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Mariage précoce : une pratique dangereuse et répandue
Publié le mardi 25 septembre 2018  |  L’Essor
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D’une manière ou d’une autre, le mariage précoce peut entraver le développement ou l’évolution d’une jeune fille mais surtout avoir des graves conséquences de santé



Les organisations de défense des droits des femmes et autres activistes remettent sur le tapis les questions liées au mariage précoce, un phénomène qui, selon eux, hypothéquerait la vie des jeunes filles qui en sont contraintes. Ils s’indignent des conséquences et de la survivance de la pratique.

Ils n’apprécient guère de voir des jeunes filles données en mariage précocement dans les villes et villages et suscitent le débat sur la problématique. Ils estiment que ces unions, qui se contractent avant l’âge de la majorité des jeunes filles, comportent des risques réels pour leur santé. Il est admis par tous que le mariage est une institution sociale dans notre pays.

Ce qui pousse les gens à s’unir en couple et dans certains cas précocement. Le mariage précoce découle, selon certains observateurs, d’une conception traditionnelle qui rappelle l’urgence de donner en mariage une fille dès qu’elle voit ses premières menstrues. Alors que dans certains cas, même avec la survenue des premières règles, le corps peut ne pas répondre aux exigences de relations intimes.

C’est pourquoi, on dit que le mariage doit répondre à des conditions matérielles, financières, morales mais aussi psychologiques, parce que l’individu doit être prêt dans sa tête pour vivre en couple et accepter l’autre dans sa différence. Mais de plus en plus, de jeunes filles sont données en mariage tôt, voire un trop tôt pour certaines. Ces jeunes filles sont contraintes par les siens à contracter les liens du mariage sans avoir d’avis à émettre.

Mariam Coulibaly est une personne du troisième âge. Du haut de ses 60 ans, cette habitante de Kalaban coura en a assez vu. Elle explique qu’autrefois les gens étaient heureux de vivre dans les familles nombreuses. Par conséquent, leurs enfants se mariaient tôt. Notre interlocutrice explique que la société traditionnelle avait ses vertus. La jeune fille n’admettait pas de perdre sa virginité avant le mariage parce que cela représentait un déshonneur pour elle, sa famille, sa communauté. Pour éviter cette situation, les jeunes filles étaient généralement données tôt en mariage.

Le phénomène est aujourd’hui vécu comme un casse-tête dans la société moderne. S’il est toléré par la société traditionnelle, le mariage précoce est appréhendé par les féministes qui font valoir de solides arguments, notamment ses conséquences sur la santé de la femme. Peut-être même menacer la vie des jeunes filles dans certaines situations. On retiendra des études et analyses de spécialistes que le mariage précoce reste une vraie problématique.

Dans la plupart des cas, le corps de la jeune fille ne répond même pas aux exigences physiques et émotionnelles. Qu’est-ce qui peut se passer dans une telle situation ? Le mariage précoce a beaucoup reculé dans d’autres sociétés. Par contre, le phénomène est assez répandu sur notre continent. Plusieurs jeunes filles en sont victimes.

Selon une étude publiée par l’Unicef, récemment 700 millions de femmes dans le monde ont été mariées avant d’avoir 18 ans et le plus souvent contre leur gré. « Si on peut noter un recul global de la pratique, le mariage précoce reste un usage fréquent dans nombre de pays pauvres », explique Sandrine Planchon, directrice de la communication de l’ONG Vision du monde en France.

Les statistiques d’autres pays attestent que des efforts sont faits globalement pour circonscrire le phénomène. A titre d’exemple, au Bangladesh, le pourcentage de jeunes filles mariées avant l’âge de 18 ans est passé de 75% en 1989 à 65% aujourd’hui. Le Niger demeure le pays le plus touché par le fléau, avec 75% des filles mariées avant 18 ans.

L’âge requis par la loi pour se marier au Niger est de 15 ans pour les filles. A en croire certains observateurs, le contraire se passe dans ce pays voisin. Les jeunes seraient parfois données en mariage à 12 ans. Généralement, ces jeunes filles donnent naissance à leurs premiers enfants à 16 ans. Les études et observations de spécialistes incriminent aussi le Tchad comme deuxième pays à pratiquer le mariage précoce avec 68% des filles mariées avant la majorité.

