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Mali : moins de réponses sécuritaires et plus de dialogues
Publié le jeudi 4 octobre 2018  |  mediapart.fr
Cérémonie
© aBamako.com par DR
Cérémonie de signature de l`accord de paix au Mali.
Bamako, le 20 juin 2015 au CICB. La rébellion à dominante touareg du nord du Mali a signé à Bamako l’accord de paix entériné le 15 mai par le camp gouvernemental et la médiation internationale.
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Réduire la distance entre les objectifs politiques et les moyens réels permettrait une politique plus réaliste (avoir les moyens de sa politique) et plus pertinente pour des populations qui attendent moins le bruit des bottes que les dividendes de la paix en matière de développement économique et social.





Le blog de Antoine Viart-Consultant international dans l’aide publique au développement-1 oct. 2018





Dans ce contexte, le processus de désarmement, démobilisation et réinsertions (DDR) a du plomb dans l’aile et sans doute encore pour longtemps. En découle que le projet politique de l’actuel gouvernement visant à sécuriser les régions nord et centre par l’armée régulière (même réorganisée avec l’intégration des anciens combattants rebelles) comme condition au redéploiement de l’administration et des services de base est sans doute trop ambitieux par rapport à ses capacités militaires réelles.

S’ajoute, à la faiblesse des effectifs de l’armée, des moyens financiers et humains passablement limités. La dépense publique malienne dans son budget 2018, avec 2 330 milliards de FCFA représente 129 444 FCFA (197 euros) par habitant et par an, avec 1 364 milliards de dépenses ordinaires (fonctionnement) et seulement 966 milliards de FCFA de dépenses en capital (investissement) qui ne représentent plus alors que 53 666 FCFA par habitant et par an, soit 81euro. Quelles infrastructures ou services peut-on bien offrir aux populations avec de tels montants ?

Cette fausse question arithmétique semble corréler le fait que l’Etat malien n’a pas plus les moyens de son ambition militaire que de son ambition à redéployer l’administration. Par conséquent, ne conviendrait-il pas de diminuer la distance manifeste entre ses objectifs politiques et ses capacités réelles à les atteindre ? N’est-il pas temps de réduire la voilure des ambitions toute théorique d’un Etat gendarme et providence (couvrant une surface grande comme deux fois et demi la France avec une dépense publique par habitant 90 fois inférieure), de sortir des modèles d’organisations institutionnelles d’ailleurs basés sur du copier/ coller de l’administration française et se consacrer à des solutions au niveau micro sans passer, au moins dans l’immédiat, par l’artillerie militaire ni l’injonction au redéploiement de l’administration ? N’y a t’il pas un rééquilibrage à trouver entre le budget (in Loi des finances) de la défense et de la sécurité représentant 14% des dépenses de l’Etat et le budget consacré à la cohésion sociale et la réconciliation représentant seulement 0,13% du budget total ? Partant, l’Etat n’aurait-il pas une carte à jouer en revenant dans ces régions par la petite porte, pour se consacrer à des solutions au plus près des réalités locales et appuyer les dialogues inter-communautaires, animer les médiations, fournir des projets de cohésion-sociale à impact rapide et combattre ainsi les djihadistes sur le front de la démonstration pratique des idées et des actions concrètes ?

Car le cœur du problème, sa racine même, n’est que la difficulté croissante des populations à avoir accès aux ressources (au sens large c’est à dire financières, foncières, hydrauliques, etc.). L’absence d’opportunité et d’espoir de vie meilleure dans des zones de plus en plus peuplées et parallèlement sous contraintes d’une forte diminution des ressources agricoles et d’élevages due notamment au changement climatique, ne peut définitivement pas avoir pour réponse de l’Etat le déploiement de sa force armée. Cette réponse est hors sujet. Les vraies réponses se situent au niveau de la gestion des ressources naturelles et des opportunités économiques. Elles sont les seules de nature à réconcilier les populations et l’Etat et à permettre, à terme, le redéploiement des services de bases. Un processus de longue haleine qui implique bien évidemment, c’est consubstantiel, de mettre en œuvre la décentralisation.

En effet, malgré le manque de ressources, la décentralisation aurait l’avantage d’impliquer et par conséquent de mieux informer et rendre compte aux populations. Car, cela est bien connu, la légitimité de l’Etat ou plus généralement des administrations publiques ne se gagne qu’à condition qu’elle soit inclusive. Autrement dit, si le gouvernement et les autorités locales (et non les ONG qui effritent la légitimité de l’Etat) n’interrogent pas les populations sur leurs véritables besoins, inutile de faire des routes, hôpitaux ou écoles sans les impliquer dans les choix et contrôle des projets mis en œuvre. Cela est tout à fait logique, les populations ont besoin de trouver les solutions et moyens (même limités) à leurs problèmes.

A défaut, la nature ayant horreur du vide, les groupes politico-armés laïques ou djihadistes continueront de se substituer à l’Etat absent en contribuant à la résolution des conflits inter-communautaires ou en apportant un semblant de réponse au déficit de services publics. Se faisant, ils conquièreront le coeur des populations (dont ils font généralement peu ou prou partie) et alimenteront, autant qu’ils le souhaitent, les velléités sécessionnistes.

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