«Dafing-Bobo-Peulh s’amusent», un groupe sur facebook, né du constat de l’abandon de la parenté à plaisanterie au détriment de la modernisation, est une initiative de Noho Traoré, un jeune Burkinabé qui répond à nos questions sur les motivations du groupe DBP. Noho Traoré est Dafing (Marka) de la commune rurale de Douroula à 25 km de Dédougou dans la province de la Boucle du Mouhoun. Il est Comptable de formation.
En tant fondateur du Groupe DBP, comment et quand est née cette initiative sur les réseaux sociaux ?
Le groupe DBP a été créé au lendemain de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, plus précisément, le 25 mars 2015. L’initiative est née du constat amer de l’abandon de la parenté à plaisanterie au détriment de la modernisation (l’urbanisation, la scolarisation, le développement technologique…), car tout le monde se sent mieux européen. Il était donc temps de concilier modernisme et culture afin de ne pas oublier nos propres traditions car un peuple sans culture est comme un arbre sans racines, un avion sans pilote.
Face à ces changements globaux (modernisme), la parenté à plaisanterie devra cependant se pratiquer à travers d’autres canaux et cadres afin de toucher un plus grand nombre de personnes, d’où la création sur Facebook du groupe «Dafing, Bobo et Peulh s’amusent». Ce cadre est le lieu de retrouvailles des membres des trois communautés à travers le monde.
Est-ce que le groupe a une base légale devant les autorités burkinabé ?
Oui, le groupe a une base légale devant les autorités burkinabé. Depuis le mois d’août 2018, il existe juridiquement à travers le récépissé N°00000334701 du ministère de l’Administration territoriale et de la décentralisation du Burkina-Faso.
Quels sont les objectifs ou missions du Groupe DBP ?
Les objectifs ou les missions du groupe sont les suivants : participer activement à la promotion de la cohésion sociale ; valoriser et développer la parenté à plaisanterie admise comme valeur stabilisatrice sociale ; rassembler dans un élan de solidarité les membres des trois communautés en vue de la défense, la perpétuation et le renforcement de la parenté à plaisanterie ; animer des conférences publiques en vue d’une meilleure connaissance et intégration de la parenté à plaisanterie ; organiser des activités de promotion de la culture des communautés qui la composent.
Pensez-vous qu’une telle initiative peut jouer un rôle dans la crise sécuritaire qui secoue le Burkina Faso?
Cette initiative joue un rôle très important dans la crise sécuritaire qui secoue le Burkina Faso. L’insurrection des 30 et 31 octobre 2014 à confirmé la thèse que la parenté à plaisanterie constitue un rempart face aux conflits tout comme le disait le professeur Albert Ouedraogo, le Burkina Faso à l’époque de la Haute-Volta a connu une rupture institutionnelle sans effusion de sang aux premières heures de son indépendance grâce à la parenté à plaisanterie. Les sociologues voient cette liberté de parole qui est la parenté à plaisanterie comme un solide antidote aux conflits.
Comme le disait le père de la révolution burkinabé, Thomas Sankara, «Nous devons accepter de vivre africain, c’est la seule façon de vivre libre et vivre digne». Pour tout dire, la parenté à plaisanterie, plus qu’un jeu, ces relations sont sans doute un moyen de désamorcer les tensions entre ethnies voisines ou entre clans familiaux. Cette valeur que nous ont léguée nos ancêtres doit être un grand levier pour mieux construire nos sociétés et assurer un développement harmonieux dans la diversité.
Vous tenez fréquemment des rencontres. De quoi discutez-vous ?
Depuis la prise de décision de créer une association à partir du groupe sur Facebook, plusieurs réunions ont été tenues, des assemblées générales comme des réunions de bureau. Au cours de ces rencontres, nous discutons du programme d’activités annuelles ; de comment recadrer les membres afin de respecter les objectifs que nous nous sommes assignés ; de l’avenir du groupe ; des propositions de création des bureaux déconcentrés sur le territoire burkinabé, mais aussi, dans les différents pays, à travers le monde, etc.
Depuis la création du groupe, avez-vous remarqué un quelconque impact sur les trois groupes ethniques ciblés?
La création de ce groupe a permis la renaissance du sentiment d’appartenance à une même culture chez les trois groupes ethniques cibles. Aussi, à travers nos différentes activités, nous avons pu constater l’élan de solidarité, de cohésion sociale et de fraternité entre les membres. La tenue de la 1ère édition de la «Journée Des Communautés» a prouvé l’attachement des membres du Burkina et partout ailleurs à cette valeur, à travers leurs contributions pour la réussite de ladite activité.
En dehors du Mali, qui a récemment créé son groupe DBP, avez-vous connaissance de l’existence du groupe dans d’autres pays ?
En dehors du Mali, qui a récemment mis en place son bureau, nous avons déjà le bureau de la Côte d’Ivoire. Nos membres des Etats-Unis ont en vue de se rencontrer afin de mettre en place aussi leur bureau.
Quel est votre message à l’endroit des membres du Groupe DBP ?
Mon message aux membres. Premièrement, c’est un remerciement à l’endroit de Marcel Domboué, Narcisse Tuina, Tahirou Konaté, Toualby Gnanou, qui, au début, ont cru au projet et ont porté le bébé afin qu’il grandisse. Secundo, je tiens à remercier tous les membres qui me procurent aujourd’hui un sentiment de fierté pour leur contribution combien inestimable à l’atteinte de nos objectifs.
Je m’en voudrais de finir sans rendre grâce à Dieu. Et je lance un appel aux membres de travailler sans cesse à l’atteinte de nos objectifs et de se démettre de tout esprit égoïste afin que nous puissions transmettre cet héritage aux générations à venir, car, comme le dit Joseph Ki-Zerbo, «Il faut creuser les puits d’aujourd’hui pour les soifs de demain».