Le Bangladesh se classe en troisième position dans la pratique du mariage précoce. Par ailleurs, le Mali, le Burkina Faso, la Guinée Conakry et le Soudan du Sud sont aussi épinglés dans le classement des pays qui pratiquent aussi le mariage précoce des jeunes filles.

Dans notre pays, des textes juridiques traitent de la question, notamment l’âge du mariage. A ce propos Seydou N’golo Koné, conseiller juridique au ministère des Affaires étrangères et de la Coopération donne des explications. Selon lui, les articles 4 et 11 du Code de mariage et de la tutelle (CMT) font une mention expresse sur l’âge légalement requis pour le mariage.

Pour l’article 4 du code « l’homme avant dix-huit ans révolus, la femme avant quinze ans accomplis ne peuvent contracter le mariage ». L’article 11 dudit code stipule : « le fils qui n’a pas atteint l’âge révolu et la fille qui n’a pas atteint l’âge de 18 ans accomplis ne peuvent contracter le mariage sans le consentement de leurs pères et mères ».

Dans notre pays, l’organisation internationale non gouvernementale « Save the children » et ses partenaires, notamment la Coalition malienne de défense des droits des enfants (COMADE) se battent contre ce fléau.

D’une manière ou d’une autre, le mariage précoce peut entraver le développement ou l’évolution d’une jeune fille mais surtout avoir de graves conséquences de santé. 25 pays dans le monde dont le Mali, ont le taux de mariage de mineur les plus élèves. Ces pays sont considérés fragiles. La majorité des jeunes épouses sont des écolières.

Certaines d’entre elles n’ont aucune formation professionnelle. Vu sous cet angle, le mariage précoce a des conséquences qui peuvent être énormes pour les jeunes filles, mais aussi pour la société.

Les « victimes » sont retirées de l’école pour assumer des tâches de femmes au foyer. Cet état de fait est une entrave à leur formation mais aussi à leur épanouissement économique ou autonomisation économique d’une part. Mais d’autres part, elles sont ainsi sevrées des bonnes choses que peut offrir l’éducation.

Les conséquences du mariage précoce sont diverses. Le phénomène peut déboucher sur la mortalité maternelle. Les nombreuses adolescentes qui meurent chaque année des suites de complications de la grossesse ou de l’ accouchement sont estimées à 70 000 personnes. Chaque année, 2,5 millions de filles de moins de 16 ans mettent au monde un enfant.

En Afrique, le mariage précoce des filles intègre les us et coutumes. Une croyance ancienne soutient même que le mariage précoce est une bénédiction divine. Auparavant, le mariage était une question d’honneur pour les jeunes filles vierges qui recevaient une éducation sexuelle et les conseils requis pour garder leur virginité jusqu’à l’âge du mariage. C’était un bonheur immense de trouver un conjoint.

Aujourd’hui, la pratique a montré des insuffisances mais surtout révélé des risques encourus par les personnes précocement mariées. Les risques sont multiples et vont de la fistule obstétricale aux décès maternels, en passant par la prématurité des enfants.

Et pourtant, le Mali, à l’instar d’autres pays, a ratifié des textes juridiques (déclarations, résolutions, conventions, pactes , chartes, protocoles) internationaux dans le cadre du respect des droits de l’homme et de la petite enfance. Il a ainsi ratifié, entre autres, la convention relative au droit de l’enfant en 1990, la charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant en 1998 et la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes en 2000.

Amadou Berthé est historien, il laisse entendre que le phénomène du mariage précoce est une déperdition du fait de l’évolution du monde et de l’éducation. Ainsi, cette pratique néfaste entraine des conséquences sur la santé, notamment les fistules obstétricales, les enfants prématurés, les décès maternels précoces, etc.

Pour lutter contre le mariage précoce, tous les acteurs concernés sont interpellés et doivent s’engager plus. Une prise de conscience collective est nécessaire pour trouver des solutions idoines afin que les jeunes filles soient préparées mentalement et physiquement à jouer le rôle d’épouse, puis de mère de famille.

Amsatou Oumou TRAORé




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