Tout a commencé le 22 septembre 1960. Premier ministre de l’éphémère Fédération du Mali alors que Senghor en dirige l’Assemblée fédérale, Modibo Keita prend les rênes du pays du mythique Soundjata. C’est le début d’une nouvelle ère. 58 ans après, que de challenges relevés, parfois dans la douleur, par un peuple resté digne et debout dans l’épreuve.
C’est avec fierté et dans une effervescence particulière que les Maliens ont commémoré, samedi dernier, cet anniversaire. A Bamako, sur l’Avenue du Mali, des forces étrangères et nationales ont paradé devant le président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta, et des hautes personnalités dont les présidents ivoirien, guinéen, tchadien, congolais, burkinabé, nigérien et mauritanien. Plusieurs autres pays étaient représentés, notamment la France par son ministre des Affaires étrangères, ainsi que des organisations internationales. Tout radieux et debout à bord d’un «command car» aux côtés de son chef d’état-major des armées, le président de la République a d’abord passé en revue les troupes appelées à défiler. Il retrouve, aux environs de 10 heures, ses invités de marque à la tribune d’honneur parée aux couleurs nationales. S’ensuivra la séquence de son discours, très attendu et finalement noté «excellent» par nombre de Maliens. D’emblée, Ibrahim Boubacar Keïta a rendu un vibrant hommage aux pères de l’indépendance, salué nos hôtes (civils comme militaires) et s’est incliné devant la mémoire de tous les soldats tombés sur le champ d’honneur.
Reconnaissant, il ne pouvait non plus s’empêcher de magnifier le courage politique et la prompte réaction de grands acteurs qui, il y a six ans, ont secouru notre pays en détresse. « Président Alassane Ouattara, président en exercice de la CEDEAO en ces temps-là, vous ne fûtes jamais plus proche. I ni tié. I Ouattara », a déclaré Ibrahim Boubacar Keïta qui a aussi rappelé l’apport décisif de François Hollande, alors président de la République française, pour stopper l’hallali promis au Mali par des terroristes.
Aux partenaires qui soutiennent notre pays dans la lutte contre le terrorisme, il a dit la gratitude franche du peuple malien et, au-delà, de tous les Etats de notre sous-région qui affrontent le même fléau. « Mais, vous ne pouvez imaginer à quel point nous pouvons être et sommes tristes, lorsque certains de nos partenaires et amis donnent l’impression de vouloir nous marchander ce soutien, en oubliant que si la digue que nous constituons cède, nul ne peut prédire les conséquences sur une partie du Nord de l’Occident », a-t-il ajouté, sans ambages.
Cet évènement marquait aussi l’investiture du président Ibrahim Boubacar Keïta, « couronnement des mois d’intenses efforts afin de réaliser ce qui pour beaucoup tenait de l’impossible : l’élection présidentielle à bonne date ». « Le challenge, s’est réjoui le président réélu, a été relevé grâce aux efforts multiformes du gouvernement et des forces maliennes, mais aussi grâce à la maturité́ du peuple ». Ibrahim Boubacar Keïta, qui déplore le rejet des résultats de cette élection par certains, a redit son engagement à déployer les efforts nécessaires pour que vienne le « temps des échanges et de la concertation ».
Conscient qu’on ne peut avancer dans la contestation, le président de la République a, dans son discours, tendu encore la main à l’opposition : «Aux acteurs politiques de la majorité et de l’opposition, aux animateurs de la société civile, je dis toute ma disponibilité. Ma main reste tendue ». Rappelant son souci de préserver l’unité́ nationale et de rétablir la paix et la sécurité́ sur tout le territoire du Mali, le chef de l’Etat a indiqué l’importance que revêt une mise en œuvre réussie de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation issu du processus d’Alger. Aussi, a-t-il, affiché de nouveau sa volonté de poursuivre la dotation de nos forces en moyens à travers la Loi de programmation militaire qui mobilise 22% des ressources du budget 2018. Par ailleurs, durant les cinq prochaines années, la mise en œuvre du Programme présidentiel d’urgences sociales, sera poursuivie en donnant la priorité́ aux fragiles et aux démunis. Une attention toute particulière sera également accordée au problème de l’employabilité́ des jeunes.
Un défilé composé de différents bataillons du génie militaire, de la garde nationale, de la gendarmerie, de l’armée de terre, de l’armée de l’air, des forces non opérationnelles, le MOC et les corps paramilitaires a été le clou de l’événement. Au total, plus de 6800 éléments, 1000 engins, des chevaux et une dizaine d’avions ont participé à cette parade de deux heures 30 minutes, commandée par le général Abdrahamane Baby.
Le défilé à pied a démarré avec les Anciens combattants, suivis des contingents de sept pays (Mauritanie, Guinée, Niger, Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Sénégal, Tchad). Puis, d’hommes des troupes étrangères qui participent à la lutte contre le terrorisme et à la formation de nos forces de défense et de sécurité: G5 Sahel, EUTM, MINUSMA et Barkhane.
Un autre temps fort a été le passage de la cavalerie de la garde nationale, des blindés de l’infanterie militaire, des véhicules de transport de troupes et de logistiques… Aussi, des avions de l’armée de l’air, dont trois Super Tucano, un CASA, des MI24… ont percé le ciel bamakois. Quatre parachutistes, largués à 2500 mètres d’altitude, ont bouclé la fête en toute beauté.
Issa DEMBéLé