils estiment que la prestation de serment ne fait que violer l’article 37 de la constitution.
IBK est passible de poursuite pénale pour haute trahison ou à raison des faits qualifiés de crimes ou délits commis dans l’exercice de ses fonctions
Pour les candidats contestataires des résultats, en tant que 1er magistrat, IBK, pour accepter de prêter serment en violation grave de la loi, est passible de poursuite pénale non seulement pour « haute trahison ou à raison des faits qualifiés de crimes ou délits commis dans l’exercice de ses fonctions, mais aussi pour avoir mis en péril le régime républicain qu’il a juré, « …devant Dieu et le peuple malien de préserver en toute fidélité … ».
Le président des APM affirme sans détour : « Le refus par les juridictions de respecter et de faire respecter la loi, en voulant coûte que coûte conférer la légalité à l’élection du Président sortant, ne peut se faire que dans un régime qui a cessé d’être républicain. La République ne peut s’entendre que du respect des lois car elle est elle-même d’essence juridique ». Aussi, estime-t-il que la violation des lois est la marque de l’arbitraire et de la dictature.
Les conséquences de la violation des lois
« Selon l’article 121 de la Constitution, lorsque la forme républicaine de l’Etat est remise en cause, notamment par le fait des tribunaux de refuser l’application des lois qui gouvernent le processus électoral et par l’acceptation du président de la République de tirer profit de cette inapplication pour se maintenir au pouvoir, « …Le peuple a le droit à la désobéissance civile pour la préservation de la forme républicaine de l’Etat… », Laissent ils entendre comme pour décrire les conséquences de la violation des lois par IBK et son clan. Le but de cette désobéissance civile, précisons-le, a comme objectif de « préserver les acquis démocratiques »